Faire émerger les représentations des élèves

Mis à jour le 18.12.23

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Yann Lhoste est professeur des universités en sciences de l'éducation et de la formation à l'université des Antilles. Il mène des recherches en didactique des SVT.

Yann Lhoste est professeur des universités en sciences de l'éducation et de la formation à l'université des Antilles. Il mène des recherches en didactique des SVT.

FsC 494 UDA Yann Lhoste

                                                     “Prendre le temps de faire émerger les représentations des élèves ”

Pour l'enseignement des sciences, vous soulignez l'importance des gestes professionnels langagiers didactiques, de quoi s'agit-il ? 

Les gestes langagiers didactiques correspondent à la façon dont l’enseignant, par ses interventions, pilote, conduit des moments de débat scientifique en classe pour permettre aux élèves de construire des savoirs scientifiques. Dans le cadre de l’enseignement des sciences, les travaux anciens en didactique montrent l’importance pour les élèves d’accéder à des questions scientifiques, de les problématiser et de les résoudre. L’enseignant s’appuie sur certains propos des élèves - ceux qui sont de nature à les aider à comprendre un phénomène - sélectionner certaines données avancées, focaliser l’attention des élèves sur certains points, thématiser les questions qui sont pertinentes par rapport aux savoirs en jeu.

En quoi cette approche facilite-t-elle l'enseignement de la discipline ? 

Cette approche permet de redonner du pouvoir d’agir aux enseignants en les considérant comme ceux qui introduisent les savoirs scientifiques dans la classe. En repérant les interventions les plus pertinentes des élèves, ils introduisent des savoirs scientifiques, non pas sous forme textuelle mais à partir de l’activité langagière des élèves et en la réorientant vers une activité de problématisation. Par exemple, sur le volcanisme, ce n’est pas simplement restituer le nom des différentes parties du volcan mais comprendre à quelle condition le magma peut se former alors que l’intérieur de la terre est entièrement solide et pourtant, en surface, il y a de la lave. C’est comprendre à quelles conditions et pourquoi, en fonction de la tectonique globale, il y a de la fusion à certains endroits.

“En repérant les interventions les plus pertinentes des élèves, les enseignants introduisent des savoirs scientifiques”

Quels bénéfices pour les élèves ? 

Face à des situations problèmes, les élèves ont tous des représentations et des explications préalables. L’enjeu est de les transformer. Atteindre cet objectif n’est possible que si les élèves sont aux manettes. Une démarche qu’ils ne peuvent faire seuls et qui nécessite l’accompagnement de l'enseignant via justement ses gestes langagiers didactiques. Celui-ci va les aider à problématiser, mettre en discussion les représentations pour construire une problématique. Il va y avoir une phase d’investigation où les élèves vont chercher des informations, faire des maquettes, etc. La construction du problème se révèle tout aussi importante que sa résolution. C’est dans ces moments de débats scientifiques que les représentations initiales sont remises en cause et se modifient. Si l’on se contente de donner la bonne réponse aux élèves, au mieux ils sont capables de restituer la solution, mais, à moyen terme ils ne construisent pas de véritables savoirs.

Quels conseils donner aux PE pour mettre en pratique ? 

Placer les élèves dans des situations problèmes, organiser des débats scientifiques pour leur permettre de construire le problème avant de le résoudre. Prendre le temps de faire émerger les représentations des élèves, de les faire débattre pour construire une problématique. La résolution du problème n’aura des effets que si les représentations des élèves ont été suffisamment remises en cause. Prendre ce temps est la condition pour que les savoirs scientifiques soient émancipateurs et génèrent du développement du côté des élèves. Les enseignants doivent aussi avoir une bonne maîtrise des contenus scientifiques, des problématiques en jeu et une connaissance des obstacles présents dans le savoir. L’enseignant n’est pas juste l’animateur du débat mais bien celui qui introduit par ses gestes langagiers didactiques, ce qui fait obstacle. En quelque sorte, l’enseignant leur tend un piège mais les aide à en sortir sans leur faire la courte échelle.