Faire évoluer ses pratiques

Mis à jour le 07.10.21

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Interview de Marie Gaussel autour des pratiques enseignantes et de la formation

“Permettre aux enseignants d’analyser et de faire évoluer leurs pratiques”

Marie Gaussel est chargée d’études et de recherche au sein du service Veille et ana lyses de l’Institut français de l’éducation. Elle a publié Se former tout au long de sa vie d’adulte (2011), L’Éducation à la santé (2 volumes, 2011 et 2012), Neurosciences et éducation : la bataille des cerveaux (2013).

FsC 477 Marie Gaussel

Quel type de connaissances doit-on avoir pour enseigner ?

Il y a déjà les savoirs disciplinaires académiques qui sont essentiellement ceux dispensés pendant le parcours universitaire des enseignants actuels. Ensuite, les savoirs didactiques ou pédagogiques enseignés pendant la formation professionnelle avant et après le concours. Ils permettent de comprendre comment les élèves apprennent et quelles sont les méthodes les plus efficaces. Enfin, il y a les savoirs dits d’expérience qui se construisent au moment où les enseignantes et enseignants sont face aux élèves à partir du vécu personnel, de la diversité des situations. Ces savoirs et compétences sont souvent les plus difficiles à définir et à transmettre. Ils sont propres à chaque enseignant et servent de base à leur pratique professionnelle. En font partie les capacités d’écoute, d’observation, de bienveillance… qui ne sont pas abordées dans les cursus de formation.

Les "croyances" sont-elles un élément qui détermine fortement la posture professionnelle des PE ?

Le terme « croyance » est ici employé pour une thèse que l’on pense vraie sans jamais pouvoir le prouver par des éléments objectifs. On pourrait parler de théorie personnelle ou dans un sens plus négatif de préjugés. Lorsqu’on intègre le cadre professionnel avec à la fois la rencontre avec ses pairs et avec les élèves, on a tendance à s’appuyer sur ses idées et ses représentations du métier pour donner un sens à sa pratique. Ce métier difficile nécessite à la fois beaucoup de connaissances et une aptitude à gérer l’humain. On a besoin d’être sûr d’aller dans la bonne direction. Dans ce contexte, les croyances sont un système de « survie » souvent utilisé parce qu’on n’a rien d’autre. Les recherches parlent d’un condensé de signification socialement utile. Le problème, si on s’y cantonne, c’est d’être empêché d’aller plus loin, de vraiment réfléchir à son métier, ce qui peut aboutir à freiner son développement professionnel.

Vous avez des exemples ? 

Prenons le redoublement, dont la question a été récemment plus ou moins réglée par l’institution. Bien que les recherches montrent que ce n’est pas une solution efficace pour les élèves en difficulté, la pratique a perduré significativement en primaire. On a sans doute oublié que le redoublement a d’autres fonctions. Pour les enseignants ou la direction d’école, ça peut être aussi un moyen de garder la main dans la gestion de l’école. Autre idée partagée par beaucoup d’enseignants : l’apprentissage à plusieurs, ça marche. Mais il ne suffit pas de mettre les élèves en groupe pour qu’ils apprennent mieux, c’est la réflexion en amont et la mise en place de la séquence qui se révéleront déterminantes.

Comment dépasser ces "croyances" ? 

Le souci actuel avec la formation, c’est que les savoirs théoriques ne sont pas situés, c’est-à-dire mis en relation concrète avec la réalité d’un groupe d’élèves donné. Dans l’urgence de la classe, ils apparaissent un peu inutiles aux nouveaux enseignants. Ce qui manque peut-être, c’est intégrer à la formation initiale des savoirs professionnels propres au métier d’enseignant. Du type : j’ai tel problème en classe, comment le résoudre ? On sait aussi que les enseignants sont plus à même de changer leurs pratiques lorsqu’ils sont confrontés à des pairs. Concernant les croyances, la première chose à faire c’est de pouvoir en prendre conscience et donc de vivre des situations qui permettent de prendre du recul. Mais dans ce métier complexe, la formation initiale ne suffit pas, il faut permettre aux enseignants d’analyser et de faire évoluer leurs pratiques tout au long de leur carrière par une vraie formation continue centrée sur les demandes des enseignants, c’est à dire, les problèmes concrets rencontrés en classe.

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