Amiante : urgence-écoles

Mis à jour le 01.10.19

min de lecture

Dans tous les bâtiments publics, construits avant 1997, de l'amiante peut être présente.

Les 30 Glorieuses, c’est aussi la construction massive d’écoles et d’établissements scolaires où l’amiante était considérée comme le matériau parfait en matière de protection incendie notamment.

Août 2018. Un entrefilet dans le journal municipal de Chantilly dans l’Oise annonce des analyses de détection d’amiante avant l’installation de TBI à l’école du Coq chantant. Les questions fusent, la mairie tente de rassurer mais refuse de communiquer aux parents, à la directrice et à l’équipe enseignante de l’école le fameux Dossier technique amiante (DTA*), document pourtant obligatoire depuis 2001. « Nous avons appris la présence d’amiante dès la rentrée et nous avons pu voir que des sols étaient abîmés avec de la colle apparente. Ce qui nous a troublés, c’est que la mairie ne voulait pas nous communiquer le DTA et quand enfin, nous y avons eu accès, nous ne pouvions ni en faire une copie, ni le photographier », rapporte une représentante des parents d’élèves. L’association de parents rédige alors un courrier signé par la quasi-totalité des parents de l’école et fait venir un représentant de l’Association nationale de défense des victimes de l’amiante (Andeva) à une réunion organisée par la mairie. La présence d’un spécialiste permet de convaincre la municipalité de prendre des mesures. Des patchs seront posés sur les dalles défectueuses et des travaux sont annoncés.

Pour combien de fibres ?

« Nous avons fait recouvrir le sol du préau en février 2019 et fait désamianter l’entièreté du 1er étage pendant l’été », explique Carine Barba-Stelmach, adjointe au maire pour les affaires scolaires, « alors même, complète-t-elle, que les tests d’empoussièrement ont donné un résultat de 0,9 fibre d’amiante par volume d’air, bien en-dessous des normes qui sont de 5 par litre d’air. Mais on a préféré rassurer ». Un choix qui n’est pas sans incidence sur le budget communal puisque les travaux se montent à un peu plus de 108 000 € pour 580 m2 de surfaces traitées. Ce scénario consistant à minimiser le danger, Alain Bobbio, spécialiste des questions scolaires au bureau national de l’Andeva, le connaît bien. « Les collectivités voire l’administration ont comme préoccupation principale de rassurer les gens et sont souvent dans le déni par rapport au danger. En plus, elles doivent faire réaliser les travaux en dehors des périodes scolaires ou déménager provisoirement les élèves et ça complexifie souvent la réalisation ».

Mésothéliome

Or le problème avec les maladies liées à l’amiante c’est qu’il n’y a aucune certitude sur le taux d’exposition pouvant provoquer ou non des cancers dont le mésothéliome ou cancer de la plèvre. On ne peut en guérir et la durée de vie reste très limitée après son déclenchement. « Ce cancer, traceur de l’amiante, peut apparaître jusqu’à plus de trente ou quarante ans après l’exposition », explique Marie Pascuale, médecin spécialiste de ces maladies. « L’amiante est un cancérogène puissant », ajoute cette praticienne en retraite. « Ces fibres peuvent être à l’origine de nombreuses affections et notamment des cancers du poumon, mais aussi de cancers digestifs ou des ovaires ». Autant de raisons de se préoccuper de la présence ou non d’amiante sur son lieu de travail. Et de ce point de vue les nouvelles ne sont pas rassurantes puisque d’après le rapport de l’Observatoire national de la sécurité des établissements scolaires publié en 2016, 85 % des bâtiments scolaires sont concernés. Avec un permis de construire d’un de leur bâtiment antérieur au 1er juillet 1997, date d’interdiction définitive de production, de vente et d’utilisation de matériaux contenant de la fibre d’amiante, les écoles et établissements contiennent une bonne part des 20 millions de tonnes qui ont été produites et massivement utilisées dans les années 60 et 70. Une présence qui devient dangereuse au fur et à mesure de la dégradation du bâti, si des travaux ne sont pas réalisés.

Enseigner, un métier à risque ?

Santé publique France, dans un rapport publié en juin 2019 concernant le programme de surveillance du mésothéliome pleural sur 20 années, consacre un paragraphe spécifique aux métiers de l’enseignement. Ainsi depuis 1998, pour 2720 cas de mésothéliome observés sur 21 départements, 178 ont eu au cours de leur vie un emploi dans l’enseignement. 86 hommes et 92 femmes correspondant respectivement à 4,1 % et 14,3 % de la population observée. Des chiffres qui viennent corroborer les observations de l’Andeva qui en novembre 2018 avait demandé à rencontrer la FSU après avoir remarqué qu’il y avait de nombreux enseignants parmi leurs adhérents. Au ministère, notamment sous l’impulsion des délégués du personnel au CHSCT, est annoncée une cellule ministérielle sur le bâti scolaire, suite aux épisodes caniculaires. Elle devrait aussi, semble-t-il, se charger du suivi du dossier amiante… affaire à suivre. Pendant ce temps-là, du côté de Chantilly, les lanceurs d’alerte parmi les familles et l’équipe enseignante apprécient les résultats de leur dure bataille, même si des reproches fusent encore à leur égard. Reste à obtenir que les travaux se poursuivent au 2e étage afin que les séances de lecture à la BCD ainsi que celles de musique et d’informatique dans les salles attenantes puissent reprendre sereinement. 

*Le document technique amiante (DTA) est obligatoire pour tous les bâtiments publics construits tout ou partie avant le 1er juillet 1997. La collectivité territoriale en charge de l’établissement scolaire doit le faire réaliser par une entreprise habilitée. Il doit être communiqué à la direction de l’école afin de pouvoir être présenté. En l’absence, il est nécessaire d’en aviser l’IEN qui doit le demander à la collectivité et alerter le préfet à défaut. Ce document indique la présence ou non d’amiante avec une échelle de risque et des conclusions de travaux éventuels à réaliser. Il doit faire l’objet d’une mise à jour régulière. L’Andeva réclame que ce document soit rendu public sur une base de données nationales. En cas de présence d’amiante, les personnels des écoles peuvent demander auprès de l’Éducation nationale un certificat d’exposition aux fibres d’amiante. Une démarche qui peut s’avérer utile pour la reconnaissance éventuelle de maladies professionnelles.

Écrire à la rédaction

Merci de renseigner/corriger les éléments suivants :

  • votre prénom n'a pas été saisi correctement
  • votre nom n'a pas été saisi correctement
  • votre adresse email n'a pas été saisie correctement
  • le sujet n'a pas été saisi correctement
  • votre message n'a pas été saisi correctement

Merci de votre message, nous reviendrons vers vous dès que possible