L'école nous apprend à comprendre le monde qui est le nôtre

Mis à jour le 24.11.22

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"L'école nous apprend à comprendre le monde qui est le nôtre"

Benoît Falaize est historien, ancien formateur à l’IUFM d'Antony(Hauts-de-Seine), l'INSPE de Cergy-Pontoise et chercheur- correspondant au centre d’histoire de Sciences Po. Il est spécialiste de l'enseignement de l'histoire et de l'EMC dans le premier degré. 

UDA 2022 Falaize 1 © Mira_NAJA

Ces dernières années, on constate une volonté du ministre de l'éducation nationale de recentrer les enseignements sur les enseignements dits fondamentaux, cela signifie-t-il faire moins d'histoire ? 

La politique des fondamentaux, portée par l’école depuis plus de cinq ans, s’enracine dans une logique communément admise d’apprendre à « lire, écrire, compter » à l’ensemble des élèves de France. Pour autant les autres disciplines sont toujours au programme. Autrement dit, il n’y a pas d’incompatibilité à travailler des disciplines comme l’histoire. Il n’y en a d’autant moins que l’histoire est une discipline qui, par excellence, fonctionne sur un récit adossé à des documents et à des démarches critiques. Un récit qui passe fondamentalement par la langue, qui peut être écrit, lu en silence ou oralisé, etc. La langue porte l’intelligibilité de la discipline. Cependant, s’il n’y a pas d’incompatibilité de principe, il semble, qu’il y ait eu un peu moins d’enseignement des disciplines autres que le « lire écrire compter ». C’est regrettable mais c’est peut-être dû à une faiblesse de l’accompagnement et de la formation des enseignants pour montrer à quel point la langue est inhérente à l’histoire. Si l’on avait travaillé le rapport entre la maîtrise de la langue et l’enseignement de l’histoire, de la géographie mais aussi des autres disciplines, on aurait pu développer quelque chose de très vivifiant.

Ce recentrage remet-il en cause la manière d'enseigner l'histoire ? 

Non, parce que l’histoire a à voir avec la langue. Il y a une homologie entre la littérature et l’histoire. Les deux fonctionnent sur un rapport au temps – un début, un déroulement, une fin, sur une narration, une intrigue, où l’on raconte ce qui s’est passé – et enfin, il y a, dans ces deux formes de récit, un statut de vérité. Dans la littérature, il y a un statut de vérité qui fait qu’on y croit même si c’est de la fiction, sans compter que la littérature dit des choses très vraies de l’expérience humaine. En histoire, le statut de vérité est singulier ; c’est-à-dire que l’historien n’est pas libre comme le dit l’historien Georges Duby. Il ne peut pas inventer, contrairement au romancier. Mais la structure narrative est à peu près la même : il a des causes, un déroulement, des conséquences. Dans les trois petits cochons, la maison de briques ne peut venir dans le récit avant celle de paille, sinon cela n’a plus de sens narratif. En histoire c’est exactement la même chose, si on raconte un événement, il y a une sorte de logique inhérente au récit dans les enchaînement des faits, de causalité, et de compréhension des conséquences qui font que le récit a une cohérence ou non.

En quoi l'histoire peut-elle être considéré comme un enseignement fondamental au même titre que le français et les maths ?

L’histoire est fondamentale car si l’on veut construire des citoyens libres, responsables, capables d’anticiper, d’avoir une vision critique, il faut très tôt et dès l’école élémentaire les faire accéder aux valeurs les plus essentielles de nos sociétés démocratiques. D’une part, comprendre ce que signifie un rapport de domination, comprendre ce que sont les rapports de pouvoir, arriver à percevoir les notions de justice, d’injustice, de discrimination, de racisme, de violence sociale. Et permettre de décrypter, à toutes les époques et dans toutes les situations, ce qui fait nos urgences d’aujourd’hui. Contrairement à une idée toute faite, dire l’histoire ne concerne pas tant le passé. Depuis la fin du 19e siècle avec Lavisse, on fait de l’histoire en classe pour apporter la compréhension du monde d’aujourd’hui. L’histoire permet de mettre des mots sur la complexité du réel et du quotidien. D’autre part, dans l’histoire se joue aussi des rapports de solidarité, de fraternité, de dignité retrouvée et reconnue. Des conquêtes sociales, citoyennes et démocratiques. Grâce et avec la littérature parfois, l’histoire permet d’étoffer le savoir, et d’emmagasiner un stock d’expériences par délégation. On ne peut pas tout vivre. En revanche, on peut essayer d’imaginer ce à quoi pensaient les gens à une période donnée. Le simple fait d’amener les élèves à se décentrer d’eux-mêmes, de leur condition sociale, à essayer de comprendre des points de vue différents, y compris de gens avec qui ils n’auraient pas été d’accord du tout est une manière de rendre beaucoup plus intelligible le monde tel qu’il est.

