“La formation continue sur l’enseignement laïque doit être renforcée”

Mis à jour le 20.12.21

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La laïcité à l'école : difficultés, activités, formation.

Nicolas Cadène juriste, a été le rapporteur général de l’Observatoire de la laïcité. Il est l’auteur des livres En finir avec les idées fausses sur la laïcité (éd. de l’Atelier, 2020) et La laïcité pour les Nuls (éd. First 2016). Il est aussi le cofondateur de « Vigie de la laïcité ».

Nicolas Cadène UDA 2021 ©Millerand-Naja

Quelles sont les difficultés auxquelles sont confrontés les PE à l'école concernant la laïcité ?

Elles sont diverses. Elles peuvent être le fait d’adolescents qui remettent en cause un enseignement voire d’un enseignant en mettant en avant une croyance ou une religion. Cela peut aussi être le refus de participer à un enseignement, notamment en EPS, là encore du fait d’une certaine pratique religieuse. Également, une difficulté peut se rencontrer avec d’autres enseignants qui mettraient à mal leur devoir de neutralité. Ces difficultés existent toutes mais ne sont pas pour autant généralisables.

Quel est le principe de laïcité à l'école ? 

La laïcité, c’est le principe qui vis-à-vis des convictions et croyances, permet la parfaite déclinaison du triptyque républicain : liberté, égalité, fraternité. Cela vaut à l’extérieur comme à l’intérieur de l’école, avec des spécificités pour cette dernière. C’est en l’espèce la liberté de croire ou de ne pas croire, et de l’exprimer, mais avec un devoir de discrétion imposé aux élèves du public, alors que les usagers d’autres services publics et citoyens dans l’espace public ne sont soumis ni à un devoir de discrétion ni à un devoir de neutralité. Il est ainsi demandé aux élèves de ne pas porter de signe religieux ostensible visible de tous et de ne pas perturber le fonctionnement de l’école ou de l’établissement via du prosélytisme. La laïcité c’est aussi l’égalité, puisque quelles que soient leurs convictions ou religions, les élèves doivent tous être considérés de la même façon et recevoir le même enseignement. Cette égalité suppose, du côté des personnels de l’établissement public, le respect du devoir de neutralité qui découle de la séparation des organisations religieuses et de l’État, impliquant notamment un comportement impartial et de ne porter aucun signe convictionnel qu’il soit discret ou ostensible. Enfin, la laïcité, c’est la fraternité, car c’est un outil formidable pour que les élèves se respectent quelles que soient leurs appartenances convictionnelles propres, en s’enrichissant de leurs différences pour, dans un cadre de règles communes, faire ensemble.

Quelles activités mettre en place à l'école ? 

L’Observatoire de la laïcité considérait important, outre tout ce qui est déjà fait, de renforcer la délivrance effective de l’enseignement moral et civique (EMC), à condition que ça ne soit pas fait de façon verticale et descendante, mais bien de façon horizontale et interactive, dans le cadre d’un débat cadré et vivant, pour mettre les élèves en situation. Il est également important de développer, de façon transdisciplinaire, l’enseignement laïque des faits religieux et des courants de pensée. Il ne s’agit évidemment pas de faire de la théologie ni de traiter de la croyance (qui ne concerne pas l’école), mais de traiter ces faits en tant que faits sociaux. Cela, pour permettre aux élèves de mieux les appréhender, d’en comprendre la diversité ainsi que de saisir les influences qu’ils ont eu, ou qu’ils ont encore sur l’histoire du monde en différents domaines, jusque dans ’actualité. C’est aussi un moyen de lutter contre des clichés et préjugés, mais aussi contre une méconnaissance qui peut conduire à des interprétations religieuses caricaturales. Enfin, j’ajouterais que vis-à-vis de certains jeunes qui ne se sentent pas perçus comme Français, le travail sur la diversité des mémoires et les parcours auxquels ils pourraient s’identifier est utile. Lorsque l’on mentionne, par exemple, des personnalités aux confessions et convictions différentes telles que Abdelkader, Deo Van Tri, Sidambarom ou Senghor, qui ont toutes participé à l’histoire de France, ces jeunes se sentent beaucoup plus Français. Aussi, le passé colonial reste douloureux, mais il ne faut pas l’occulter.

Les PE sont-ils suffisamment formés ? 

Justement, je ne crois pas. On demande bien trop de choses aux enseignants. Pourtant, on ne les forme pas suffisamment. Surtout, on ne les accompagne pas, et on ne les soutient pas comme il le faudrait. En l’espèce, il me semble que la formation continue sur la laïcité et l’enseignement laïque des faits religieux, d’un point de vue théorique et pédagogique, doit être considérablement renforcée. Nous verrons comment cela va évoluer avec les annonces récentes. Quoi qu’il en soit, il faut bannir le « catéchisme laïque », totalement contre-productif, et s’assurer de supports objectifs, s’appuyant sur le droit.