"À la rencontre de l'élève"

Mis à jour le 11.12.20

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Interview de Christine Philip, responsable de formation à l'INSHEA

Christine Philip est maîtresse de conférences honoraire en sciences de l’éducation et responsable de formation à l’Institut national supérieur de formation et de recherche pour l’éducation des jeunes handicapés et des enseignements adaptés (INSHEA).

AESH  Christine Philip

Quel est le rôle des AESH ?

Les AESH jouent un rôle important dans l’inclusion scolaire mais sont trop souvent conçus comme une compensation. C’est-à-dire une aide qu’on apporte aux élèves qui sont loin de la norme, pour les aider à rejoindre cette norme. C’est ce qui a conduit à la multiplication des AESH individuelles. Or, l’inclusion nécessite une transformation de cette approche de notre système scolaire. Il s’agit d’accueillir toutes les différences et cela questionne forcément le rapport à la norme si l’on veut tendre vers une pratique d’accompagnement prenant en compte la diversité. Si certains élèves doivent pouvoir continuer de bénéficier d’un accompagnement individualisé, ce n’est pas forcément le cas de tous. Le risque parfois de créer une forme de dépendance est bien réel et il faut aussi permettre à l’élève de se retrouver seul dans la classe.

Que recouvre la notion d’accompagnement ?

Cette notion d’accompagnement est très importante. C’est une bonne chose que le sigle ait changé pour passer « d’auxiliaire » à « accompagnant ». Il s’agit d’aller à la rencontre de l’élève et de l’accompagner dans ses apprentissages, de comprendre ses besoins. Le mot « accompagnement » est en train de se substituer à celui de « prise en charge ». L’idée est de passer de la position surplombante de l’expert à une fonction où l’on se place aux côtés de l’élève, où l’on partage avec lui, où l’on avance avec lui. Non pas pour dicter à l’élève ce qu’il doit faire mais pour mettre ses propres compétences au service de l’élève. Ainsi l’enseignant et l’accompagnant, en se mettant aux côtés de l’élève, vont tenter de comprendre son fonctionnement pour justement s’adapter. Une pédagogie différenciée qui suppose une approche de l’élève dans sa singularité pour essayer de le comprendre et de voir où sont ses difficultés.

Comment bien commencer ?

Avant l’arrivée dans la classe, il est important qu’il y ait un temps de dialogue avec l’enseignant et l’équipe. Le premier moment de rencontre avec l’enfant est très important pour la suite et il faut que l’AESH puisse s’y préparer. Il faut aussi prévoir une rencontre avec la famille qui a des choses à apporter. Dans le champ de l’autisme, on dit qu’elles sont expertes de leur enfant. Elles peuvent apporter sur ce qu’il faut faire, ne pas faire, ce qui plaît à l’enfant. Enfin, si l’enseignant reste responsable de son élève, le processus de l’inclusion nécessite concertation et travail en équipe. L’AESH doit avoir toute sa place et ne pas être cantonnée à un rôle d’exécution. Elle ou il observe aussi les évolutions de l’enfant et c’est une occasion pour les AESH d’avoir une reconnaissance de leur statut et de leur fonction.

« Si l’enseignant reste responsable de son élève, le processus de l’inclusion nécessite concertation et travail en équipe. L’AESH doit avoir toute sa place et ne pas être cantonnée à un rôle d’exécution ».

Comment être à la bonne distance ?

C’est une des grandes difficultés de la fonction. Les AESH doivent effectuer un pas de côté par rapport aux enseignants, à l’enfant mais aussi aux autres enfants. Certains enfants rejettent l’AESH, car elle les éloigne du groupe, voire de l’enseignant. Se mettre en retrait ne veut pas dire se désintéresser mais être dans une présence active d’observation. L’enfant peut avoir besoin de l’AESH dans ses relations aux autres mais en même temps elles ne peuvent se développer si elle est trop souvent aux côtés de l’élève. Cette distanciation choisie est fondamentale. On ne peut pas autonomiser un enfant si on ne le laisse jamais en situation d’autonomie.

Que d’exigences ! Tout cela implique une formation à la hauteur…

Actuellement, quand il y a une formation, on mise beaucoup sur la connaissance des handicaps et du système scolaire mais on oublie trop souvent la question de l’accompagnement. Cette posture n’est pas du tout naturelle et implique qu’on n’est pas là pour dicter à l’élève ce qu’il doit faire, ni faire à sa place mais surtout essayer de le comprendre. Or, l’empathie suppose de se mettre à la place de l’autre en étant au clair sur le fait que l’autre n’est pas moi. Et ce n’est pas facile de comprendre comment un enfant autiste, par exemple, voit le monde. C’est un effort de décentration important pour comprendre ce que l’enfant éprouve. Cette capacité à s’impliquer pour aider l’autre et en même temps savoir se retirer pour viser l’autonomie de l’élève est complexe, mais encore faut-il en parler.

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