"Quelle que soit l'origine de l'enfant, il y a la possibilité de le faire accéder
à la connaissance, à l'émancipation intellectuelle et sociale"

Que nous apprend l'étude du passé qui fasse que l'histoire est une discipline essentielle ? 

Cela nous apprend qu’il y a des invariants anthropologiques - des hommes des femmes, des enfants qui souffrent, qui construisent, qui sont heureux, porteurs de projets, qui aiment, qui grandissent et dans ces invariants, se trouvent aussi la violence, la guerre, l’amour, la solidarité, la fraternité, etc. Cela fait partie du socle qui, d’une certaine manière, ne change pas. Des invariants aussi dans les résolutions de conflit, dans la manière dont les débats intellectuels et sociaux se nouent. En revanche il y a des grandes variations. On dit souvent « plus jamais ça » mais en fait il se passe des choses qui régulièrement « ressemblent à » mais qui ne sont jamais tout à fait pareilles. L’invasion de l’Ukraine par la Russie, on pourrait dire que c’est comme en 1956 en Hongrie. Mais en fait, ce n’est pas du tout les mêmes acteurs, le même contexte géopolitique, la même psychologie collective. Ce qui va arriver demain est, par définition, à la fois prévisible et imprévisible. On peut imaginer et anticiper des situations à venir, en revanche on ne saura jamais très exactement les formes que cela aura. Cela nous apprend à développer une capacité à la responsabilité collective et individuelle. Cela nous apprend aussi à regarder le monde, à penser avec plus de vivacité ce qui est sous nos yeux.

Est-ce qu'un élève, futur citoyen, peut comprendre le monde dans lequel il vit sans compréhension de son histoire ? 

Cela dépend ce que l’on appelle son histoire. Si c’est son histoire en tant qu’elle est inscrite dans sa destinée familiale, sociale, pour un enfant migrant par exemple, mais pas uniquement, c’est évident que cela peut être intéressant pour l’enfant de la savoir. Si c’est son histoire au sens où l’élève appartient à un collectif qui le dépasse complètement, qui relève du national ou de l’international, à cette dimension d’appartenir à une humanité commune, oui c’est fondamental. C’est aus-si le préalable nécessaire à une citoyenneté active et responsable.

UDA 2022 Falaize 2 © Mira_NAJA

Il y a de plus en plus de pays en Europe où l'extrême droite est aux portes du pouvoir ou y est arrivée. Historiquement, comment les régimes totalitaires du XXe siècle ont abordé l'enseignement de l'Histoire ? 

C’est toujours une historie orientée, et à la gloire du régime en place. Aucune dictature ne fait exception sur ce point. La question, c’est de savoir comment passer à une histoire qui ne soit pas contrôlée par l’État et l’idéologie univoque, allant toujours vers le progrès, avec une construction narrative très simple : le désordre, un homme providentiel prend le pouvoir et la société va mieux. Les professeurs, les familles et les élèves ne sont pas dupes mais d’une certaine manière cela endoctrine la société. Aujourd’hui on voit des tentations de réécrire l’histoire partout en Europe, ou de présenter telle dimension plutôt que telle autre. En ce moment, en Hongrie, il y a la volonté de mettre sur le même plan le totalitarisme soviétique et le totalitarisme nazi. Les intentions politiques derrière sont bien sûr une manière d’exonérer la politique hongroise de la collaboration avec les nazis et d’éviter les enjeux de mémoire qui sont liés à cette période difficile. La libération de Budapest en avril 1945, qui est une libération face au nazisme, clive la société. Des gens considèrent que ce n’est pas la libération de la ville mais le début de l’occupation par les forces soviétiques. On voit comment l’histoire produit des récits différents, antagonistes même.

