Terrains d'aventures

Mis à jour le 20.06.23

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À Villiers-le-Bel, l’aventure gagne du terrain

Au pied des immeubles du quartier de La Marlière, un terrain d’aventures accueille tout le monde, quel que soit son âge. Une philosophie qui séduit les PE.

Coups de marteau, bruits de scie, voix d’enfants se font entendre au pied de l’une des barres du quartier Puits La Marlière à Villiers-le-Bel dans le Val d’Oise. À la place de ce qui fut longtemps une décharge ouverte aux quatre vents, dans un petit bois qui jouxte les parkings de ce quartier classé politique de la ville - théâtre d’émeutes en 2007 - un terrain d’aventures (TA) accueille tout le monde sans limite d’âge, d’avril à fin juillet. « Nous voulions proposer une démarche originale autour d’une pédagogie active qui responsabilise les usagers du terrain, créé du lien et sensibilise au respect de la nature, explique Alain Sartori, chef de projet Agenda 21 à la mairie de Villiers-le-Bel et ancien directeur des Ceméa*Ile-de-France. En 2021, un groupement de chercheurs de TAPLA**, cherchait des sites pour expérimenter les TA. Nous avons saisi cette opportunité et choisi ce petit bois situé à l’entrée du Mont Griffard, qui fut longtemps une zone de non droit, un terrain délaissé ». Ce projet séduit d’emblée les habitants du quartier qui participent activement au nettoyage du terrain duquel plus de 7,5 tonnes de déchets sont évacuées. Container pour ranger le matériel, clôture symbolique, stock de bois (palettes, planches et tasseaux) servent à l’aménagement, à la construction de cabanes et autres activités du TA. « C’est un vrai lieu de vie évolutif, un espace de liberté majoritairement utilisé par les enfants de 6-12 ans, rapporte Alain. Mais c’est aussi investi par les parents qui participent à sa construction ou simplement se détendent à la terrasse pensée et réalisée à cet effet par les enfants avec l’aide des animateurs ». 

Lieu de rencontres et d'expérimentations

Cet espace de liberté a toutefois des règles. « L’activité est libre mais elle se réalise autour d’un cadre affiché, indique Antoine Cohet, directeur du TA. Notre travail consiste à créer les conditions d’une liberté pour permettre aux enfants d’expérimenter en prenant des risques mesurés ». Et pour cela, enfants comme adultes souhaitant utiliser un outil avec une dangerosité élevée, passent un permis. Pour Antoine, militant des Ceméa, il n’y a pas d’éducation sans prise de risque. « Cela permet d’identifier des limites et de ne pas avoir peur de tout, ajoute-t-il. Lorsque les adultes voient les enfants utiliser en autonomie marteaux, scies ou encore perceuses, ils sont dans un premier temps surpris, voire inquiets, car dans leurs représentations ce sont des outils pour adultes mais très vite ils se rendent compte de quoi sont capables les enfants ». Autonomie, mise en confiance, valorisation, responsabilisation d’adultes à enfants, d’enfants à enfants, une régulation naturelle se met en place. « Chaque permis est consigné dans un cahier où figurent prénom, genre, âge et le permis passé. C’est aussi un outil qui permet de mesurer la fréquentation du terrain d’aventures. L’an dernier, 1 555 passages de permis, 49% pour les garçons et 51% pour les filles », détaille-t-il avec fierté. Certains phénomènes sociaux de la cité – racisme, violences, discriminations diverses notamment à l’égard des filles – ne s’arrêtent pas aux portes du terrain d’aventures. Si celui-ci n’a pas pour objet la paix sociale, il participe à la déconstruction des discriminations par l’échange, la mixité et la pratique. Pour Fanta Diallo, animatrice munici-pale, cette liberté de choisir est essen-tielle. « J’ai grandi au Mali, là-bas les ou-tils sont pour les hommes. Les outils ne sont pas « diaboliques », il faut juste avoir la technique pour se lancer. » Si le rôle de médiation de l’équipe d’animation s’avère souvent compliqué, celle-ci ac-cueille les conflits, les gère et rappelle les règles construites collectivement pour vivre ensemble.

Une place pour les écoles 

Face au succès, la municipalité choisit d’ouvrir le terrain d’aventures aux écoles sur le temps scolaire. L’idée est qu’elles s’approprient la philosophie du terrain en veillant à ne pas être dans une posture de consommation. Chloé Roget, enseignante de CM1-CM2 à l’école REP+ de la Cerisaie, emmène ses élèves pour la deuxième année. « Ici, certains élèves ont une tout autre attitude, ils se révèlent, trouvent des passions, prennent confiance en eux, s’investissent ». Sur place, des élèves s’occupent de l’accueil ou du magasin, quand d’autres se dispersent sur le terrain pour faire de la peinture, des jeux calmes, de la balançoire ou du sport avec des équipements conçus par et avec les enfants. Mais c’est la construction de cabanes qui rencontre le plus de succès. Saido et Ais-seta distribuent les outils en vérifiant bien le cahier des permis. Moustafa prend des gants et des lunettes pour son ami Ernest afin d’être protégé. Ici, Yacine vient en aide à Ayat et Chatursija pour porter une palette, là Gerkens essaie de scier une planche. À l’entrée, Yossra et quatre de ses camarades passent leur permis « visser » avec Antoine. « Wahou ! Je ne m’attendais pas à ça, c’est hyper pensé et en même temps très brut », s’exclame Élodie Dillengerseger, enseignante de CM2 découvrant le lieu. Etonnée par leurs capacités à construire, à utiliser les outils, elle prend un grand plaisir à voir ses élèves s’organiser et coopérer. « L’objectif est aussi que les élèves reviennent en famille car beaucoup ne connaissaient pas le lieu », conclut Élodie. Un pari qui sera sans doute gagnant tant les élèves en repartent enchantés.
*Centre d’entraînement aux méthodes d’éducation active **Des terrains d’aventures du passé/pour l’avenir

FsC 491 Les terrains d'aventures

Une charte pour les terrains d'aventures 

Libre accès, gratuité, jeu et activité libres, sont les principes clés des TA. Dans une optique d’accueil inconditionnel, chaque personne, quels que soient son âge, sa classe sociale, son genre, ses origines, sa couleur de peau ou sa validité, peut aller et venir. Aucune inscription préalable n’est nécessaire. Il ne s’agit pas d’un mode de garde et l’équipe ne peut contraindre les usagers à rester sur le site.

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