Présentation du dossier

Mis à jour le 16.07.17

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Effective depuis la rentrée 2015, l'éducation morale et civique porte une belle ambition, aider les élèves à devenir citoyens. Pour autant, les indications pour la mise en œuvre restent lourdes et floues.

Depuis la dernière rentrée, l'enseignement de l'éducation morale et civique (EMC) a été instauré par le ministère. On ne peut pas dire pour autant que l'éducation à la citoyenneté soit une nouveauté, elle s'inscrit même dans une tradition de l'école républicaine. Depuis Jules Ferry, l'école a eu pour mission d'instruire, d'éduquer et de socialiser les enfants. La notion de ce que doit être cet enseignement a cependant évolué avec le temps. « Éducation morale », « éducation civique », « vivre ensemble », ne recouvrent pas les mêmes approches. De l'ambition de former « l'honnête homme » et « le bon citoyen », à celle d'apprendre aux élèves à coopérer et à acquérir un esprit critique, il y a des différences (lire ici).

Son introduction dans les programmes, de la maternelle au lycée, a été décidée sous la pression de l'attentat contre Charlie Hebdo en janvier 2015 et des réactions de certains élèves n'ayant pas respecté la minute de silence. Mais les évolutions de la société n'appelaient-elles pas déjà à s'interroger sur la place et le rôle de cet enseignement ? « La morale est en question à travers des inquiétudes ou des perplexités directement liées aux conditions de l'éducation familiale et scolaire », notait en 2013 un collectif de chercheurs dans un rapport remis au ministre de l'Éducation nationale*. Le texte soulignait que ce questionnement survenait « dans un contexte d'affaiblissement des normes traditionnelles du principe de la relation adulte-enfant et de la pluralisation des valeurs de l'éducation ». L'EMC répond donc aussi à une demande sociale.

Un enseignement transversal

Le contexte, c'est également l'explosion du numérique qui a rendu plus aiguë l'importance de travailler dès le plus jeune âge les valeurs de la République. Comment démêler le vrai du faux parmi toutes les informations disponibles sur l'Internet, déceler ce qui relève de faits réels ou de la rumeur ? L'école est là aussi pour donner des repères à l'élève comme à Taninges en Haute-Savoie où, dans une classe de CM2, l'enseignante Rose-Marie Farinella organise chaque semaine un atelier d'éducation aux médias. « Il fallait mettre en place un travail sur la durée pour transformer les élèves en cyber-citoyens avertis qui ne se laissent manipuler d'aucune façon » explique l'enseignante (lire ici).

L'EMC se différencie des programmes de 2008, notamment en ne limitant pas cet enseignement à celui de grandes maximes ou de la Marseillaise qui dénotait une vision caricaturale. Organisée en quatre parties (la sensibilité, la règle et le droit, le jugement, l'engagement), elle affiche l'objectif de permettre aux élèves de devenir progressivement conscients de leurs responsabilités dans leur vie personnelle et sociale et d'apprendre à vivre ensemble en respectant les différences et les points de vue de chacun. Si les principes généraux vont dans le bon sens, les indications pour la mise en œuvre apparaissent trop floues et trop lourdes. Quant au parcours citoyen, il consiste à compiler dans un portfolio les expériences et événements citoyens vécus dans et hors l'école. Une compilation qui n'a pas beaucoup d'intérêt si elle n'est pas liée au travail fait en classe et si par ailleurs, de nombreux élèves restent victimes d'injustice sociale une fois dehors (lire ici).

Si l'EMC est cantonnée à une heure par semaine, « l'esprit critique n'est pas une matière qu'on décrète mais une compétence transversale, très complexe, aussi importante que savoir lire, écrire, compter, qu'on peut développer dans toutes les disciplines et pas à travers des exercices stéréotypés », souligne le spécialiste en sciences de l'éducation Gérard de Vecci (lire ici). Toute la question pour l'enseignant reste de savoir comment s'y prendre.

Un équilibre entre intérêts individuels et collectifs

Les outils sont connus, mais pas tous mis en œuvre dans les écoles faute de temps ou de formation. Proposer des situations problèmes issues du vécu, organiser des conseils de classe et d'école, des débats en respectant ses contradicteurs, cela aide l'élève à apprendre les règles de la démocratie.

A l'école Ange Guépin de Nantes qui pratique la pédagogie Freinet, l'usage de ces outils est quotidien. Les règles de vie sont élaborées avec les élèves, réexaminées régulièrement et non pas édictées seulement en début d'année sans qu'on y revienne. Ce sont les enfants qui les font vivre. Ils arbitrent les conflits entre pairs, décident en conseil des éventuelles sanctions pouvant toucher leurs camarades qui ne respectent par les règles. « Dans la classe certains sont tuteurs et il y a beaucoup d'entraide, remarque Sophie Cosneau, une des enseignantes. Mais ce qui est important c'est qu'il y a une cohérence. Les règles sont les mêmes au périscolaire » (lire ici).

Catherine Frachon, secrétaire générale de l'OCCE, estime que « ce type de pédagogie permet à chacun de se rendre utile au collectif, d'y être reconnu, mais aussi de connaître et d'accepter les autres pour s'engager ensemble » (lire ici). Il est vrai qu'associer l'élève au processus éducatif en l'inscrivant dans des pratiques de coopération et de participation est au cœur des préoccupations de l'Office central de coopération à l'école. Il est vrai aussi que c'est comme cela qu'on peut aider les élèves à trouver un juste équilibre entre intérêts individuels et collectifs, à devenir citoyen en somme.

* Pour un enseignement laïque de la morale – Alain Bergougnoux, Laurence Loeffel, Rémy Schwartz


L'ensemble du dossier

- Présentation du dossier
- École républicaine : Garder la morale ?
- « Les mouvements pédagogiques travaillent depuis longtemps sur ces questions de citoyenneté » - 3 questions à Catherine Frachon, secrétaire générale de l'Office central de coopération à l'école (OCCE)
- École ouverte à Nantes (44) : Les règles de la liberté
- Éducation aux medias (74) : Les hoaxbusters de Taninges
- « Pas une matière qu'on décrète » - Entretien avec Gérard de Vecchi, maître de conférences en sciences de l'éducation

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