Quelle autorité à l'école ?

Mis à jour le 06.11.19

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L'autorité à l'école serait en crise. Mais qu'en est-il exactement sur le terrain ?

L’autorité est indispensable pour permettre à l’école de remplir ses missions que sont la transmission des savoirs et la construction de citoyennes et citoyens éclairés, serait en crise. Mais de quelle autorité parle-t-on ? Celle qui contraint ou celle qui a la « capacité de faire grandir » ?

En octobre dernier, Jean-Michel Blanquer voulait rétablir « l’ordre et l’autorité » dans les établissements suite à l’agression d’une enseignante au moyen de réponses essentiellement répressives. Plus récemment, lors de l’examen de la loi dite « de la confiance », la droite sénatoriale insistait sur « l’autorité du professeur et le respect qui lui est dû ». Quel que soit le gouvernement au pouvoir, depuis mai 68, le débat sur l’autorité revient régulièrement sur le devant de la scène et l’école et ses personnels enseignants sont accusés de ne pas réussir à endiguer, par manque d’autorité ou par laxisme, les violences qui ressurgissent au sein des établissements. Mais cet autoritarisme que le ministre veut imposer, cette nostalgie d’un supposé âge d’or quand l’école était loin de concerner la totalité des enfants jusqu’à 16 ans, est très éloigné de l’autorité que les enseignantes et enseignants essaient de construire dans leurs classes et qui va bien au-delà de la politesse, du respect d’autrui et des valeurs de la République.

L’autorité à l’école primaire

Le statut ne suffit plus à faire autorité à l’école, pas plus qu’exiger une obéissance immédiate et inconditionnelle sous la forme d’une soumission et encore moins le recours à la force. L’autorité à l’école c’est d’abord la spécificité d’une relation entre des enfants et des enseignants qui font partie du monde des adultes. Une autre particularité c’est sa fonction sociale qui est de transmettre une culture pour comprendre le monde dans lequel les élèves arrivent. L’autorité à l’école, c’est surtout une relation transitoire, de subordination mais aussi égalitaire, qui repose sur la confiance. D’un côté un enseignant sûr de ses compétences, de sa capacité à agir, de son désir de se confronter aux autres. De l’autre, un enfant considéré comme une personne et reconnue comme capable. Pour que la relation d’autorité éducative et la volonté d’influence de l’enseignant fonctionnent, il faut que l’élève la reconnaisse et obéisse par le consentement. « Et cela pour s’autonomiser, s’autoriser à grandir et s’approprier les savoirs », comme l’explique Bruno Robbes.

Mais comment faire ?

Exercer une autorité n’a rien de naturel. Les débutants l’ont bien compris qui cherchent désespérément dans leur formation des réponses au « comment faire pour gérer ma classe ? », mais aussi les anciens lassés de « faire le gendarme ». Si on peut trouver de nombreuses ressources pour enseigner les valeurs de la République, la formation à l’exercice de l’autorité en tant que telle n’est mentionnée ni codifiée nulle part. C’est dans certains travaux de la recherche en sciences de l’éducation, tels ceux de Martine Boncourt, Sylvain Connac, Patrick Rayou, Denis Meuret... ou chez les philosophes de l’éducation comme Eirick Prairat, que les enseignantes et enseignants trouveront quelques solutions. « L’autorité, rappellent ces écrits, est un geste professionnel et une relation qui se construisent ». Ils expliquent que l’exercice se fait dans l’élaboration de compétences, de savoirs d’actions, la mise en place de situations pédagogiques riches. Dans le cadre collectif de l’école, l’acceptation par toutes et tous de règles de fonctionnement et de vie co-écrites avec les élèves, un cadre explicite, une écoute et un respect mutuel, le travail coopératif mais aussi la recherche de l’autonomie des élèves sont à même de participer à l’amélioration du climat scolaire. Pour Bruno Robbes (lire ci-dessous) « l’exercice de l’autorité doit également s’accompagner d’une approche sensible du métier d’enseignant qui interroge son propre rapport à l’autorité et détermine la façon dont on rentre dans le métier ». La dévalorisation salariale, le manque de reconnaissance par la société et la remise en cause des compétences des enseignants par Jean-Michel Blanquer, sont des conditions bien difficiles pour assurer l’exercice d’une autorité éducative pourtant nécessaire dans les classes pour permettre aux enseignantes et enseignants d’assurer leurs missions.

