« Un éloignement du terrain »

Mis à jour le 24.03.19

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Entretien avec Hervé Duchauffour maître de conférences en sciences de l’éducation

Quel impact de ces EPLESF sur le premier degré ? 

Il y aura tout d’abord un impact sur le travail en équipe dans les écoles. Les nouvelles structures, très verticales, vont conduire à une dépendance beaucoup plus forte avec le collège. Par l’effet nombre et les jeux de pouvoir, les équipes du premier degré pèseront moins que leurs homologues du second, avec à leur tête le principal qui, naturellement, suivra plutôt la logique du collège. Cela met en péril ce qui existe dans le premier degré, comme la construction collégiale du projet d’école au plus près du terrain. Il y aura forcément un éloignement. Et sans favoriser forcément l’harmonisation écoles-collèges. Au contraire, dans de grandes structures c’est plus compliqué d’échanger et de travailler ensemble. Cela aura un impact aussi sur la liberté pédagogique car le principal, comme supérieur, aura un regard sur les méthodes, sur les pratiques. Enfin, il y aura un impact aussi sur le paysage éducatif, avec la disparition de petites écoles.

Et sur la direction d’école en particulier ? 

Qui sera cet « adjoint » en charge du premier degré avec un statut de personnel de direction ? Le directeur ou la directrice d’une des écoles ? Y aura-t-il un un concours ? Va-t-on sortir de la nomination par liste d’aptitude ? Il aura plusieurs écoles sous sa responsabilité et devra coordonner premier et second degré, ce sera une mission supplémentaire et pas des plus simples. Quelle sera sa présence physique dans les écoles ? Les recherches montrent l’importance de cette proximité pour animer le collectif, répondre aux familles. Il est évoqué une personne « référente » dans l’école. Est-ce que c’est elle qui va gérer le quotidien ? On touche là au cœur du métier de direction.

Qu’est-ce que cela dit des projets ministériels sur la direction d’école ? 

Si l’idée était de répondre à l’attente d’un « statut », ce n’est qu’une demi-réponse car ces établissements n’existeront qu’à la demande des collectivités. Cela va donc créer des différences d’organisation scolaire sur le territoire, bien loin de l’affichage d’« harmonisation ». Nos études sur les chefs d’établissement * montrent que ce n’est pas un titre qui règle les problèmes au quotidien. Cela peut au contraire créer des tensions. Dans les écoles, les avis divergent, certains pensent qu’un statut les rendrait plus légitimes mais beaucoup disent qu’ils n’en ont pas besoin pour assurer leur mission. Il aurait été plus intéressant de travailler sur les temps de décharge et les moyens humains donnés à la direction.

* Duchauffour H. « L’identité professionnelle des directeurs d’école primaire », Roaux C. « Le directeur d’école : un marginal au centre du système scolaire. »

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