Esclavage et colonisation

Mis à jour le 05.03.22

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Interview de Marie-Albane de Suremain, maîtresse de conférences en histoire

Marie-Albane de Suremain, maîtresse de conférences en histoire et formatrice.  Co-auteure de « Enseigner les traites, les esclavages, les abolitions et leurs héritages » (Karthala, 2021)

Dossier 480 Marie-Albane de Suremain

Quelles difficultés pour enseigner traites et esclavages ? 

Du fait de leur polyvalence, les PE n’ont pas de formation spécifique sur ces sujets sensibles qui relèvent du crime contre l’humanité, avec des violences inouïes faites aux personnes. Que montrer à de jeunes enfants ? Le but reste de viser des apprentissages, il faut pouvoir dire la violence sans traumatiser. Cela est extrêmement difficile et oblige à évaluer ce qu’une classe peut recevoir à un moment donné. Ensuite, comment faire comprendre que les esclaves ne sont pas une masse indistincte, sans identité ? Le schéma du commerce triangulaire peut déshumaniser. Remettre les esclaves en situation d’humanité est important, ce que permet le récit. L’identification d’élèves aux esclaves, par analogie de couleur de peau, par expérience de la discrimination ou par mémoire familiale, participe de la grande sensibilité de la question. Des tensions communautaires d’adultes peuvent impacter le vécu de la classe. Il convient de ne pas rejouer des conflits mais de regarder cette histoire sans fard. Parce qu’elle est douloureuse, elle doit être (re) connue et transmise pour redonner de la dignité. 

Et pour la colonisation ? 

Les programmes sont peu explicites et réfèrent à « un nouveau processus de colonisation » lié au centenaire de la République. Cette mention neutre ne fait que suggérer, sans le dire, une expansion coloniale en contre-point des valeurs de la République. Les ressources d’Eduscol sont plus ambiguës encore. Or, c’est bien la contradiction entre valeurs affirmées et pratiques coloniales qui rend la question sensible. Pour la traiter, il convient de ne pas dépendre de documents de propagande coloniale mais de proposer photographies ou récits de colonisés, disponibles dans les manuels à démarche critique. Surtout ne pas s’inscrire dans une démarche de repentance, morale ou victimisante mais de connaissance critique, libératrice. Il s’agit de faire connaitre le passé aux élèves pour pouvoir le regarder en face et se construire comme sujet sachant et libre. La démarche historique permet d’accueillir les mémoires en leur donnant du sens dans un grand récit commun partagé par tous.

Les manuels, de bons supports ?  

Le recul des prescriptions des programmes se traduit par des éléments limités dans les manuels. Le chapitre « Le temps des rois » du CM1 se concentre souvent sur la succession des grands souverains et survole traite et esclavage. En évoquant le « renforcement de la puissance du royaume de France » hors d’Europe, des manuels montrent l’exploitation des colonies et proposent des récits littéraires sur la vie d’un esclave. La collection Magellan se distingue par une double page « La France à la conquête du monde » qui compile cartes, textes de cours et documents sur esclaves, plantations, ports. L’ensemble est enrichi par le récit autobiographique d’Olaudah Equiano, captif, déporté, esclave puis affranchi et engagé pour la libération des esclaves. L’incarnation du récit montre que l’esclave n’est pas une chose dans une histoire « objectivante » mais un être humain.

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