C'est quoi les sciences de l'éduc ?

Mis à jour le 17.06.19

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Béatrice Mabilon-Bonfils a codirigé un ouvrage qui explique ce que sont les sciences de l'éducation.

À quoi servent les sciences de l’éducation ?* dresse un panorama des différentes approches constitutives de la discipline qui permet de s’initier à ses contenus et de réfléchir à ses enjeux.

Photo©Corinne Brisbois

Béatrice Mabilon-Bonfils est professeure d’université en sciences de l’éducation et sociologue. Elle dirige le laboratoire BONHEURS (Bien-être, organisations, numérique, habileté, éducation, universalité, relation, savoirs) de l’université de Cergy-Pontoise.

Qu’est-ce que les sciences de l’éducation ?

Béatrice Mabilon-Bonfils : Nées tardivement dans le champ scientifique, elles constituent une discipline qui s’est édifiée à partir d’un ensemble de savoirs élaborés préalablement autour d’espaces professionnels divers. Elles sont mandatées pour répondre à des exigences de professionnalisation croissante et de qualification accrue des professionnels. C’est une discipline composite qui articule de manière pluri-, inter- et trans- disciplinaire des savoirs et des approches sociologiques, historiques, économiques, philosophiques, anthropologiques, cliniques, pédagogiques, didactiques, psychologiques… autour d’un objet commun : l’éducation et la formation en tous lieux et à tous les âges de la vie, dans la visée de produire une cumulativité de résultats.

Pourquoi interroger leur utilité aujourd’hui pour le système éducatif ?

B.m-B. : Avec l’hétérogénéité croissante des publics scolaires, avec les mutations de la forme familiale et des modes de socialisation contemporains, avec la multiplication des modalités d’accès aux savoirs, le métier d’enseignant est devenu plus complexe et nécessite une formation longue ancrée sur les savoirs de recherche. Beaucoup de professeurs vivent des épreuves au travail inédites et se sentent isolés. De nombreux élèves vivent à l’école des souffrances peu traitées. Jamais l’angoisse scolaire des élèves et des familles n’a été aussi forte. Depuis une dizaine d’années, les réformes successives de la formation des professeurs n’ont pas eu d’effets significatifs sur l’attractivité du métier de professeur, sur la qualité de la formation proposée autant que sur les représentations que s’en font les professeurs. Nos sociétés vivent un triple tournant - global, numérique et normatif - qui n’est pas sans affecter la manière dont le savoir est produit, construit, partagé, adapté, diffusé, et les jeunes éduqués.

Leur légitimité est-elle remise en doute ?

B.m-B. : Le problème des rapports entre recherche et formation ne peut se poser simplement comme une question de transfert de savoirs mais comme la production d’un espace collectif « d’intéressement », de confrontation des savoirs et des pratiques et de forums hybrides. La formation initiale et continue des professeurs doit être pensée autrement : autour de la production de cet espace où chercheurs et professionnels modifient leurs pratiques. Sans quoi les recherches restent lettre morte, simple mode de validation de la formation initiale des professeurs, sans intérêt pour les intéressés, qui les pensent trop théoriques et décrochées de leurs pratiques. Chercheurs et enseignants ne parlent pas le même discours : il faut produire les conditions de l’échange.

Pourquoi semblent-elles régulièrement constituer un enjeu pour les politiques ?

B.m-B. : Les politiques cherchent à légitimer leurs actions et instrumentalisent parfois les discours scientifiques pour gagner en légitimité. Mais par exemple le débat entre sciences de l’éducation et neurosciences est un faux débat. Pour penser les apprentissages, les neurosciences sont un apport non négligeable à la réflexion sur l’apprendre. Mais l’apprentissage est un processus beaucoup plus complexe que ce que tout spécialiste de l’imagerie cérébrale peut proposer. Car c’est in situ, dans un contexte, en prenant en compte les interactions, les vécus et expériences de situation et de communication, les cultures mais aussi les émotions que les sujets interagissent. Il faut donc croiser les approches et proposer un regard complexe.

Au-delà des polémiques, qu’apportent-elles aux enseignantes et enseignants?

B.m-B. : L’intérêt qu’il y a à éclairer les pratiques individuelles par les recherches est aujourd’hui couramment admis. Une nouvelle architecture de la formation initiale et continue des professeurs s’impose pour répondre aux nouveaux enjeux auxquels sont confrontés les enseignants. Notamment les conditions matérielles, spatiales et relationnelles du bien-être scolaire doivent être questionnées.

* À quoi servent les sciences de l’éducation ? co-dirigé par Béatrice Mabilon-Bonfils et Christine Delory-Momberger – collection Pédagogies références, dirigée par Philippe Meirieu - éditions ESF sciences humaines.

 

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