F. Savournin : "En souffrance"
Mis à jour le 17.11.18
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Maître de conférences à l’ESPÉ de Toulouse et à l’université Jean Jaurès
COMMENT EXPLIQUER DES COMPORTEMENTS D’ENFANTS QUI VIENNENT PERTURBER LA CLASSE ?
Le comportement de certains enfants qui vient perturber la classe ne trouve pas son explication dans une caractéristique intrinsèque à l’enfant. Ce dernier se situe dans un contexte familial, social, scolaire, dans un rapport aux savoirs particulier. Et c’est ce contexte qui peut aider à comprendre. D’une part, l’environnement familial peut être éloigné de la norme scolaire de référence ; pour l’enfant cela peut compliquer son inscription dans cette norme ou sa mise au travail. De plus, la famille a de nouveaux rapports à l’enfant : il y trouve aujourd’hui une place dominante : objet à satisfaire et dans le même temps, enjoint à réussir. Les instabilités du couple et la précarité professionnelle transfèrent sur l’enfant l’image de la réussite familiale et renforcent une demande de perfection. Enfin, le mythe de l’enfant post-moderne, décrit par le psychanalyste Marie-Jean Sauret, s’appuie sur une revendication de jouissance, souvent immédiate, ce qui entraîne des frustrations, des formes de gavage ou d’addiction qui peuvent inhiber le désir d’apprendre.
PEUT-ON DIRE QUE CES ENFANTS SONT EN SOUFFRANCE ?
Globalement oui. Quand un enfant ne parvient pas à s’inscrire dans le lien social, à trouver sa place à l’école, il en souffre. Les manifestations peuvent être silencieuses ou bien bruyantes et quand elles sont bruyantes, l’école en souffre aussi. Les enfants difficiles sont en difficulté et mettent à mal le système scolaire et les professionnels qui y travaillent.
COMMENT DISTINGUER DIFFICULTÉS À S’ADAPTER AU RÔLE D’ÉLÈVE ET TROUBLES DE COMPORTEMENT ?
L’interprétation en termes de troubles, qui tend à se généraliser, pose problème. Elle participe au fait que l’on retire l’expertise aux enseignants pour l’externaliser dans le domaine médical. Lorsque l’on travaille toute une journée avec un enfant, les connaissances sur ce dernier, sont tout autant conséquentes que celles du professionnel médical. Pour autant, la coopération avec les professionnels du médico-social et du soin est nécessaire. L’école ne peut pas répondre seule aux problématiques que présentent certains enfants. Il y a des enfants que les enseignants, dans leur classe, parviennent à limiter en leur proposant un cadre explicite, en leur permettant un accès aux savoirs et en construisant avec eux une relation sécurisante. Les enseignants s’appuient pour cela sur toute l’équipe de l’école, les collègues enseignants, le directeur, les enseignants spécialisés, le psychologue, l’AESH éventuellement. Et il y a des enfants pour lesquels les limites que peut poser l’école ne suffisent pas à ce qu’ils s’inscrivent dans le cadre scolaire, sur le plan des relations sociales ou sur celui des apprentissages. Il faut alors chercher des pistes de travail avec des professionnels extérieurs à l’école, dans le secteur médico-social et du soin.
