Du côté des enseignants | En première ligne face aux difficultés.

Mis à jour le 16.07.17

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Au-delà des principes généreux, des procédures et des dispositifs cadrés par les décrets et circulaires, la réalité de l'école inclusive se décline dans les classes ordinaires avec les enseignants comme acteurs principaux. Fenêtres sur cours leur donne la parole.

L'inclusion scolaire, ce sont avant tout des enfants qui ont, comme les autres, besoin d'affection, d'attention, de respect et d'école. Ce sont des familles qui doivent accompagner sur la durée un handicap auquel elles n'étaient pas préparées. Mais ce sont aussi des enseignants tenus d'accueillir des élèves qui questionnent, dérangent parfois et bousculent leur métier au quotidien.

La professionnalité en question

Une remise en cause pédagogique d'abord pour Nathalie, directrice d'une école primaire à Solers (77) qui enseigne en CM1-CM2 : « J'avais l'habitude d'exercer en REP, avec l'idée qu'en adaptant ma pratique à des élèves défavorisés socialement, je pouvais lutter contre les difficultés scolaires. Ici, je me retrouve avec des enfants en difficultés lourdes, ancrées car on n'a pas réussi à faire plus tôt le travail de prévention et de sensibilisation des familles. Plus de 10 PPRE sur 21 élèves avec pour certains des progrès imperceptibles qui mettent à mal ma professionnalité d'enseignante. »

Même tonalité chez Katia, enseignante d'une classe de cycle 1 et directrice de l'école maternelle de trois classes à Puget-Théniers (06) qui accueille trois jours par semaine un enfant en situation de handicap « Il ne parle pas, n'est pas propre, s'exprime en partie par des cris. Difficile de le faire rentrer dans les apprentissages. Pour moi, c'est particulièrement frustrant et culpabilisant. Comme il a peu de contact avec les autres, on se demande à la fin de la journée ce qu'il a fait concrètement. »

Malgré une AVS qui accompagne l'enfant à temps plein, Katia déplore le désert médical du rural, qui la prive des indispensables contacts avec des professionnels capables de mieux lui expliquer la nature du handicap et d'échanger avec elle sur l'utilité de la scolarisation de cet enfant, sur ses progrès.

Avec ses 28 enfants de petite section, Pascale à Villeneuve d'Ascq (59) a eu bien du mal à « tenir le coup » pour inclure à mi-temps un enfant victime d'une trouble autistique. « Lorsque l'AVS a arrêté parce que son contrat se terminait, je n'ai pas pu continuer, les parents ont été compréhensifs et ils ont fait pression pour l'embauche rapide d'une autre AVS. Quant à moi, ce qui a tout changé, c'est quand j'ai pu échanger et travailler en commun avec l'enseignant de la structure spécialisée qui accueillait l'enfant ».

Des enseignantes livrées à elles-mêmes

Anne, directrice d'une maternelle à Savigny (41) scolarise deux enfants en situation de handicap. Pour l'un d'entre eux, c'est elle qui a détecté le handicap. « J'ai dû faire tout le travail auprès des parents et initier avec eux la démarche en direction de la maison du handicap. Ici, nous sommes loin de toute structure médicale et il faut plusieurs mois pour obtenir un rendez-vous au CMPP ou même avec un orthophoniste. Résultat : de septembre à fin avril, l'enfant est resté sans soin ni aide quelconque. ».

Face à cette inertie, certaines se débrouillent seules. Comme Cécile à Eyres-Moncube (40) qui dans son CM1 CM2 a souhaité garder un élève atteint de troubles du comportement qui relevait de l'ITEP* « Ayant travaillé en ITEP, je sais trop les difficultés créées par le regroupement d'élèves à problèmes. Alors j'improvise en utilisant l'enseignement individualisé, en l'écoutant beaucoup, en travaillant avec le conseil d'élèves pour désamorcer les conflits et en dialoguant avec les parents mais c'est sûr que ça me coûte beaucoup de temps et d'énergie ».

Aucune enseignante ne remet en cause le principe d'une école inclusive mais, comme le formule Nathalie, elles souffrent qu'on leur demande « d'être parfaits dans un système imparfait ». Soucieuses de mieux faire, elles ne manquent pas de propositions : « être mieux formé à la nature des troubles », « bénéficier de l'apport de personnes extérieures », « pouvoir s'appuyer sur les RASED » « avoir du temps pour échanger et prendre de la distance »...

*Institut éducatif, thérapeutique et pédagogique

En bref

BAROMÈTRE PEP : POUR LES FRANÇAIS UNE SOCIÉTÉ DE PLUS EN PLUS INÉGALITAIRE

Pour la troisième année consécutive, la Fédération générale des PEP a commandé et publié une étude pour connaître l'état de l'opinion française sur sa perception des inégalités et plus largement sur le concept de société inclusive. Les Français, dans leur grande majorité à 77 % jugent que la société française est de plus en plus inégalitaire, en particulier pour l'emploi, le logement et l'éducation.

DEPP : PARCOURS DES ÉLÈVES EN SITUATION DE HANDICAP

Une note de la DEPP publiée en octobre 2016 dresse un état du parcours scolaire à l'école primaire des élèves en situation de handicap. Une moitié d'entre eux passera dans une classe ou un établissement spécialisé, les enfants de milieux défavorisés davantage que ceux d'origine sociale plus élevée. Et alors que la plupart des élèves entrent en CM2 à 10 ans, les chercheurs notent que c'est le cas pour moins d'un élève sur quatre en situation de handicap.

BROCHURES: POUR QUE L'INCLUSION FASSE ÉCOLE


Suite au colloque organisé en mai 2014 par le SNUipp-FSU une brochure spéciale a été réalisée. Interviews de chercheurs, comptes-rendus de tables rondes, reportages sur le terrain, informations pratiques sur le parcours d'un élève en situation de handicap mais aussi pistes de revendications syndicales permettent d'alimenter la réflexion sur les moyens de réaliser une école pour tous.

L'ensemble du dossier.

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