Délier les langues à l’école

Mis à jour le 04.09.19

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Pour de meilleurs acquis des élèves, la profession a besoin de formation et de ressources

Mauvais les élèves français en langues ? Pas si simple. L’enquête Cèdre réalisée en 2016 montre au contraire que le niveau a progressé ces douze dernières années. Mais cette progression est surtout visible en compréhension de l’écrit. Elle l’est beaucoup moins à l’oral. Elle montre aussi que les différences de niveaux restent très marquées par l’origine sociale des élèves, d’où l’importance particulière à accorder aux premières années d’enseignement toujours déterminantes dans le parcours ultérieur des élèves. Le ministre de l’Éducation nationale a annoncé un prochain plan pour mieux enseigner les langues vivantes au primaire. Pour l’instant il se contente de quelques conseils suggérés sur son site. Il y prône en particulier une pratique à raison de 20 minutes par jour. Cette inflexion pose déjà question. Comment faire quand dans la plupart des écoles l’enseignement des langues repose sur un échange hebdomadaire de services ? Comment doit s’y prendre un PE quand son cursus ne l’a pas préparé à cet enseignement ? « Le niveau pourrait être meilleur si la formation initiale des futurs professeurs des écoles était renforcée en langues étrangères », explique l’Inspectrice générale Chantal Manes-Bonnisseau, co-autrice d’un rapport remis au ministre en octobre. « Les enseignants sont démunis et ne se sentent pas légitimes car pas assez formés », ajoute-t-elle.

Besoin de formation

La formation, le Cnesco en parle aussi dans ses préconisations de mars suite à sa conférence de consensus. Il note avec satisfaction que depuis l’introduction des langues au primaire en 2002 le « retard institutionnel est désormais rattrapé par rapport aux autres pays » européens. En revanche, il déplore « un défaut de formation continue d’enseignants qui, à ce niveau d’enseignement, ne sont pas des spécialistes de cette discipline ». Cette remarque vaut pour les PE en classe avant l’obligation d’avoir le niveau B2 pour la titularisation. Elle vaut aussi pour la formation initiale car dans les faits, comme le souligne Marie-Ange Dat, spécialiste de l’apprentissage des langues à l’université de Nantes, des stagiaires arrivent à l’Espé « avec un niveau inférieur à B1 ». Du coup, précise-t-elle, « par manque de temps, nous sommes obligés de faire comme si tous avaient le niveau nécessaire et on se consacre à la partie didactique et pédagogique ». Les équipes de certaines écoles ont bien investi l’enseignement des langues vivantes étrangères, mais il y faut des conditions particulières. Au Mans (72), à l’école maternelle Léonard de Vinci, les élèves de moyenne et de grande section se disent bonjour dans les langues les plus parlées et dans celle de leur pays d’origine. « L'éveil aux langues que nous pratiquons, s'appuie et légitime les langues des familles. Nous organisons aussi des cafés des parents ». Dans cette école de REP + cette pratique est aussi un bon média pour faire rentrer les parents à l’école.

Répondre aux attentes

En élémentaire, l’académie de Grenoble expérimente le dispositif Emile (Enseignement d'une matière par l'intégration d'une langue étrangère). 18 classes fonctionnent en immersion bilingue. Certaines disciplines dites « non linguistiques », les maths ou l’EPS par exemple, sont enseignées en langue étrangère. C’est le cas dans le CM1-CM2 de l’école de Saint-Baldoph, près de Chambéry (73). Mais la réussite du dispositif tient à la fois au gros investissement de l’équipe, à l’expérience personnelle, au fait que les postes vacants soient prioritairement destinés à des PE quasiment bilingues. Reste que comme souvent, dès qu’il s’agit de ressources ou de formation, c’est surtout la débrouille qui prévaut. Le système D a encore de beaux jours devant lui semble-t-il. À moins que le plan promis par le ministre réponde à ces questions, qu’il explique comment faire une place aux langues quand on demande de se centrer sur les fondamentaux ? Jean-Michel Blanquer dispose de deux séries de préconisations en tout juste six mois. Le voilà bien éclairé. Pour être efficace, son plan devra apporter de vraies réponses aux attentes du terrain, notamment en matière de formation et de ressources. 

Les six pages du dossier

dossier langues

Un rapport en septembre, une conférence du CNESCO en mars, on n'attendait plus que le Plan langues du ministre. Il faudra encore patienter mais le site du ministère avance quelques pistes. Alors que les programmes en vigueur sont toujours ceux de 2015 et 2016, résolument tournés vers l'éveil à la diversité linguistique en maternelle et la communication orale, le ministère préconise : un « apprentissage » d'une première langue étrangère dès la maternelle, ce qui interroge car on était jusque là dans l'éveil. Par ailleurs sont prévues « des formations et des ressources nouvelles adaptées aux besoins des enseignants ». Il ne faudrait pas qu'elles deviennent de nouvelles injonctions. Comme annoncé sur le site, les langues étrangères redeviennent une option possible à l'oral d'admission du concours (arrêté du 8 avril 2019).

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