3 questions à Bruno Robbes

Bruno Robbes

Bruno Robbes, professeur des universités à l’université de Cergy-Pontoise/ INSPÉ de l’académie de Versailles et membre du laboratoire EMA (École, mutations, apprentissages)

Pourquoi l’autorité à l’école est-elle contestée ?

Ce sont certaines façons d’exercer l’autorité qui sont contestées. Les gens n’acceptent plus d’obéir sans comprendre, sans un minimum d’explications et toutes les modalités où l’on est dans le registre de la soumission sont vouées à l’échec. Ils ont du mal aussi à accepter que quelqu’un d’extérieur leur mette des limites, alors qu’elles sont indispensables, chacun pensant être dans son bon droit. Dans la cour de récréation, on interdit la violence, on dit aux élèves de ne pas se faire justice eux-mêmes, d’en parler à un adulte… mais on sait que certains parents disent aux enfants de rendre les coups si on les frappe. Les valeurs familiales peuvent ainsi contredire la loi sociale de l’école. Et puis l’autorité de l’école est contestée par les valeurs de la société qui privilégient la satisfaction du plaisir immédiat. C’est une lame de fond insidieuse qui mine en profondeur les assises de l’école car l’entrée dans les apprentissages demande un effort, un engagement dans la durée pour un plaisir différé.

Les sanctions servent-elles à rétablir l’autorité ?

Pas dans un affichage de communication, comme le fait le ministre. La sanction sert si elle est juste, proportionnée, non arbitraire et permet à l’élève de comprendre la gravité de son acte, de réparer à la victime ou à la collectivité. Elle doit permettre d’apprendre. Il ne faut pas faire l’amalgame entre sanction et autorité. Une sanction éducative n’est pas une sanction exemplaire. Elle s’adresse à une personne en particulier qui doit se réconcilier avec le groupe pour ne pas recommencer. Une des finalités de la sanction, c’est aussi de rétablir l’autorité en affirmant que la loi est supérieure au bon vouloir de l’enseignant. Celui-ci sanctionne au nom de la loi, hors du registre de la vengeance.

Comment éviter l’autoritarisme ?

En se tournant vers l’exercice d’une autorité éducative qui, parce qu’elle est juste, respectueuse et efficace, est légitimée. Il s’agit qu’au final, l’élève comprenne que l’enseignant a eu raison d’exiger l’obéissance. Il faut donc se former pour éviter de se retrouver dans des situations d’impasse qui mettent l’élève dans la situation d’obéir sous la forme d’une soumission. Éviter par exemple de dire à ses élèves « Tant que ce n’est pas fini, vous ne sortirez pas ! ». Il faut se donner des alternatives, d’autres façons possibles d’agir…donc aussi bien se connaître.

Plan violence : et la prévention ?

Le plan violence que vient de dévoiler le gouvernement avait été annoncé il y a près d’un an. Il se réduit à quelques mesures.
Le gouvernement a abandonné les pistes très polémiques : plus question de policiers dans les établissements ou de sanctions financières à l’encontre des familles d’enfants violents. Les policiers patrouilleront au dehors dans les « quartiers de reconquête républicaine ». Le plan prévoit un « protocole d’accompagnement et de responsabilisation des parents » lorsqu’un élève a été exclu définitivement au moins deux fois au cours de l’année. Il donne aussi
la possibilité d’inscrire des élèves « grands perturbateurs » et les « polyexclus » dans des classes-relais, mais cette fois sans l’accord de la famille. Encore faudrait-il en augmenter le nombre au regard des besoins. Le renforcement des sanctions disciplinaires laisse peu de place à la prévention. Les directeurs et directrices d’école et les chefs d’établissement pourront aussi se tourner vers le « référent violence en milieu scolaire » nommé auprès de l’IA-Dasen dans chaque départe-ment. Pas sûr que le guide à destination des équipes enseignantes leur indiquant la marche à suivre en cas d’incivilité ou d’agression soit suffisant pour favoriser la stabilisation des équipes, élément essentiel à un meilleur climat scolaire.

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