La laïcité, notre trésor républicain

Mis à jour le 10.12.19

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Jean-Louis Bianco est président de l’Observatoire de la laïcité.

La laïcité est-elle aujourd’hui menacée ?

Je crois qu’il y a une inquiétude, alimentée par l’hyper médiatisation de situations problématiques ou conflictuelles et le débat politicien. Pour autant, une enquête de l’IFOP réalisée en 2018 pour le CNAL*, montre que pour la très grande majorité des enseignants, le climat est apaisé ou très apaisé. Ce qui ne veut pas dire qu’il ne faut pas être vigilant, nous avons un devoir de vigilance, quels que soient les cas.
Mais pour moi, la question numéro un, c’est la question sociale, l’absence de mixité sociale. Les politiques de la ville, sauf exception, n’ont pas réussi à créer de mixité dans nombre de territoires. Or, sans mixité sociale, il y a une pression diffuse qui est la loi du quartier. Et puis aussi, naturellement, des pressions politiques, même si elles peuvent se déguiser de religieux, qui ici ou là tentent d’investir l’école.

Y a-t-il lieu dès-lors de revisiter les lois laïques ?

C’est une tendance très propre à notre pays de dire, quand un problème surgit, « Il faut faire une loi. » Or, j’ai la certitude qu’il ne faut pas faire de lois d’émotion quand telle ou telle difficulté surgit dans l’espace public. Il faut connaître la loi et là, il y a des progrès à faire pour tous les acteurs et l’appliquer avec fermeté et sérénité. Ne pas en faire un instrument d’aggravation des tensions mais de leur résolution.
La force extraordinaire de la laïcité, qui constitue notre trésor républicain, c’est sa vocation universaliste et qu’elle a été conçue dans la durée. D’abord pendant la Révolution française, par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, puis par les grandes lois laïques de Jules Ferry et celle de 1905, en s’appuyant sur des principes universels. Quand on parle de la liberté de conscience, de la neutralité de l’État, de la citoyenneté, des droits et des devoirs que nous avons quelles que soient nos origines ou nos convictions, ce sont des principes qui s’appliquent à tous les temps et à tous les lieux. Ils n’ont pas à s’adapter aux contingences de l’actualité.
Parce qu’alors, on pourrait remonter à plus vieux que la loi de 1905. À la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, pourquoi pas ? Personne, j’espère, ne songe à la remettre en cause.

Et s’agissant des accompagnants des sorties scolaires ?

Une étude du conseil d’État a été réalisée fin 2013 à la demande du Défenseur des droits. Ses conclusions sont sans ambiguïté. On est agent ou « collaborateur occasionnel » du service public comme par exemple, pour des raisons d’assurance, quand un simple citoyen qui voyant un début d’incendie dans une école intervient aux côtés du personnel pour le combattre et peut être blessé. Cela n’a rien à voir avec le statut des agents publics. Les parents qui accompagnent les sorties scolaires, c’est très nettement dit dans l’étude du conseil d’État, ne sont pas des agents du service public et ne sont pas astreints à la neutralité.
Par contre, le directeur d’école dispose du droit de ne pas accepter des gens qui perturberaient les sorties scolaires, quel que soit le motif, religieux ou autre, ou qui feraient de la propagande ou du prosélytisme.

La proposition du Sénat n’a donc pas lieu d’être ?

Le législateur est bien évidemment libre de légiférer, mais je crois que ce n’est pas nécessaire puisque la règle a été très clairement posée par le conseil d’État, confirmée par plusieurs arrêts. Là où la laïcité est en danger, pour des raisons que je qualifie de « politiques » plus que religieuses, ce ne sont pas les parents accompagnateurs qui font problème. J’ajoute qu’il y a des tas d’écoles de la République où si vous n’aviez pas des mamans portant un foulard qui accompagnent les sorties, il n’y aurait tout simplement pas de sorties du tout.
Et pour ces parents, de milieux généralement très modestes, faire la démarche de venir se mettre au service de l’école, c’est une formidable démarche d’intégration. C’est au travers de cette intégration, en faisant respecter la règle, qu’on résout les problèmes.

*Comité national d’action laïque

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