Maintiens, ça redouble

Mis à jour le 14.01.19

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Depuis le décret de février 2018, les redoublements sont repartis à la hausse en France

Les redoublements… ont doublé dans chaque classe du primaire en 2018 par rapport à l’année précédente, selon la note de la Depp de novembre dernier. Le taux passe ainsi de 1,1% à 1,9% en CP et de 0,7% à 1,6% en CE1. Une inversion de tendance par rapport à la baisse continuelle des maintiens depuis des décennies et surtout depuis le milieu des années 2000. Ainsi si 15% des CM2 avaient une année de retard en 1970, ils n’étaient plus que 4% en 1990 et 0,2% en 2017, plus bas niveau historique.
Il faut dire que le ministre de l’Éducation nationale s’est clairement positionné en faveur du redoublement qui lui semble, ainsi qu’à une partie de l’opinion publique, une réponse logique à l’échec scolaire.
Il a multiplié les interventions dans les médias en ce sens en 2017, comme dans le Parisien : « Il y a quelque chose d’absurde à laisser passer de classe en classe des élèves accumulant les retards ».

Nouveau décret en février

Résultat : un nouveau décret en février 2018 à contre-pied de 2014. Ce dernier donnait un caractère « exceptionnel » au maintien d’un élève qui ne pouvait être décidé que pour « pallier une période importante de rupture des apprentissages scolaires », due à une maladie par exemple.
Désormais, le redoublement peut être proposé « si l’élève rencontre des difficultés importantes d’apprentissage » sans plus de précisions. La décision est toujours prise en conseil des maîtres, présentée aux parents via la « fiche-navette » avec avis de l’IEN. Les parents peuvent refuser puis l’école se détermine. En cas de désaccord, un recours des familles reste possible auprès de la commission départementale.

Inefficacité

Cette reprise des redoublements va pourtant à contre-sens de la majeure partie des travaux de recherche qui depuis les années 1970 mettent en cause d’efficacité des maintiens. La méta-analyse du chercheur américain Shane Jimerson en 2001 a ainsi compté que sur 169 études, seules 5% font état d’effets positifs. Pour ce faire, les études comparent des populations d’élèves faibles ayant redoublé ou non et les écarts-types de performances ne profitent pas aux doublants. À partir des années 2000, de nouvelles méthodes statistiques limitent les biais possible et modèrent ce consensus « mettant en évidence des effets positifs l’année qui suit le maintien mais toujours négatif à long terme », a observé le Cnesco. Lors de la conférence de consensus sur la question en 2015, l’organisme a également souligné le coût du redoublement, que ce soit financier ou en termes de motivation et d’estime de soi. Il est aussi reconnu comme très stigmatisant et inégalitaire. Enfin, la pratique du redoublement ne va pas de pair avec de bons résultats aux enquêtes types Pisa. Les pays comme la Finlande ou le Japon au faible taux de redoublement développent un suivi beaucoup plus précis des élèves en difficulté, parfois dès la maternelle. C’est dans cette direction qu’il faut creuser selon le SNUipp-FSU pour aller vers une prévention précoce et efficace de la difficulté scolaire avant qu’elle ne s’installe. Cela passe par des effectifs abaissés dans toutes les classes, un authentique travail de cycles sur plusieurs années. Mais aussi l’intervention de « Plus de maîtres » et du Rased dont les postes doivent donc être développés et non réduits comme peau de chagrin au fil des ans. 

En chiffres

22 % des élèves de 15 ans ont redoublé en France au moins une fois, le 5e taux le plus élevé dans les pays de l’OCDE (Pisa 2015).
8% des élèves français entrent en 6e en retard à la rentrée 2017 contre 21% en 2004 (Depp).
5 500 €, le coût d’une année scolaire supplémentaire pour un élève de primaire, évalué par le Cnesco.
2 fois plus de risque de redoubler pour un enfant dont le père est au chômage ou à temps partiel que pour un camarade dont le père travaille à plein temps (Insee).

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