“Exigence des savoirs” : Attal à marche forcée

Mis à jour le 27.10.23

min de lecture

Gabriel Attal affirme vouloir réformer l’école en profondeur en 8 semaines : quelle ambition ! En envoyant pendant les vacances un questionnaire aux enseignantes et enseignants, aux IEN et aux personnels de direction, il prétend consulter la profession alors que le questionnaire montre que les grandes lignes sont déjà actées.

Alors que les programmes de 2015 avaient nécessité du temps et avaient été réfléchis avec la profession, ils n’ont pas pu être réellement appliqués du fait de la politique éducative menée dès 2017 à coup d’injonctions et de guides de “bonnes pratiques”.

Le 5 octobre dernier, Gabriel Attal annonçait la création d’une mission “exigence des savoirs” qui en 8 semaines prétend faire des propositions pour “accroître le niveau des élèves sur les savoirs fondamentaux”.
C’est pendant les vacances qu’un questionnaire a été envoyé sur les boîtes professionnelles pour ce qui s’apparente à une illusion de concertation.

Un questionnaire biaisé

Le questionnaire, qui était censé concerner les programmes, n’aborde en réalité que très peu le sujet. Par des questions pour la plupart biaisées, tranchant d’ores et déjà dans des débats éducatifs, il manifeste la volonté d’imposer des réformes dont le contenu a déjà été annoncé : révision des programmes pour renforcer la place des « fondamentaux », individualisation des apprentissages, recours à des groupes de niveau, abandon de la logique de cycle…

Retour vers le passé…

Le questionnaire remet en avant des rengaines éducatives passéistes (devoirs à la maison, recours au redoublement…) mais surtout inefficaces.
La recherche a en effet tranché depuis longtemps ces sujets. Les devoirs écrits à la maison, officiellement abandonnés dans le premier degré par la circulaire du 29 décembre 1956, comme les groupes ou les classes de niveau, participent du creusement des inégalités. Le redoublement enferme les élèves qui le subissent dans l’échec scolaire, au contraire des possibilités ouvertes par une logique de cycle.

Vers une sortie de certains savoirs de l’école ?

Avec la notion de “culture générale”, non définie et floue, une grande part de savoirs pourtant essentiels à la réussite scolaire risque de se retrouver englobés dans cette dernière. Sciences, histoire-géographie, EMC, arts plastiques, musique, EPS… sont autant de disciplines distinctes, qui mobilisent des modes d’interrogation et des langages spécifiques. Disciplines dont la maîtrise est importante pour comprendre le monde, leur dissolution dans une culture générale indistincte ne ferait qu’opacifier encore plus les enjeux d’apprentissage qui leurs sont propres et risquerait également de les sortir du champ scolaire.

Les PE, de simples exécutant·es ?

La comparaison des questionnaires à destination des PE et des professeurs du secondaire témoigne du mépris du ministère vis-à-vis des personnels du premier degré, considérés manifestement comme de simples exécutants et, dont on attend qu’ils et elles ne fassent qu’appliquer des scénariis pédagogiques élaborés par d’autres.
C’est ce qui transpire derrière la labellisation ministérielle de manuels scolaires ou la promotion des guides, par ailleurs en rupture avec les consensus scientifiques sur les apprentissages.
C’est ce qui est manifeste quand les questions évoquant le collectif pédagogique comme ressource pour penser le travail ou le développement professionnel appuyé sur la recherche, sont réservées au secondaire. Or le travail en équipe est primordial dans nos écoles, les conseils de cycle et de maitres/maitresses font avancer les pratiques.
Enfin, la liberté pédagogique n’est pas du tout évoquée alors qu’elle relève du savoir-faire enseignant.

Le choix des personnalités responsables de la mission “exigence des savoirs” tout comme la forme et le fond de ce questionnaire indiquent clairement que les choix sont déjà actés. Gabriel Attal s’inscrit dans la droite ligne de ses prédécesseurs, ignorant les travaux de recherche en éducation qui démontrent l’inanité de cette politique axées sur les “bonnes pratiques” et les seuls “fondamentaux”.
Au moment où le ministre prétend redonner de l'attractivité au métier, le mépris dont il fait preuve envers la professionnalité des PE démontre tout le contraire.