J'écris donc je pense

Mis à jour le 17.11.21

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La production d'écrits, enseignement nécessaire dans la construction de la pensée de l'enfant

Alors que la place de la production d’écrits fluctue dans les programmes, chercheurs·ses et PE soulignent le rôle essentiel de cet enseignement complexe dans la construction de la pensée de l’enfant et la réduction des inégalités scolaires et sociales.

Si depuis Jules Ferry ou Célestin Freinet, la production d’écrits, transversale et transdisciplinaire, est considérée comme une question fondamentale à l’école, sa place dans les programmes scolaires a beaucoup varié au fil du temps. Depuis le début des années 2 000, les enseignant•es doivent se conformer à des prescriptions fluctuantes – et parfois contradictoires – concernant l’élaboration de textes écrits dans les apprentissages de maternelle et de l’élémentaire. De fait, cet enseignement se trouve aujourd’hui sous-dimensionné par rapport à la lecture et aux mathématiques et centré principalement sur le récit narratif. Les conséquences de ce désinvestissement sont perceptibles à la fois chez les PE et chez les élèves. Les personnels enseignants éprouvent le besoin d’être mieux formés à la production écrite et surtout de dégager davantage de temps pour apprendre à l’enfant à construire des textes traduisant et structurant sa pensée. Pour les élèves, il s’agit d’absorber une charge cognitive importante et complexe, de maîtriser de multiples savoirs simultanément et de surmonter en permanence des résultats qui peuvent être parfois vécus comme décevants. Faute de pouvoir répondre à ces difficultés, les inégalités et les écarts se creusent. Et ce, dès l’école primaire.
Face à cette situation, les recherches menées en sciences de l’éducation peuvent constituer des pistes permettant aux PE d’affiner leur pratique professionnelle. « Écrire, c’est tout à la fois maîtriser un geste physique et technique (graphier), maîtriser une langue et sa construction (l’orthographe, la grammaire…), mobiliser des connaissances, construire une pensée structurée, être créatif… », selon Nathalie Mons, présidente du Centre national d’étude des systèmes scolaires (CNESCO). « L’écriture est le plus puissant des moyens pour organiser et penser le monde », estime l’autrice Danielle Alexandre ajoutant que les écrits scolaires permettent à l’enfant d’apprendre à construire « une pensée ordonnée et un rapport exigeant au monde… ».

 EN CP, ON ÉCRIT DEUX FOIS MOINS QU’ON NE LIT

Cette étroite interrelation entre lecture et écriture est, par ailleurs, soulignée par le professeur des Universités Roland Goigoux, qui a piloté la recherche « Lire et écrire au CP ». Si les PE sont convaincus des apports de la production d’écrits sur la construction de la pensée de l’enfant, ils éprouvent toutefois souvent des difficultés à dégager le temps nécessaire pour ce travail essentiel. Ainsi, Roland Goigoux a observé que les élèves de CP écrivent presque deux fois moins qu’ils ne lisent. Selon une étude réalisée en 2016 par son équipe, 4 heures et 11 minutes sont consacrées par semaine à la lecture contre 2 heures et 23 minutes seule- ment pour les activités d’écriture. Seul un tiers de ce temps est dédié à la production écrite. « Il existe des études qui ont évalué l’effet, sur l’apprentissage de la production écrite, des différentes manières de l’enseigner, affirme le professeur Jacques Crinon. Un des enseignements est que les élèves progressent davantage quand ils écrivent beaucoup. Il est nécessaire que, dès le début, ils écrivent tous les jours et même plusieurs fois dans la journée ». Sur le terrain, les exemples visant à replacer la production d’écrits au cœur du travail pédagogique ne manquent pourtant pas. Ici, les élèves écrivent les mots d’imagiers, là, ils légendent une expérience scientifique. Ailleurs, ils produisent des articles pour un journal ou écrivent des twictées. L’expérience pédagogique conduite par Stéphanie Carricart, enseignante en petite section à l’école maternelle Marca à Pau (Pyrénées Atlantiques), démontre, pour sa part, que, dès trois ans, l’enfant peut appréhender l’écrit avant même de savoir lire, ni même tenir un crayon, former des lettres ou encoder. Dans la classe de CM1 de l’école de Roquefort-les-Pins (Alpes-Maritimes), les enfants sont invités à produire des textes poétiques sur le modèle des Haïkus japonais. « Le crayon à papier est un allié précieux pour oser se lancer, il met les enfants en confiance, indique l’enseignante Aurélie Brun. Ils savent que ce n’est pas définitif. On n’est pas en évaluation ». Pour Jacques Crinon, l’écrit est, en outre, un moyen pour l’enfant de mieux appréhender la société. « L’écrit marque une rupture avec le registre de l’expérience et de l’immédiateté et fait accéder à un rapport au monde plus distancié et réflexif, nécessaire aux apprentissages scolaires, observe-t-il. C’est un enjeu particulier si l’on veut réduire les inégalités socio-scolaires, certains enfants y sont familiarisés dans leur milieu familial, mais d’autres ont besoin de l’école pour le découvrir ».

Dossier 477 PG

LIRE ET ÉCRIRE, ENSEMBLE

Contre l’intuition selon laquelle l’apprentissage préalable de la lecture conditionnerait la rédaction écrite, la recherche montre comment lire et écrire sont pris dans une relation d’élaboration réciproque. Dès la maternelle, la pratique de l’écriture tâtonnante favorise l’appropriation du principe alphabétique. Elle est considérée comme un bon prédicteur pour l’apprentissage de la lecture par le Centre national d’étude des systèmes scolaires (CNESCO). Plusieurs recherches soulignent également l’étroite inter-relation entre lecture et écriture. Pour André Ouzoulias, professeur agrégé honoraire et psychopédagogue, «quand l’enfant est en situation d’émetteur, pour pouvoir exprimer sa pensée par écrit, il est conduit à s’approprier le langage écrit dans toutes ses dimensions.»* Écrire beaucoup, souvent et de manière diversifiée renforce ainsi les apprentissages. De même, passer du temps à planifier une tâche d’écriture puis revenir sur l’écrit produit améliorent significativement la compréhension des textes lus.
* Article pour le Nouvel Éducateur, disponible sur le site Alain Savary.

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