Plus de maîtres : 1+1 > 2

Mis à jour le 03.09.19

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Le dispositif, là où il existe encore, permet à l'équipe de repenser postures et pratiques

À l’école Victor Hugo A de Clichy-sous-Bois dans les Hauts-de-Seine, le dispositif « Plus de maîtres » permet à l'équipe enseignante de repenser postures et pratiques.

« Le dispositif « Plus de maîtres » a profondément changé nos pratiques », explique Daphné Pacitti, nommée sur un poste de PDM depuis trois ans à l’école Victor Hugo A de Clichy, dans les Hauts-de-Seine (92). Et c’est peu de le dire. Dans cette école élémentaire, de treize classes, non classée en réseau d’éducation prioritaire, elle est constamment sollicitée. Que cela soit en CP, en CE1, en CE2 mais aussi dans quelques classes de cycle 3 où elle intervient sur un projet de lecture offerte par les plus grands aux plus jeunes. « Depuis que nous avons eu le poste de PDM, on a appris à travailler tous ensemble. On s’est saisi du dispositif pour bouger les lignes, pour faire un pas de côté », précise-t-elle. Un constat partagé par une grande majorité des écoles ayant bénéficié d’un maître +.

L’emploi du temps de Daphné laisse peu de place au répit, elle ne s’octroie aucune récréation. Elle débute sa journée à 8h30 avec des ateliers « coup de pouce », « même si on sait que ce n’est pas vraiment le projet du PDM ». Elle réunit ainsi six élèves de CP ou CE1 selon les jours, trente minutes pour donner un petit coup de pouce en décodage-encodage à certains élèves qui en ont besoin. « On fait cet atelier pour bien apprendre le son des lettres », explique Souleyman, sept ans.

Dans la classe de CP et CE1, c’est en ateliers qu’elle intervient : phonologie, résolutions de problèmes, langage, lecture, écriture… Des ateliers pensés et construits par Daphné et l’enseignante de la classe. Objectifs, Posture, outils de remédiations, évaluation font tous l’objet d’une réflexion commune. Pour Yvette Vaconsin, enseignante de CP depuis dix ans, l’arrivée du dispositif dans l’école a été l’opportunité qu’elle attendait depuis longtemps pour initier un travail en équipe plus élaboré. « J’avais déjà pensé à organiser des ateliers, comme en maternelle, mais je n’arrivais pas à me lancer seule. Selon moi, un atelier dirigé quotidiennement permet de mieux connaître les élèves, de mieux comprendre comment ils fonctionnent. On parle doucement. Ils parlent plus, avec nous mais entre eux aussi, même les plus introvertis ».

Revenir en arrière : impensable

Revenir en arrière est impensable pour cette enseignante qui sera bientôt à la retraite.
Dès 2014, l’école a bénéficié du dispositif. « L’équipe était assez inquiète car nous n’avions aucune salle de disponible. Le directeur d’alors était déjà persuadé des bienfaits de la co-intervention, il a su nous rassurer et a impulsé une dynamique de travail collectif autour du dispositif. Aujourd’hui, nous avons trois salles de libres mais nous n’imaginons pas un seul instant revenir sur notre organisation ». Deux PE dans la classe, cela ne s’improvise pas, cela nécessite énormément de travail de concertation entre les enseignants et enseignantes par niveau mais aussi avec chacun d’entre eux. La salle des maîtres devient ainsi un lieu de partages et d’échanges autour de la pédagogie. Les concertations, les récréations et les pauses déjeuner sont autant de moments où sont construites les séances d’apprentissages. Mais pas seulement, c’est aussi l’occasion de discuter des difficultés de tel ou tel élève. Car l’un des atouts de la co-intervention, c’est bien le regard croisé de deux PE sur les élèves. « Nous sommes obligés de repenser chaque élève au regard de la perception du second enseignant. Quand on a une classe, on a bien souvent le nez dans le guidon. Le fait d’échanger avec le PDM permet de sortir du regard figé que l’on peut avoir », explique Yvette. D’ailleurs, Daphné participe à toutes les synthèses et est aussi présente aux réunions avec les parents. Lors des répartitions, son regard pèse beaucoup « quand je ne suis pas d’accord, ce qui arrive, cela nous oblige à recentrer le débat autour de l’élève, de ses difficultés mais aussi de ses réussites. Finalement, On oublie moins que ce sont des enfants avant d’être des élèves ».

Mais le costume n’est pas toujours simple à porter, Daphné le reconnaît et ses prédécesseurs l’avaient préparée. « C’est parfois usant, car je n’arrête pas une minute. Je fais le lien avec tous les enseignants, je co-construis les séances d’apprentissage, je participe à toutes les réunions. Cela demande énormément de disponibilité mais aussi de flexibilité car malgré tout, le PDM doit s’adapter aux pratiques de chaque enseignant ». Le sachant, elle s’était engagée sur un cycle de trois ans, cette année scolaire sera sa dernière sur ce poste spécifique. « Notre école est aujourd’hui complètement ouverte avec énormément de décloisonnements. Travailler ensemble est naturel, même pour les enseignants et enseignantes qui sont arrivées en cours de route ». Aucun d’entre eux ne peut imaginer fonctionner différemment aujourd’hui. Ils espèrent donc que le dispositif sera reconduit, une espérance partagée dans toutes les écoles ayant la chance d’avoir encore un PDM. Mais aucune garantie, les annonces de la rue de Grenelle ne vont pas dans ce sens…

Ressources d'accompagnement du dispositif par le centre Alain-Savary.

3 questions à Marie Toullec-Théry

Marie Toullec-Théry

maîtresse de conférences à l’université et à l’ESPÉ de Nantes

Qu’apportent, les « Plus de maîtres » au collectif enseignant ?

Une recherche menée avec les 60 écoles de Loire-Atlantique impliquées dans le dispositif atteste que le PDM, réponse souple et flexible à leurs besoins, a suscité un travail collectif et un engouement des enseignantes et enseignants. Ils ont osé, à deux, des situations d’apprentissage plus complexes, ont parlé de pédagogie dans la salle des maîtres. D’abord polarisés sur les organisations, les équipes enseignantes ont ensuite donné priorité aux situations d’apprentissages. Elles ont alors ajusté leurs méthodes, leurs outils, leur programmation et défini des objectifs communs.

Est-ce que cela permet une meilleure réussite des élèves ?

Travailler à deux dans la classe permet de dispenser une réponse immédiate aux besoins des élèves, en les maintenant dans le collectif. Mais le danger serait d’instaurer un système parallèle où l’enseignant supplémentaire isolerait systématiquement un groupe d’élèves en difficulté.

Une étude récente a montré que ce dispositif a un impact plus important sur la réussite des élèves que les dédoublements, qu'en pensez-vous ?

Le gouvernement a favorisé la réduction du nombre d’élèves par classe, pourtant le PDM était prometteur. La mise en place de gestes d’enseignements ancrés dans une différenciation pédagogique est fondamentale. Un dispositif remplace un autre, sans accorder le temps pour modifier les pratiques et en consolider de nouvelles.

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