A l'école du climato-optimisme !

Mis à jour le 27.11.22

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"Le futur est à construire" : Mireille Baurens met en avant le rôle de l'école pour aborder l'urgence écologique, pour former les élèves à l'éco-citoyenneté et donne des pistes pour aborder toutes ces questions et l'éco-anxiété avec de jeunes élèves.

Anne-Françoise Gibert est médiatrice scientifique dans l'équipe Veille et analyse de l'Ifé-ENS-Lyon

UDA 2022 Anne-Françoise Gibert©Millerand-Les grenades-Naja

Est-ce essentiel d'aborder l'urgence écologique à l'école ? 

Oui, beaucoup d’enfants y sont déjà sensibilisés et peuvent ressentir les problèmes de manière sensible avec les canicules, les sécheresses ou les inondations. Ces expériences peuvent reconfigurer leur manière de voir les choses et les rendre plus ouverts aux thématiques écologiques. Ils ramènent des questionnements à la maison et à l’école. Le futur apparaît angoissant, mais il est incertain comme le montrent les scénarios du GIEC. Il est donc à construire. Il est important qu’enfants comme adultes le sachent pour pouvoir se projeter. Face à l’urgence climatique, il y a différentes réponses : l’atténuation, réalisée par efficacité technologique, le recours aux renouvelables, la sobriété ou l’adaptation au changement climatique et enfin la transformation du système et des modes de vie. Une éducation qui donne du sens à l’existence peut y sensibiliser et, même si la société s’appuie souvent sur des solutions technologiques, laisser entrevoir une autre façon de vivre.

Comment former les élèves à l'éco-citoyenneté ? 

Ce n’est pas aux enfants de régler la crise climatique sous prétexte qu’ils auront à l’affronter plus tard. Cette responsabilité revient aux adultes. Les enfants peuvent avoir un rôle de « sensibilisateurs » comme peuvent l’être les adolescents grévistes du climat, agissant comme des lanceurs d’alerte, mais cela n’a pas encore été mesuré par la recherche. Former à l’écocitoyenneté requiert de partir de problématiques ancrées dans le lieu de vie des enfants, à travers le développement de jardins d’école ou d’actions concrètes qui les relient au vivant, à son « abondance », à sa générosité, à la nécessité d’en prendre soin, et qui sont sources d’espoir. On peut aussi entrer dans un processus d’enquête à partir d’une question environnementale, rencontrer des acteurs de terrain, les interroger, rassembler et étudier des documents. La géographie a développé ces techniques de prospective en lien avec l’aménagement du territoire : comment transformer l’environnement ? Dans ce type de démarche, l’interdisciplinarité est fructueuse. L’éducation artistique permet d’exprimer ses émotions sur le devenir, la littérature nourrit des récits du futur, les mathématiques fournissent les outils de mesure.

Est-ce suffisant d'éduquer aux écogestes ? 

Ils relèvent d’une approche comportementaliste qui n’interroge pas le pourquoi des choses. En matière de déchets, on va se focaliser sur leur recyclage, sans poser la vraie question de savoir pourquoi il y a tant de consommation. Et comment faire en sorte d’avoir plus de joie de vivre sans ces comportements addictifs ? L’enseignement n’est pas seulement scientifique, la philosophie permet de s’emparer d’une réflexion à mener sur le sens de la vie. Enfin, si l’engagement des élèves dans l’action est souhaitable, ce n’est pas une fin en soi, la finalité reste l’apprentissage. Dans une action de plantation d’arbres, l’important n’est pas le résultat, mais le processus sur le pourquoi et le comment planter.

Eco-anxiété : un problème d'enfant ou d'adulte ? 

Les deux mais les jeunes apparaissent très affectés. Cette anxiété par rapport au futur et à l’habitabilité de la terre semble se développer aussi chez les enfants mais l’essentiel des études portent sur les adolescents. L’Office for Climate Education a développé un programme de recherche sur les émotions liées au changement climatique. Lorsqu’on encourage les élèves à exprimer leurs émotions, elles ne sont pas que négatives ou angoissées, mais révèlent aussi de l’inspiration, de l’optimisme et sont liées à des envies de mener des projets ensemble, avec les autres.

Comment traiter ces problématiques complexes avec de jeunes élèves ? 

Plutôt par des études de cas qui génèrent de nouvelles questions. Si on travaille sur les abeilles, on peut se questionner sur les façons de développer un habitat propice, leurs besoins alimentaires, ce qui les menace, les propriétés des produits de la ruche et leur impact sur la santé humaine, etc. Ouvrir à l’environnement socio-écologique à partir d’une thématique, d’exemples relativement robustes et ne pas hésiter à s’appuyer sur des relations avec des acteurs du territoire, en particulier les collectivités territoriales. Ainsi, en matière d’alimentation, une telle enquête aboutit à poser la question de l’approvisionnement, proche ou lointain. Ce faisant, on est au cœur de l’éducation au développement durable, à partir de choses concrètes, du quotidien.