L’école grandeur nature

Mis à jour le 04.10.19

min de lecture

Faire classe dehors, une matinée par semaine, quel que soit le temps

« Oh hisse », la branche est lourde pour les petites pattes des deux élèves de grande section, en pleine action dans le bois de Chaloue, 20 km au sud-est de Niort (79). Leur maîtresse, Jeanne Churlaud, est plus loin avec les moyennes sections qui découvrent le lieu. Axel et Anna, neuf ans à eux deux, pratiquent l’école dehors pour la deuxième année consécutive alors il et elle connaissent l’espace, les règles : ne pas aller jusqu’à la route, ne pas faire mal, à soi, aux camarades et à tout le vivant environnant. « La première fois que l’enseignante m’a dit de les regarder faire dans le bois, en jeux libres, je me suis dit “Ouh là, j’ai droit à combien de pertes ?” », sourit Béatrice, une maman fidèle accompagnatrice. Et puis elle réalise que les enfants gèrent leur prise de risques. C’est plutôt l’inverse au départ, très peu osent s’éloigner de l’adulte, s’enfoncer dans le bois, grimper à un arbre… « Pour faire quelques mètres, des parents les portent alors quand il s’agit de marcher jusqu’au terrain, 800 m, c’est l’aventure », confie l’enseignante qui arrive avec les 4 ans.

Expliquer les bienfaits

Jeanne attend sa réunion de rentrée début septembre avant de lancer sa sortie hebdomadaire. Cela permet, dans un diaporama, de présenter la démarche, les bienfaits et de répondre aux questions, souvent liées aux intempéries, la pluie, le froid. « Il est prouvé qu’un enfant souvent dehors est bien moins malade », explique-t-elle. Et puis le bouche-à-oreille des parents des années précédentes lui permet de n’avoir même plus à convaincre. C’est au sein de l’Ageem qu’elle a rencontré Crystèle Ferjou, enseignante puis conseillère pédagogique en 2013 et découvert l’école dehors. Dès 2016, des modules de formation ont été proposés à 60 PE de la circonscription de Bressuire (79) et depuis la démarche fait son chemin, entre haies et futaies de la plaine niortaise, de la Gâtine et du Bocage. Et même au-delà. L’école de Tauché, commune d’Aigondigné, bénéficie d’un terrain communal sanctuarisé zone de biodiversité par la mairie donc sans pesticides avec un verger, une jachère, un potager sur lequel veille « Papy Serge », autre fidèle des sorties. Ce matin, les GS cueillent des tomates et iront en offrir aux CP qui les ont plantées l’année précédente à leurs côtés.

Semer des graines… de curiosité

Les interactions langagières se font naturellement, « Celle-là, elle est assez mûre ? » demande Mathis, « Attention aux racines », prévient Gabriel. Le vocabulaire se fixe dans les jeunes esprits et la coopération s’organise quand Nino veut prendre la brouette, deux fois son poids : Lucile vient à la rescousse. Le lieu est un espace de découvertes et d’expérimentation sans fin pour les élèves qui peuvent planter, creuser, construire des cabanes… Les premiers effets que la professeure ressent sur ses élèves, « c’est le développement de l’autonomie », ne serait-ce que pour se changer à l’aller et au retour. Les enfants s’enhardissent, courent, sautent dans les flaques, patouillent la boue. Les dénombrements arrivent au détour d’une collecte de fruits, les bouts de bois deviennent épées ou lettres d’un mot. Des pierres et plantes assemblées peuvent lancer une séance de land art, points de départs pour créer, imaginer... Il y a aussi toute la connaissance et le respect du vivant. « En contact régulier avec la nature, les élèves ont plus à cœur de la protéger », commente l’enseignante qui apporte progressivement du matériel, loupes, jumelles, pour que les observations s’affinent. Les questionnements scientifiques affluent, avec des réponses in situ « ou on recherche ensuite en classe ». Petit à petit les familles entrent dans la démarche. Un couple très réticent au départ se retrouve le week-end à continuer la cabane dans les bois avec leur fille. D’autres passent arroser le potager et cueillir. Mais ce sont surtout des graines de curiosité et de connexion à la nature que Jeanne et les autres enseignantes espèrent semer… 

Trois questions à Crystèle Ferjou

conseillère pédagogique départementale (79), initiatrice de « l'école dehors » dans le département et au-delà

Qu’est-ce que L’école dehors ?

C’est une démarche d’éducation globale de l’enfant, inspirée des forest schools nordiques : faire classe hors l’école, au moins une fois par semaine, toute l’année, quel que soit le temps. Avec les mêmes principes qu’en classe : des rituels de début et de fin de matinée, des règles et des activités autodirigées des enfants en milieu naturel. Dans cet espace, les 2-3 ans revisitent les gestes premiers, creuser, transvaser, déplacer des matières brutes. D’autres, plus grands entrent dans des jeux symboliques : détourner des objets pour s’inventer des histoires. En parallèle de ces activités libres, l’enseignante propose d’aller plus loin en apportant du matériel, des loupes, des outils de jardin, des albums. Toujours dans un aller-retour entre les textes et les dessins d’un livre et ce que les enfants voient réellement dehors.

Quelles compétences cela développe-t-il ?

Cela développe toutes les compétences de la maternelle, et notamment des compétences langagières. En vivant corporellement des activités en milieu naturel, l’enfant va facilement mettre des mots sur son vécu et les préciser au fur et à mesure. Les enfants déploient une énergie différente dehors car ils sont toujours en mouvement même s’ils peuvent se poser. Ils engagent tout leur corps, y compris la motricité fine car ils sont amenés à nouer des végétaux ou à cueillir. Cela favorise bien entendu l’exploration du monde, le rapport aux éléments et au vivant, pierres, plantes, terre, bois, petites bêtes. Petit à petit des outils leur permettent d’affiner leur regard sur les éléments qui les entourent et évoluent au fil des saisons et de la lumière. Cela renforce aussi leurs compétences esthétiques et sociales. 

Quels conseils ? 

Il est important d’identifier un espace, un coin de nature qui puisse être utilisé, dans l’école ou en dehors, en lien avec la municipalité. Et sur ce terrain, permettre aux enfants de devenir architectes du lieu et non pas penser à leur place. Observer comment évoluent les enfants dans cet espace permet d’apporter petit à petit du matériel, des matières qui manqueraient, par exemple une butte de terre sur un terrain plat parce qu’ils cherchent à se confronter à des parois plus verticales. 

Écrire à la rédaction

Merci de renseigner/corriger les éléments suivants :

  • votre prénom n'a pas été saisi correctement
  • votre nom n'a pas été saisi correctement
  • votre adresse email n'a pas été saisie correctement
  • le sujet n'a pas été saisi correctement
  • votre message n'a pas été saisi correctement

Merci de votre message, nous reviendrons vers vous dès que possible