“Maintenir un bon niveau d’exigence”
Mis à jour le 20.12.21
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Référentiel et les enjeux pédagogiques de l'enseignement en EP. Besoins et réalité de la formation en EP.
Marc Bablet a été enseignant, IEN, puis inspecteur d’Académie. Il a été chargé de mission au ministère pour la refondation de l’éducation prioritaire, puis chef du bureau de l’éducation prioritaire. Il est actuellement membre du bureau et du conseil scientifique de l’Observatoire des zones prioritaires.
Quels est l'esprit du référentiel de l'éducation prioritaire ?
Ce référentiel a été conçu avec l’apport des personnels de l’éducation prioritaire. On a listé ce qu’on savait des composantes de la réussite scolaire grâce à la recherche et cela a été confronté aux réflexions et compléments des experts, des formateurs, des enseignants. Les six grandes orientations sont précisées en sous-objectifs puis déclinées en actions souhaitables. Le référentiel combine de grands objectifs à poursuivre et des exemples d’actions issues des pratiques du terrain. Ce n’est pas un référentiel de compétences mais un ensemble de repères. Par rapport à la politique conduite actuellement qui voit comme seule perspective la réduction des effectifs en GS, CP et CE1, le référentiel est systémique. Il repose sur l’idée que la réussite ne peut venir d’une seule mesure, d’un seul dispositif. Plus de maîtres que de classes était une mesure plus souple à cet égard. Pour améliorer les résultats de nos élèves, il faut travailler en même temps sur toutes les composantes indiquées par le référentiel en les articulant entre elles. Chaque projet de réseau doit choisir la manière de construire cette articulation.
Quels sont les enjeux pédagogiques de l'enseignement en EP ?
La question pédagogique ne saurait être isolée de la question didactique, de celle des relations avec les parents, de l’idée du travail collectif, de l’importance de l’évaluation et du pilotage. Ce que l’on sait des difficultés des élèves des milieux populaires et de celles de nos collègues en EP nous invite toutefois à consolider prioritairement certaines pistes pédagogiques : veiller à bien comprendre ce que les élèves ne comprennent pas, enseigner plus explicitement en ne faisant pas comme si les orientations proposées et les consignes données allaient de soi, bien être centré sur les apprentissages visés plus que sur les activités proposées. Il faut maintenir un bon niveau d’exigence, mais aussi enseigner et évaluer avec bienveillance, c’est-à-dire en respectant l’élève qui ne doit pas voir l’évaluation comme une menace, comme un jugement mais comme une aide à comprendre, à apprendre.
Quels sont les besoins en formation des PE ?
Il faut d’abord aider les enseignants à déterminer ce dont ils ont besoin et ne pas le leur imposer d’en haut au nom de la science. Pour cela, il est nécessaire de conduire un travail sérieux qui puisse s’appuyer sur leur expérience et sur l’habileté de formateurs bien formés eux-mêmes. Mais aussi trouver les perspectives souhaitables et les manières de faire qui répondront aux problèmes professionnels rencontrés en éducation prioritaire, en observant le travail des élèves et des enseignants, en favorisant les observations croisées, les co-observations. Il faut, ensuite, confronter ces problèmes professionnels, parfois vécus comme des difficultés, à ce que l’on sait par la recherche et par l’expérience de collègues chevronnés pour permettre aux enseignants en formation d’être vraiment eux-mêmes en recherche, en expérimentation de formes nouvelles de travail à confronter à la classe. À l’évidence, les collègues contractuels ou débutants ont des besoins différents. Ce qui ne veut pas dire qu’il faudrait les former séparément, peut-être même au contraire, faudrait-il qu’ils bénéficient de la discussion avec des aînés.
Où en est-on de la formation dans les REP+ ?
Dans le cadre de l’Observatoire de l’éducation prioritaire, nous avons sollicité l’avis des enseignants et autres personnels de REP et de REP+ en juin 2021. La première observation est que la pandémie a amené son lot de suppressions de formations et a même réduit en REP + les heures de concertation. Il n’y a eu aucune priorité à la formation en éducation prioritaire pendant la pandémie. Ce qui est aussi frappant pour le premier degré est l’absence de visibilité de la formation dédiée à l’éducation prioritaire pour ses acteurs : à peine 50% des répondants savent dire s’il y a eu ou non de la formation spécifique à l’EP. Enfin, le plus inquiétant est la très forte hétérogénéité entre les académies. On voit là ce qui se passe quand l’Etat pilote moins fortement les politiques publiques et laisse faire sans contrôle. C’est le fruit des politiques néo-libérales conduites actuellement. Et le paradoxe est que nos collègues pointent largement que là où il y a eu de la formation au travers des plans français et maths, c’est dans une logique parfaitement descendante, absolument incompatible avec la démarche que je ne vous ai exposée.