Rapport sur la pauvreté

Mis à jour le 09.12.20

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Interview de Anne Brunner : un enfant sur 10 grandit dans une famille pauvre

Anne Brunner, co-autrice du rapport sur la pauvreté en France 2020-2021 et directrice d’études à l’Observatoire des inégalités.

Anne Brunner

Comment évolue la pauvreté en France ?

5, 3 millions de personnes vivent sous le seuil de pauvreté en France en 2018. Cela représente 8,3 % de la population. C’est-à-dire que ces personnes touchent moins de la moitié du revenu médian, soit 885 € par mois toutes ressources comprises. Certains touchant encore bien moins. Cette pauvreté s’est particulièrement étendue entre 2002 et 2012 avec une hausse de plus de 1 million de personnes, puis une hausse de 350 000 personnes les cinq dernières années. En cause, la précarisation du travail, avec des salariés qui passent une partie de l’année au chômage et avec des revenus plus faibles et insuffisants. S’y ajoutent des effets sociétaux, comme la situation des familles monoparentales qui sont plus exposées à la pauvreté.

Cette pauvreté touche-t-elle plus particulièrement les jeunes ?

Même si la pauvreté touche toutes les tranches d’âge, celle des 18-29 ans est, en effet, la plus exposée avec un million de jeunes adultes concernés. C’est chez eux que la pauvreté s’est le plus étendue. La moitié des 15-24 ans qui travaillent ont un contrat précaire. Le niveau de diplôme constitue la principale fracture. Une précarité d’autant plus grave qu’avant 25 ans, les jeunes adultes n’ont pas droit au RSA. Sachant toutefois que les données de l’INSEE utilisées invisibilisent en partie la pauvreté des étudiants et de jeunes sortis des études mais qui n’ont pas les moyens de quitter le domicile de leurs parents.

“Les jeunes seront d’autant plus touchés que les portes du marché du travail vont être fermées.”

Les enfants sont-ils également touchés ?

En effet, un enfant sur dix grandit dans une famille pauvre. On ne parle pas d’enfants pauvres puisqu’ils ne sont pas pauvres eux-mêmes, mais d’enfants de pauvres, qui subissent le chômage et la précarité de leurs parents. Les enfants de ces familles n’ont pas les mêmes possibilités. Et quand on sait que l’acquisition de diplôme est un facteur de protection par rapport à la pauvreté...

La crise actuelle risque-t-elle d’augmenter cette pauvreté ? 

On ne peut pas donner un chiffre, en revanche des phénomènes nous alertent. Les personnes en cessation d’activité risquent de basculer dans la pauvreté. Celles en contrat en durée déterminée, en intérim, les contrats saisonniers … Les jeunes, qui n’auront pas assez cotisé pour bénéficier d’indemnités, se retrouveront avec peu de ressources. De même, les « petits » travailleurs indépendants dont les activités se sont arrêtées et dont la baisse des ressources ne sera pas couverte par les indemnités chômage. Les jeunes seront d’autant plus touchés que les portes du marché du travail vont être fermées. 

Que signifie être pauvre aujourd’hui ?

La pauvreté monétaire que nous relatons dans le rapport a des conséquences concrètes. Les conditions de vie et de logement sont impactées. La possibilité de se chauffer, de s’alimenter convenablement, d’avoir des vêtements neufs, de faire un cadeau, de se soigner… Les restrictions de consommation ont aussi des conséquences psychologiques : sentiments de frustration, d’exclusion, de ressentiment ou d’impuissance, d’anxiété sur une projection d’avenir…

Mais la pauvreté n’est pas une fatalité ?

A l’Observatoire des inégalités, nous avons formulé des propositions. Tout d’abord, mieux soutenir les revenus qui ne sont pas suffisants en créant un revenu minimum unique et ainsi prendre au mot le président qui déclarait qu’il souhaitait éradiquer la grande pauvreté. Il s’agirait d’aligner tous les minimas à la hauteur du seuil de pauvreté afin d’assurer à chacun, en particulier aux plus jeunes, un revenu d’environ 900 €. Cette action publique est accessible puisqu’elle est de l’ordre de 7 milliards. Des sommes possibles à trouver si on se réfère aux renoncements à certaines recettes fiscales telles que l’ISF, la taxation des revenus financiers ou la taxe d’habitation. Ces choix politiques permettraient d’étendre aux plus jeunes les minima sociaux et de les sortir de la misère. De même, toutes les politiques publiques structurelles en matière d’emploi, de logement, de santé ou d’éducation jouent un rôle de lutte contre la pauvreté.

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