Inégalités scolaires

Mis à jour le 06.03.22

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Interview de Sébastien Goudeau, maître de conférences en psychologie

“Inégale préparation à l’accompagnement de la scolarité”

FsC 480 Sébastien Goudeau

Sébastien Goudeau , ancien PE, il est maître de conférences en psychologie sociale au CERCA (Université de Poitiers/CNRS) et travaille sur les inégalités.

Deux ans après le confinement, où en sommes-nous des inégalités scolaires ?  

Les données de notre étude de septembre 2021 indiquent clairement une amplification des inégalités lors du premier confinement. D’ailleurs, les données de la DEPP,  Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance, montrant le lien entre l’origine sociale des élèves et la réussite aux évaluations de CP ont confirmé un écart entre les élèves de milieux populaires et les autres, plus important que les années précédentes. Ce constat est international. 

Le recours au numérique, un accélérateur ? 

Le confinement et l’école à la maison ont permis de rendre visibles des constats que les chercheurs font depuis longtemps. Les familles populaires sont globalement moins équipées que celles plus favorisées. Elles ont rarement plus d’un ordinateur, moins souvent une imprimante, des connections à Internet de moins bonne qualité… Elles sont également souvent moins familiarisées avec les compétences numériques nécessaires pour faire l’école à la maison : télécharger un document, le numériser, etc. Les usages numériques sont aussi socialement différenciés. Dans les familles favorisées, ils sont très pédagogiques. Dans les familles populaires, ils sont plus récréatifs. Amplifier l’usage du numérique sans prendre en compte ces inégalités de départ creuse les écarts. 

Quel est l'impact des pratiques familiales ? 

Les situations de fermeture d’école, au-delà du numérique, ont favorisé un cumul de désavantages pour les familles les plus éloignées de l’école et ont mis en évidence leur inégale préparation à l’accompagnement de la scolarité de leur enfant. L’école à la maison reposait sur une éducation via le numérique mais aussi sur le fait que l’apprentissage était délivré par le parent qui devait mettre en œuvre les consignes des PE. Les inégalités culturelles des familles y prédisposent plus ou moins. Un enseignant ou un parent ayant un parcours universitaire rencontrera moins de difficulté qu’un parent ayant arrêté l’école tôt. Autre inégalité, les conditions matérielles d’existence. Quand on n’est pas en télétravail, que l’on exerce un travail difficile, il est moins évident d’assurer le suivi de ses enfants. Ces résultats ne sont pas nouveaux, la littérature en sociologie de l’éducation en est riche, le confinement a juste permis une mise en lumière de ces problématiques. 

Existe-t-il des solutions ?  

La première étape est de prendre conscience de ces mécanismes, le numérique n’est que le prolongement des inégalités déjà existantes. On peut équiper les familles et élèves, comme le font certaines collectivités, mais cela ne résout pas les inégalités d’usages. Un des grands défis est la question de l’inégale préparation des parents à l’accompagnement de la scolarité de leur enfant. Dans leurs pratiques culturelles quotidiennes, les parents des classes moyennes et favorisées préparent leurs enfants dès leur plus jeune âge aux attendus de l’école, les savoirs et expériences acquis dans ces milieux sont scolairement rentables. La clé réside donc dans la formation des PE à la diversité de leur public. Mais c’est aussi et surtout le fonctionnement de l’institution et de l’ensemble de la société qui doivent changer. Réduire les inégalités dans une société et une école qui restent très compétitives et sélectives est illusoire.

Lutter contre les inégalités, un combat perdu d'avance ?  

Il faut espérer que non, même s’il faut être réaliste, c’est d’un changement structurel dont a besoin l’école. Les effets de compétition, de comparaison sociale, de pression évaluative ne sont pas compatibles avec une réduction des écarts. Certaines interventions - à destination des élèves ou des enseignants - ont un impact positif sur la réussite des élèves et la réduction des inégalités, mais cela reste encore relativement localisé. Par exemple, travailler sur les représentations de l’intelligence, de l’échec qui n’est qu’une étape transitoire de l’apprentissage, a des effets positifs sur les élèves. Mais si on se limite à cela, cela ne concernera qu’une poignée d’entre eux, ceux qui auront eu la chance de bénéficier de ce type d’intervention.

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