Relation école-famille

Mis à jour le 03.09.22

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Penser la relation école-famille pour bâtir des accords relationnels.

Penser la relation école-famille non comme une sollicitation des parents sur des compétences qu’ils n’auraient pas, mais pour bâtir des accords relationnels.

Rythmes et horaires scolaires, paroles des enfants, mots dans les cahiers, devoirs... l’école impacte indubitablement le quotidien des foyers familiaux. Pourtant, à l’inverse, tous les parents n’entrent pas à l’école. De même, si de nombreux travaux démontrent que tous les parents, quels que soient les milieux sociaux, souhaitent que leurs enfants réussissent à l’école, en revanche, ils n’ont pas tous les mêmes relations avec l’école. Le principe d’un lien école-famille s’est progressivement construit depuis les années 80, après des décennies d’une relation basée sur une protection de l’espace scolaire de toute « intrusion ». C’est la loi du 10 juillet 1989 qui vient inscrire la notion de dialogue et de participation. « Les parents d’élèves sont membres de la communauté éducative. Leur participation et le dialogue avec les enseignants et les autres personnels sont assurés dans chaque école et dans chaque établissement... ». Les incitations, en particulier liées aux politiques de la ville ou de l’éducation prioritaire, ont entraîné une multiplication des initiatives pour « rapprocher » parents et école. Le référentiel des métiers du professorat de 2013, appuyé par la circulaire du 15 octobre 2013, considère à présent le fait de « coopérer avec les parents d’élèves » comme une compétence professionnelle requise, dans le but à la fois de créer des relations de confiance et d’avoir une analyse commune des apprentissages et difficultés des élèves. 

Une mise en œuvre laborieuse 

Évidemment, les rapports école-famille diffèrent selon le niveau d’enseignement ou selon le lieu d’exercice (petite école rurale, grande école urbaine ou REP). Néanmoins, malgré une adhésion tacite au principe, ces rapports semblent encore souvent empreints d’une certaine distance et de malaises. Les projets mis en œuvre dépendent surtout de volontés personnelles, les enseignant•es n’ayant reçu pour la plupart aucune formation sur le sujet et les moyens alloués restent inégaux et saupoudrés. De plus, pour Françoise Lorcerie, directrice de recherche en sciences politiques, une défiance vis-à-vis des parents relève d’un « fondement structurel ». « Elle est ancrée dans le fonctionnement ordinaire de l’organisation scolaire, elle est entretenue par lui et banalisée, rendue invisible par lui* ». Ce qui empêche les diverses initiatives de vivre sur le long terme, générant alors déceptions et frustrations. S’y ajoute un contexte de dénigrement de l’école publique qui favorise les interpellations conflictuelles des acteurs et actrices de l’école par certains parents. 

Eviter les coupures

Or, de mauvaises relations entre l’enseignant•e et les parents risquent de placer l’enfant dans un conflit de loyauté. « L’enfant-élève peut se sentir tiraillé entre deux univers aux codes si étrangers qu’ils lui semblent inconciliables », explique Jacques Bernardin, docteur en sciences de l’éducation**. Une tension susceptible de freiner l’engagement scolaire et l’entrée dans les apprentissages. Au contraire, « l’élève est sensible à la convergence des intentions à son égard, y compris si les façons de la manifester sont diverses. » Créer du lien entre les différents adultes responsables de l’enfant, éclaircir les malentendus c’est lui permettre explicitement de se situer. Et c’est évidemment avec les familles de milieux populaires, celles qui n’ont pas fait leurs les codes de l’école, que l’enjeu est de taille. Et comme le rappelle Marie-Odile Maire-Sandoz, « l’école a un rôle à jouer dans la légitimation du rôle de parent en instaurant une confiance réciproque basée sur une parité d’estime ».***
* Cahier d’Éducation et devenir, n° 28, janvier 2017 ** FSC spécial UDA, octobre 2016
*** FSC spécial UDA, octobre 2019

PIERRE PÉRIER  est sociologue de l’éducation, auteur de « Des parents invisibles » (PUF -2019) 

FsC 484 Pierre-Perier©Millerand-Naja

La scolarité, une responsabilité parentale ? 

Les enjeux de l’école sont partagés par toutes les familles, il serait donc difficile d’admettre qu’il n’y a pas de responsabilité. En même temps, les codes scolaires ne sont pas à la portée de tous les parents et la maîtrise des attendus de l’école donne le sentiment que certains parents sont plus responsables que d’autres. Dans cette question de normes implicites de l’école sommeille la représentation d’un parent idéal. L’école dit vouloir associer les parents mais elle le fait à partir d’elle, de ses attentes, avec ceux qui s’y conforment. Il existe un inconscient social qui ne se rend pas compte que le fonctionnement ordinaire de l’école ne s’adresse qu’à un type de parent et perpétue des difficultés récurrentes à créer des liens. 

Quid des familles les moins en connivence avec l'école ?  

Je distinguerai trois logiques. Celle d’un rapport de confiance qui repose sur une forme de délégation à ceux jugés plus compétents que soi. Mais avec un malentendu sur les attentes, entraînant une déstabilisation pouvant se transformer alors en défiance vis-à-vis de l’école. La seconde se traduit par une naturalisation des difficultés, visant à protéger l’enfant en le dédouanant et entraînant un fatalisme scolaire. Les parents n’y croient plus. La troisième logique est celle d’un retrait. Suite à un sentiment de jugement, de violences symboliques par l’institution, les parents se mettent à distance pour éviter un regard culpabilisant et préserver leur identité et dignité de parent. 

Comment construire une relation d'équité éducative ?  

Fondamentalement, si on veut que les choses bougent, c’est à l’institution de bouger ! Par un travail sur elle-même, une prise de conscience des attendus socialement situés. Bien sûr, des initiatives et des pratiques constituent des cercles vertueux. Un contact dès le début d’année avec chaque parent donne le signe d’une préoccupation partagée, d’une reconnaissance mutuelle et crée un lien personnifié au-delà d’une réunion de rentrée institutionnelle. Penser la diversification des modalités d’explicitation, des rencontres en fonction des familles aussi. Je pense surtout qu’il ne faut pas laisser les parents isolés, démunis. Il faut collectiviser cette question au sein de l’école, du quartier, pour sortir de réponses individuelles.

FsC 484 décryptage©Millerand-NAJA

CO-ÉDUCATION

Collaboration, partenariat, coopération… ces termes viennent faire entendre la nécessité d’une co-éducation pour l’enfant. Cela implique de considérer que l’acte d’enseignement n’est plus seulement une transmission facile de savoirs à un élève idéalisé mais qu’il participe du développement du sujet et de la construction de la citoyenne ou du citoyen futurs. Cela implique sans doute aussi de prendre en compte les histoires familiales comme les tiers temps que constituent les « loisirs éducatifs ». Ainsi nombre de projets s’appuient sur des dynamiques locales, soutenus par les associations. C’est souvent le cas des « petits déjeuners des parents » qui proposent des échanges sur des sujets variés, de « l’École ouverte » pour accompagner les familles primo-arrivantes ou encore des contrats locaux d’accompagnement scolaire centrés sur l’aide aux devoirs et les apports culturels. Ces dispositifs s’appuient souvent sur des partenariats divers, dans une visée à la fois scolaire, culturelle et sociale. Pour le sociologue Pierre Périer, créer un « maillage parental » grâce à des parents relais impliqués dans leur quartier et la vie associative permettrait de « donner une voix, une représentation dans l’école faisant du lien sur la base de projet.

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