Quels sont les enjeux actuels avec des régimes établis en Hongrie, en Pologne, en Italie et la montée de l'extrême droite en France ? Quelle influence sur l'enseignement de l'Histoire à l'école ? 

Depuis les années 1990, le danger du populisme se développe, notamment un populisme d’extrême droite, qui est un risque pour la démocratie. La Suède, l’Italie, la Pologne, la Hongrie, sous des formes différentes et avec les atours de la démocratie, nous donnent l’impression de revivre l’histoire en direct, et imposent le sentiment que plus rien ne s’oppose vraiment au fait que le populisme d’extrême droite se répande. Sauf si les forces démocratiques, les combats sociaux, les intellectuels, les médias ou les gens qui se souviennent par héritage familial ou par enseignement de l’histoire de ce que cela a pu être fassent en sorte de l’éviter. Pour l’enseignement de l’histoire, cela pose toute une série de problèmes. Tant que les programmes sont définis par une instance indépendante et pluraliste, on a des chances d’avoir un enseignement plus conforme à la recherche et à la science. Le propre d’un régime dictatorial est de les modifier dans le sens qui l’arrange politiquement.

"L'histoire permet de mettre des mots sur la complexité du réel et du quotidien"

Cela pose-t-il un enjeu démocratique ? 

Totalement. Est-ce qu’on enseigne assez aux élèves le fait que cette démocratie est fragile ? Si l’on prend Le récit du commun, ouvrage collectif coordonné par Françoise Lantheaume et Jocelyn Létourneau, on se rend compte qu’il y a une sorte d’évidence pour les élèves qu’avant 1789, c’était les ténèbres - l’Ancien régime, la cruauté, l’arbitraire, la barbarie, la royauté, l’anarchie – et que depuis la Révolution française, la démocratie s’est installée, les gens sont libres. Dans près des 6 000 récits d’élèves, on ne perçoit pas qu’ils puissent douter de la force de cette démocratie qu’ils présentent comme un avènement définitif. Or, ces démocraties même les plus belles, les plus abouties, les mieux réussies, sont en fait d’une grande fragilité – Allende au Chili, Masaryk en Tchécoslovaquie – ont été renversées. La démocratie est fragile car elle accepte la contestation, les oppositions. Dans les sociétés occidentales aujourd’hui, tout le discours a basculé, des paroles, qui étaient insupportables il y a 15 ans, sont totalement décomplexées. On pourrait s’en réjouir au titre de la démocratie parfaite, de la liberté des opinions mais on pourrait aussi s’en inquiéter car on sait les effets que cela a surtout en situation de crise.

Historiquement, comment s'explique cette montée de l'extrême droite dans la société ? 

Plusieurs facteurs dans l’histoire peuvent l’expliquer : la situation économique, la recherche de boucs émissaires, le repli sur soi, et la volonté de mettre des mots simples sur une situation personnelle et collective qui nous échappe, comme le déclassement, le changement de société ou le chômage. Il suffit de prendre l’Italie ou l’Allemagne des années 1920-1930 pour voir comment une société perd tous ses repères à partir du moment où l’économie bascule dans la crise. Se rajoute à cela des contextes singuliers à chaque pays en fonction du regard que les peuples portent sur l’altérité, l’étranger. Il y a toujours une dimension de rejet SUITE DE LA PAGE 95
de l’autre qui s’exprime. Il y a moins d’incidences à accueillir l’autre quand on se sent sûr de soi et tranquille dans sa vie quotidienne. A partir du moment où on est fragilisé, le regard sur l’autre change. L’antisémitisme et le racisme font partis des données structurelles des montées de l’extrême droite.

UDA 2022 Falaize 3 © Mira_NAJA

Quel est le rôle de l'école ? 

