Enfants : des conséquences sévères

Mis à jour le 23.05.21

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Interview de Richard Delorme, pédopsychiatre : les effets de la crise sur les enfants

Richard Delorme est pédopsychiatre et chercheur, le professeur Richard Delorme dirige le service de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent de l’hôpital Robert-Debré (AP-HP, Paris). Il nous fait part de son vécu de praticien hospitalier.

Richard Delorme

Avec une crise sanitaire qui dure depuis plus d'un an, quels sont les effets que vous avez observés sur les enfants ? 

Ce que j’ai pu observer dans mon service hospitalier mais également ce que la littérature scientifique atteste, ce sont des conséquences sévères chez les enfants et adolescents, y compris chez les moins de 6 ans. On estime que 30 à 60% des moins de douze ans sont affectés par la crise. Ils apparaissent même plus vulnérables au stress de la crise que les adultes, notamment les 8-12 ans qui sont dans une période de fragilité significative. Plus jeunes, les enfants dépendent encore beaucoup de leurs parents, plus âgés ils ont d’autres attaches sociales plus développées qu’ils formalisent dans les réseaux sociaux notamment. On assiste à une aggravation des situations psychologiques et le développement de situations psychiatriques, avec une accélération des tentatives de suicide (TS) chez les moins de 15 ans. Et même si c’est plus rare chez les moins de 12 ans, le taux de prévalence des TS y est de 0,6 % tout de même. Les enfants expriment peu directement leur mal-être et il n’est pas aisé d’identifier des signes. Ils sont plus irritables, dorment moins bien, sont plus dépendants, vivent des régressions dans les acquisitions. Ces symptômes des troubles de l’adaptation peuvent être identiques à ceux observés chez les adultes mais traduits dans la vie d’un enfant.

Vous dites que les enfants ont été les variables d'ajustement de l'épidémie, c'est à dire ?

C’est toute l’histoire de cette crise Covid. Les écoles ont été fermées l’an dernier sans se préoccuper de ce que cela représentait pour l’enfant. Elle a surtout eu un impact régulateur sur le comportement des adultes qui se retrouvent contraints à davantage rester chez eux et à moins circuler. Quand on mesure la balance bénéfices/risques pour les enfants, c’est le maintien de l’école qui reste largement favorable selon toutes les études. Bien sûr, cela ne veut pas dire que les enfants ne sont pas vecteurs. Et dans une situation épidémique galopante, forcément le taux d’incidence grimpe à tous les âges, y compris à l’école. Mais en tant que défenseur de la cause des enfants, je note que moins d’école a des impacts gravissimes sur les enfants, leur équilibre alimentaire, leur santé psychique ou encore dans le retard pris dans les apprentissages.

Les troubles psychiques observés aujourd'hui se résorberont-ils facilement avec un retour à la normale ?

C’est une génération à suivre. On nous parle déjà du virus suivant, on vit un contexte terroriste, une pression écologique et tout cela a un impact sur l’environnement des enfants. Un grand nombre sont inquiets de la perspective ou de la réalité du chômage de leurs parents. La crise Covid vient s’ajouter à ce contexte anxiogène qui a rarement été aussi fort pour une génération d’enfants. Pourtant dans le même temps, on a été capable de développer des vaccins en moins d’une année, on est en mesure de faire voler un engin sur Mars et les exemples de solidarité abondent lors de cette crise. Aussi, il faut aider les enfants à se projeter sur des perspectives rassurantes et il en existe !

Quel est le rôle de l'école et de ses personnels ?

La quotidienneté de l’école est un élément rassurant pour les enfants, l’ensemble des activités contribuent à développer leur créativité. Ils ont du temps pour communiquer et échanger entre eux et c’est fondamental. Ce sont des choses assez simples, avec des paroles positives et rassurantes et quand on a 7, 8 ans, c’est drôlement important. La vie psychique de l’enfant est très développée dès l’école. Les enseignants et les professionnels de l’enfance ont fait un travail formidable depuis le début de la pandémie, aussi est-il urgent de vacciner tous les personnels des écoles. Il est important qu’ils puissent continuer à faire leur travail avec sérénité, les enfants en ont besoin.

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