Une nouvelle école maternelle ?

Mis à jour le 17.06.19

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Pour Pascale Garnier, l'obligation d'instruction à 3 ans bouscule la maternelle

©MIRA_NAJA

Pascale Garnier, professeure en sciences de l’éducation, directrice du laboratoire EXPERICE, université Paris 13, est l’autrice de Sociologie de l’école maternelle, PUF, 2016

Que change l'obligation d'instruction à trois ans ?

Sous couvert de s’adresser à une infime minorité d’enfants, cette loi couronne pour ainsi dire un processus de scolarisation de l’école maternelle débuté dès les années 1970. Elle enterre définitivement toute une vision d’une « éducation maternelle dans l’école », pour reprendre l’expression de Pauline Kergomard, première de toute une lignée d’inspectrices qui en ont défendu les spécificités et son autonomie relative au sein même de l’enseignement primaire.
Obligatoire et ainsi véritablement école de plein exercice, la maternelle n’a plus rien d’une école qui serait aussi entièrement à part, même si la loi lui conserve ce nom d’une autre époque.

Et pour ses enseignantes ?

La loi consacre un effacement progressif de leur identité professionnelle, notamment en termes de programme d’enseignement et de formation initiale et continue. C’est dit très explicitement dans la circulaire de rentrée où l’exercice du métier en maternelle donne la priorité à l’enseignement structuré du langage oral et la formation des professeurs néo-titulaires doit insister sur les connaissances en phonologie, syntaxe et lexique.
Tout cela tend à renforcer une perte de spécificité, d’autant que les nouvelles générations reçoivent une formation déjà très largement focalisée sur l’enseignement des disciplines scolairement ‘’rentables’’. Elles arrivent particulièrement démunies en maternelle, condamnées à y reproduire ce qu’elles savent peu ou prou faire pour des élèves plus âgés.
On ignore encore ce que sera la nouvelle formation mais, même agrémentée d’un module sur les théories de l’attachement, une définition de l’école maternelle comme lieu d’instruction ne laisse pas présager d’une formation qui prenne en compte le développement de l’enfant et l’ensemble des domaines qui ont fait la richesse des pratiques professionnelles en maternelle.

Quels changements pour les familles ?

L’obligation d’instruction, devenue force de loi, renforce considérablement une emprise du scolaire sur la vie des familles : exigences du rôle de « parents d’élève », attente de résultats précoces avec aussi l’usage de tout un marché du parascolaire, et surtout son poids au sein même des relations entre enfants et parents.
À des degrés divers, toutes les familles balancent entre l’importance de la réussite scolaire des enfants, ce qui ne veut pas dire que toutes répondent aux critères des « bons parents d’élève » aux yeux des enseignants, et la prise en compte de leurs singularités. D’où le développement actuel, dans des familles qui ont les moyens d’échapper à cette emprise, du « unschooling », d’instruction à domicile, la recherche d’écoles dites alternatives ou encore d’élites. Là où les milieux populaires sont bien plus désarmés pour faire face à une nouvelle forme de « police des familles », selon le mot de Donzelot. Outre ses orientations budgétaires en faveur des écoles privées, la loi ne peut qu’exacerber cette fragmentation sociale de l’offre.

Lire aussi :

- sur le site du Café pédagogique

- sur le site de Conversation France

- sur le site Les pros de la petite enfance

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