L’école nous apprend à ne pas nous résigner et à comprendre le monde qui est le nôtre. « Pour agir en personne libres et responsables », disaient les programmes d’histoire de 1995. Cependant, l’école peut-elle empêcher la montée d’une dictature ? L’avenir nous le dira. On peut espérer que l’école et ses valeurs permettront de résister. Je suis très partagé, d’abord parce que cela voudrait dire que tous les enseignants ont la même conception de l’école, que la crainte de la fragilité démocratique soit partagée par l’ensemble des collègues, ce qui n’est pas du tout une évidence. Et l’école ne peut pas tout. Loin de là. Mais elle peut beaucoup. Il faut nous en convaincre chaque jour. En tous les cas, si l’école arrête de penser ces questions-là, c’est la porte ouverte à tous les possibles y compris les plus dramatiques.

Votre actualité, c'est la sortie du Volume 2 de Territoires vivants de la République, est-ce un projet au long court ? 

Ce collectif, de plus de 50 collègues, espère avoir permis de rappeler ce que peut l’école. C’est formidable de lire et de donner à lire des articles de personnes qui réussissent dans leur classe d’éducation prioritaire avec des gamins que l’on dit « irrécupérables » mais qui, de fait, ne le sont pas. On donne à voir des réussites, l’éducabilité en acte. Cela passe par une posture éthique et professionnelle qui passe d’abord par le regard que l’on porte sur les élèves, leur accueil mais aussi par une exigence qu’on leur doit, à chacun. Renoncer à l’exigence, considérer que des élèves «n’ont pas le niveau» ou «la bonne attitude» pour se lancer dans des projets, ce serait les condamner alors qu’ils n’attendent qu’une chose, c’est d’être embarqués, emportés loin. Comme un principe, toute formation devrait permettre aux futurs enseignants de ne jamais renoncer. Et ne jamais désespérer d’un enfant, même dans les moments les plus compliqués.

"Ces démocraties même les plus belles, les plus abouties, les mieux réussies, sont en fait d'une grande fragilité"

Pourquoi avoir réalisé ce deuxième ouvrage ? 

Quand le premier volume Territoires vivants de la République, ce que peut l’école, réussir au-delà des préjugés est sorti en 2018, il n’avait pas vocation à connaître une suite. C’est le journal Le Monde et l’École des lettres qui nous ont demandé de poursuivre la publication d’articles stimulants et éclairants sur ces possibles pédagogiques. Suite à la parution du premier volume en 2018, de nombreux personnels de l’éducation ont eu envie de témoigner de leurs pratiques pédagogiques mais aussi de combattre les stéréotypes qui collent à la peau des jeunes des quartiers populaires. Une volonté d’exprimer une sorte de ras le bol de constater que les discours, privés ou publics, concernant les élèves de milieux populaires sont le plus souvent déclinistes et péjoratifs.

Comment cela se traduit-il ? 

C’est un très ancien discours datant du 19e siècle sur les classes populaires. « Classe populaire, classe dangereuse ! » disait l’historien Louis Chevalier. Aujourd’hui, le même mépris persiste. Il suffit de voir depuis 20 ans comment on parle de l’école des banlieues, avec ces territoires réputés « perdus ». Le vocabulaire, et ce qui est mis en avant, c’est toujours la même chose : un incident, et les journalistes accourent. Tout cela crée un climat anxiogène. La réalité est autre, cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas d’incident mais il n’y a pas que cela. Jamais la presse nationale ne va dans un établissement pour dire à quel point certaines réussites pédagogiques sont remarquables. Ce regard négatif est très problématique car elle enracine chez les enfants une perception dépréciative d’eux-mêmes et les conduit à endosser ce stigmate. Alors qu’on le sait, dès qu’on est en classe avec ces enfants, on mesure la richesse et le potentiel absolument remarquable qui n’est pas toujours exploité comme il devrait l’être. Ecrire ce livre était leur rendre justice et lutter contre ce regard insupportable. C’est presque une question éthique qui nous a animés

UDA 2022 Falaize 4 © Mira_NAJA

Concrètement, pouvez-vous donner des exemples ? 

