Education à la sexualité, questionner les normes

Mis à jour le 28.12.23

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L'éducation à la sexualité recouvre plusieurs notions à aborder dès le plus jeune âge.

Fanny Gallot, est historienne et enseignante à l’Inspe Créteil. Elle a publié avec Naïma Anka-Idrissi et Gaël Pasquier, « J’enseigne l’égalité filles-garçons », Dunod, 2023. Et avec Gaël Pasquier “L’école à l’épreuve la « théorie du genre » : les effets d’une polémique. Introduction », Cahiers du Genre, vol. 65, no. 2, 2018, pp. 5-16

FsC 494 UDA 2023 Fanny Gallot

“Questionner les normes”

Pourquoi avoir réactualisé votre boîte à outils "J'enseigne l'égalité filles-garçons" de 2018 ? 

La nouvelle dynamique féministe mondiale de la deuxième moitié des années 2010 marquée par des mobilisations massives dans le sillage de #Metoo se répercute dans l’Education nationale. Outre #balance-tonbahut contre les restrictions vestimentaires en septembre 2020, la binarité des sexes se trouve questionnée à une échelle plus large qu’antérieurement. D’autant qu’avec le suicide d’une lycéenne trans, la souffrance des élèves effectuant ce parcours s’est trouvée visibilisée. L’institution réagit : mise en place de référentes et de référents dans les établissements scolaires ; élaboration d’une circulaire pour l’accueil des élèves en questionnement sur leur identité de genre ; meilleure prise en charge de la question du harcèlement et du cyber-harcèlement. Mais d’une manière générale, les moyens alloués, pour la lutte contre les violences sexistes et sexuelles ou contre le validisme restent insuffisants. Les enseignantes et enseignants continuent à être confrontés à des difficultés de tous ordres pour mettre en œuvre des projets ouvrant le champ des possibles. Il nous semblait donc nécessaire de mieux prendre en compte la situation actuelle dans cette réédition.

En quoi  l'école participe-t-elle d'une inégalité entre les sexes ? 

Structurellement, l’école est marquée, comme l’ensemble de la société, par une division sexuée du travail mais aussi ethno-raciale. Les inégalités sont, en outre, alimentées au quotidien par le « curriculum caché », « ces choses qui s’acquièrent à l’école […] sans jamais figurer dans les programmes officiels ou explicites » selon les termes du sociologue de l’éducation Jean-Claude Forquin. Concrètement, cela signifie que, sans le vouloir, les enseignantes et enseignants mettent en œuvre une socialisation différenciée et inégalitaire des filles et des garçons : cela passe par les interactions en classe, les images véhiculées dans les supports utilisés, mais aussi les savoirs scolaires.

“Il s’agit de construire une école qui s’adresse réellement, et non pas seulement par principe, à tout le monde”

Vous distinguez "pédagogie de la tolérance" et "pédagogie égalitaire. De quoi s'agit-il ? 

Nous empruntons les notions de pédagogie critique de la norme et de pédagogie égalitaire aux sociologues Elise Devieilhe et Isabelle Collet. Leur objectif est de questionner les normes et les catégories sociales produites par des rapports de pouvoir et qui passent souvent à tort pour naturelles. Il s’agit de construire une école qui s’adresse réellement, et non pas seulement par principe, à tout le monde. Nous nous opposons donc à ce qu’il serait possible d’appeler « la pédagogie de la tolérance » qui dit prendre acte de la diversité des individus mais qui met en place des adaptations de circonstances. Elle ne s'intéresse pas à la manière dont cette différence est produite au sein d’un rapport de force inégalitaire, qui devrait poser la question de savoir « qui tolère ? » et « qui est toléré ? ».

Comment les PE peuvent contribuer à une égalité des sexes et à la lutte contre les discriminations ? 

Cela peut passer par la réalisation d’un bilan de ses pratiques, en termes d’interactions en classe, de supports utilisés, de savoirs enseignés… Il est possible d’associer les élèves à ce travail : analyser ensemble un manuel, compter qui prend la parole, s’interroger sur la place des femmes en histoire, en géographie, dans les sciences, dans la langue ou la littérature de jeunesse… L’objectif est d’à la fois questionner les représentations communes mais aussi d’identifier la dimension matérielle des inégalités (accès à l’espace en récréation ou en EPS, temps de parole, accès à des représentations diversifiées), en prenant garde à l’articulation des discriminations. Il est aussi important d’avoir le souci de visibiliser des personnes non blanches, familles homoparentales, personnes en situation de handicap... à l’image de la société dans laquelle les élèves vivent.