Bouge ta classe

Mis à jour le 05.10.20

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Reportage en Haute-Savoie où la COVID-19 oblige les enseignantes à repenser leur classe.

Pensez l’aménagement de la classe est un impératif pour les enseignantes de la classe de CM1/CM2 de l’école primaire de Clarafond-Arcine (Haute-Savoie). Alors Covid-19 oblige, elles s’adaptent.

À l’école primaire de Clarafond-Arcine (Haute-Savoie), nous sommes très loin de l’image d’Épinal. Dispersés dans la classe, les enfants, pieds nus, sont allongés au sol, assis entre les pieds de leur chaise ou encore sur un tabouret Mogoo qui leur permet de se balancer. Pour Ryma Picard, directrice de cette école de sept classes accueillant 179 élèves des villages de Clarafond-Arcine, Vanzy et Chessneaz, « à l’école, on doit être heureux, on doit prendre plaisir à être là. C’est peu possible, selon moi, lorsque nous sommes cloués à une chaise près de six heures par jour ».
Directrice mais aussi enseignante de la classe de CM1/CM2 trois jours par semaine, elle et sa collègue Marie Denis, qui fait classe le vendredi, n’imaginent pas dispenser leur enseignement de façon frontale. C’est donc en îlots que leurs élèves sont installés malgré la Covid-19. Une situation contraignante au quotidien mais pour Ryma, ce n’était pas possible autrement. « Je trouve qu’avec le protocole sanitaire, nous avons déjà beaucoup perdu de notre spontanéité et s’il avait fallu en plus que j’abandonne cette pédagogie-là, cela aurait remis en question toute ma vision de l’enseignement ». Ryma reconnaît que « l’aménagement en îlots est encore possible dans sa classe parce que la salle est grande et que les tables des élèves sont individuelles. Nous avons la chance d’avoir une commune qui investit énormément dans le scolaire », avoue-t-elle.

Aménager pour rendre acteur

Dans cette classe, les tables changent de place plusieurs fois par jour car ce sont les objectifs pédagogiques qui déterminent les modalités de travail et donc l’organisation spatiale. En binôme ou en groupes, les élèves sont acteurs de leurs apprentissages, c’est là l’enjeu de ces aménagements. « Lorsque les élèves travaillent à plusieurs, ils débattent, ils comparent leurs procédures et s’enrichissent mutuellement de leurs savoirs et savoir-faire », explique Ryma. Selon elle, même les élèves les plus en difficulté finissent par trouver leurs places lorsqu’ils sont entre pairs, « ceux qui ont le moins confiance en eux redoutent moins de se tromper ».
Outre l’organisation en îlots, la classe de Ryma est flexible. Les élèves disposent de tabourets Mogoo, de tablettes surélevées, de Ztool – assise en forme de Z avec une tablette-, de ballons de yoga mais aussi de coussins à même le sol. Autant d’éléments qui permettent aux élèves de mieux fixer leur attention. « Avec la classe flexible, je sens que les élèves sont plus motivés, ils adhérent complètement. Cela permet une forme d’autonomie et de liberté qui finalement les responsabilise. Ils ont la sensation d’être écoutés puisque nous nous calons sur leurs besoins. Pour les élèves qui sont le plus en difficulté, cela ôte cette rigidité que peut parfois avoir le scolaire ».

Une zone de désinfection

Alors, pour garantir des conditions de sécurité optimales et permettre de rester fidèles à leurs valeurs pédagogiques, Ryma et Marie ont dû adapter leurs gestes professionnels. Auparavant, les élèves pouvaient changer de place dans la journée, ils passaient librement d’un îlot à l’autre. Ils pouvaient aussi changer d’assise plusieurs fois par jour. Aujourd’hui, les élèves choisissent leur place pour la semaine au sein d’un îlot, et dans cet îlot, ils ne peuvent changer de table qu’un jour sur deux. « Cela les oblige à rester dans un groupe pour une semaine mais ils peuvent utiliser les tablettes surélevées ou les Ztool que nous désinfectons entre chaque utilisation. Les dictionnaires, communs à tous, sont aussi désinfectés ou laissés dans un coin de la classe, appelée zone de désinfection, pour qu’ils restent à l’air libre durant les douze heures recommandées ».
Ryma reconnaît que tout cela est usant. « Cela me demande un gros effort d’adaptation. Auparavant, nous réfléchissions à la méthodologie, l’organisation, les objectifs que nous visions ou encore les compétences que nous voulions travailler mais aujourd’hui, notre pratique professionnelle en période de Covid nous demande de tout filtrer à travers la contrainte sanitaire. À la longue, cela aura un impact. C’est très coûteux en énergie ».

Vincent Faillet

Vincent Faillet, doctorant en sciences de l’éducation et auteur du livre « Remodeler sa classe et sa pédagogie »

L’aménagement a-t-il un impact sur les apprentissages ?

L’aménagement de la classe a un impact sur les apprentissages mais de façon indirecte. Les salles de classe classiques que nous connaissons tous datent de 1680, elles sont l’héritage du cours magistral initié par Jean-Baptiste De la Salle dans le cadre de la pédagogie simultanée. Changer de pédagogie nécessite donc une réflexion sur l’organisation spatiale. Par exemple, pour l’enseignement mutuel, il est difficile d’imaginer une organisation autre qu’en regroupements. L’aménagement a donc un impact sur la pédagogie, qui elle a un impact sur les apprentissages.

Quel type d’aménagement alors ?

Quel type d’aménagement alors ? L’aménagement est donc fonction de la pédagogie ou plutôt des pédagogies. On ne peut imaginer qu’une seule pédagogie puisse correspondre à tous les élèves. Si l’on part du principe qu’il faut savoir varier les pédagogies et du postulat que l’organisation spatiale est liée à la pédagogie, on doit avoir une salle de classe modulaire afin de la faire évoluer en fonction des besoins des élèves. Il ne s’agit pas de condamner le magistral, il a des vertus dans certaines situations. Pour autant, l’apprentissage entre pairs, fondamental selon moi, nécessite une reconfiguration de la classe.

La réussite des élèves y est-elle liée ?

Les élèves sont tous différents. On peut donc imaginer que dans une classe un élève ait besoin de travailler seul et d’autres avec leurs pairs. Il faut que la salle de classe par son aménagement permette à chacun ce dont il a besoin. À mon sens, cela dépasse la pédagogie. C’est aussi une question de bien-être qui est nécessaire à une meilleure appropriation des apprentissages. 

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