Par exemple, , un élève débarque à l’école dans une colère noire, perturbe la classe, ne veut pas travailler. Il finit par arriver à mettre des mots sur son mal être grâce à l’attention de l’enseignante qui lui en donne la possibilité et qui l’aide à le faire. Ce gamin a gagné deux choses, il a pu s’exprimer mais surtout il a reçu de la considération, et cela change beaucoup de choses. Dans le livre, on a aussi l’exemple de cet élève, David, qui est ingérable et après avoir été violent lors de la récréation est amené à réfléchir sur ce qu’il a fait, sur ce qu’il veut devenir. Il lit plein de textes et tombe sur un texte de Bourdieu et les déterminismes qui pèsent sur lui. Il dit « non je n’ai pas envie d’être soumis à cela » et il écrit de manière inattendue une lettre au sociologue.

Ces territoires sont marqués par la non mixité sociale et la ségrégation, peut-on dépasser cette exclusion ? 

Cette réalité mine le pacte républicain. Pourtant, il ne faut pas voir ces quartiers comme étant tout à fait homogènes. Il y a une diversité au sein de ces milieux qui sont les plus défavorisés, les plus pauvres, les plus précaires où on peut faire émerger de véritables réussites. Le problème du discours sur les classes populaires, c’est la généralisation : tous pauvres, mal habillés, un rapport à la culture détérioré, etc. Or, la sociologie de l’immigration dit clairement que lorsqu’on émigre d’un pays, si l’on est perçu comme des immigrés par la société d’accueil, sorte de catégorie vague, large, attrape tout, on est avant tout un émigré. En fonction de là où l’on émigre, en fonction de son appartenance sociale d’origine, dans le pays d’émigration, on n’immigre pas de la même manière : le rapport à la société d’accueil et les aspirations ne sont pas les mêmes. À milieux social égal en apparence, la diversité est beaucoup plus grande en réalité. Il n’empêche que l’absence de mixité sociale au sens large favorise le sentiment d’enfermement de certaines écoles, dans des quartiers enclavés

"On donne à voir des réussites, l'éducabilité en acte"

Et les enseignants ? 

Il fallait rendre justice au travail des enseignants, à leur investissement dans la mise en place de projets et de pédagogies. Dans ce livre, les enseignants regardent les élèves comme des jeunes en construction, c’est-à-dire qu’ils ne sont pas vus comme des élèves qui, quoi qu’il arrive, vont échouer, des élèves « à problèmes ». On fait le pari de l’école républicaine : celui de l’éducabilité. Ils ont la certitude que, quelle que soit l’origine de l’enfant, il y a la possibilité de le faire accéder à la connaissance, à l’émancipation intellectuelle et sociale.

Y-a-t-il des sujets tabou dans ces territoires ? 

Oui comme partout. Mais tous les sujets sensibles peuvent être traités si on réussit à établir au préalable une relation de confiance entre l’enseignant et les élèves, si ceux-ci sont considérés comme des interlocuteurs valables, y compris quand on entend des propos que l’on n’a pas envie d’entendre. Il est important d’associer les parents qui ne demandent qu’à être fiers de leurs enfants, qui peuvent se sentir profondément illégitimes et en souffrance eux-mêmes du souvenir qu’ils ont de l’école. Quand on les associe à des projets pédagogiques, cela donne une fraternité, une humanité formidable et puis surtout cela apporte de la richesse. Cela transforme leur quotidien, leur permet de s’ouvrir et permet aussi à l’école de s’ouvrir à d’autres réalités. C’est à ce moment que nous faisons société, que l’on crée du lien social.

"Comme un principe, toute formation devrait permettre aux futurs enseignants de ne jamais renoncer"

Comment faire concrètement ? 

Cela suppose beaucoup de rigueur de la part de l’enseignant, un engagement professionnel et une maîtrise des contenus. Les innovations pédagogiques et notamment la pédagogie de projet permettent d’embarquer les élèves sur un objet d’étude. On est dans le « faire ensemble », intellectuel et pratique. Cela crée d’autres relations avec les professeurs des écoles, de la connivence, une confiance avec le maître ou la maîtresse. Cela n’exclut pas de faire de la grammaire, de la conjugaison, des dictées et des mathématiques. Au contraire, cela permet de les faire autrement, en leur donnant du sens. C’est remettre le sens des apprentissages au cœur du dispositif pédagogique. Ce pari de l’éducabilité n’est pas une option. C’est le sens même de nos missions.