Formation initiale : le Ministère passe en force
Mis à jour le 25.04.25
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Neuf mois après l’annonce de l’abandon de la réforme du recrutement et de la formation initiale des enseignant·es et CPE, dans des conditions inacceptables, le ministère de l’Éducation nationale a relancé le chantier et acté seul une nouvelle architecture de formation.
La FSU-SNUipp fait le point sur les modifications à la rentrée 2025 et continue à demander un moratoire pour une véritable concertation.
Le ministère a publié un décret modifiant en profondeur toute l’architecture de la formation initiale à commencer par la place du concours qui aura désormais lieu en 3ème année de licence au lieu de la 2ème année de Master. Une licence spécifique “professorat des écoles” est aussi créée. Les étudiant·es issu·es de cette licence seront dispensé·es de certaines épreuves du concours.
Les deux années de formation, allant de l’obtention du concours à la titularisation, seront rémunérées :
- 1 400 euros nets la première année (élève fonctionnaire)
- 1 800 euros net la seconde (fonctionnaire stagiaire), cette dernière étant effectuée à 50% en responsabilité de classe.
Elles seront toutes les deux prises en compte dans le calcul de la retraite. En contrepartie de cette rémunération, les nouveaux et nouvelles enseignantes devront rester 4 ans dans la fonction publique.
Les différentes voies d’accès sont maintenues, la durée de formation pouvant être réduite de moitié et commencer directement en deuxième année selon celle dont seront issu·es les lauréates et lauréats.
La nouvelle formation sera désormais autant entre les mains du Ministère de l’Education Nationale que de celui de l’Enseignement supérieur : une co-tutelle qui renforce le poids du MEN dans les différents parcours. Enfin, le mémoire de master est remplacé par un rapport de stage.
Un simulacre de concertation, un calendrier intenable
Cette réforme, présentée l’an passé, avait soulevé nombre de questionnements qui n’étaient pas résolus quand elle fut suspendue. Pourtant, au moment de remettre l’ouvrage sur le métier, le Ministère fait le choix de passer en force : il a publié le décret de cette réforme le 17 avril dernier… avant même que l’ensemble des groupes de travail ne se soient réunis ! De même, l’arrêté sur l’organisation du concours est paru sans aucune concertation et sans qu’aucun contenu (sujets types) pour le 1er degré ne soit présenté aux organisations syndicales représentatives.
Quant aux décrets statutaires encadrant les métiers de l'enseignement, ils n’ont pas non plus fait l’objet de discussions préalables. Lors du comité social d'administration ministériel (CSA-M) du 27 juin 2024 des modifications d’ampleur ont été apportées le jour même du vote, interdisant toute analyse et débat sérieux et provoquant le départ de la quasi unanimité des organisations syndicales.
Enfin, le calendrier de mise en place de la réforme est intenable : à seulement cinq mois de la rentrée 2025, ni les Universités, ni les formateurs et formatrices, ni les étudiant·es ne savent à quoi s’attendre !
Une réponse trop partielle à l’attractivité et un fond problématique
Le recrutement à bac+3 et la formation rémunérée durant 2 ans avec la reconnaissance bac +5 peuvent répondre en partie à la crise d’attractivité du métier d’enseignant. Si la FSU-SNUipp se félicite d’être entendue sur cette revendication qu’elle porte depuis longtemps, cela ne saurait suffire. En effet, sans réelle augmentation des salaires, sans amélioration des conditions de travail, il n’y a aucun miracle à attendre.
Sur le fond, la FSU critique une réforme qui vise à transformer le rôle des enseignant·es et CPE en simples exécutant·es. La suppression du mémoire en Master 2 et l’affaiblissement des contenus didactiques en sont des symptômes alarmants tant ils montrent la volonté d’enlever toute réflexivité aux entrant·es dans le métier en l’éloignant de la recherche universitaire.
La tutelle nouvelle du Ministère sur l’ensemble des parcours de formation montre une volonté de contrôle de l’institution qui ne peut être perçue que comme une volonté d’imposer, le plus tôt possible, les “bonnes pratiques” : une volonté de contrôle en somme.
Quant à la nouvelle voie de recrutement spécifique aux titulaires de la licence PE, qui les dispensera des épreuves d’admissibilité du CRPE, c’est une atteinte à l’équité entre candidat·es voire un coin enfoncé dans le principe même du recrutement par concours.
Une solution : le moratoire
Devant tant d’incertitudes et de méthodes contestables, cette réforme doit être suspendue et les discussions doivent reprendre : la FSU réclame un moratoire immédiat. Pour elle, il est urgent de repenser la formation et le recrutement des enseignant·es dans une logique qualitative permettant le développement d’un service public d’éducation réellement émancipateur pour les élèves et respectueux des personnels.
Alors que la session 2026 approche à grands pas, la balle est désormais dans le camp du ministère, qui devra choisir entre un passage en force ou une véritable réouverture des discussions.