Recueillir la parole

Mis à jour le 26.05.21

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Interview de Muriel Salmona, psychiatre et psychotromatologue.

Une fille mineure sur cinq et un garçon mineur sur treize subissent des violences sexuelles. Dans 50 % des cas, elles sont incestueuses.

muriel salmona

Muriel Salmona est psychiatre, psychotromatologue, présidente de l’association Mémoire traumatique et victimologie.

Quels impacts sur les enfants victimes d’inceste ?

Pour ces enfants victimes, souvent la famille n’est pas un recours. Le ou les agresseurs organisent une loi du silence, menacent, manipulent, font comme si ce qui était arrivé n’existait pas. Cela donne à cet enfant un sentiment d’irréalité, de dissociation et de culpabilité. L’école peut jouer un grand rôle en identifiant les problèmes et en faisant des signalements. Pour cela, il faudrait un dépistage systématique dans les établissements scolaires et une formation des personnels.

Quelles sont les conséquences pour la scolarité des enfants ?

Si l’enfant est en état de choc, il est en dissociation traumatique : son cerveau le déconnecte au niveau émotionnel. Il va être en mode automatique et n’aura pas forcément de troubles du comportement marqués. Il ne sera pas forcément en échec scolaire. La mémoire traumatique peut conduire un enfant à développer d’autres symptômes plus visibles. Cela se traduira par des crises d’angoisses, maux de ventre, maux de tête, pleurs, troubles du sommeil, cauchemars, colères, agressivité et troubles alimentaires. Les conduites dissociantes correspondent à des comportements que les enfants développent pour anesthésier leur mémoire traumatique. Ils ont des conduites à risques et se mettent en danger. Ils jouent à des jeux dangereux et exercent des violences contre les autres. Ils peuvent tenir des propos obscènes ou avoir des comportements sexués à l’encontre d’autres enfants.

“Si l’enfant a été entendu par quelqu’un et qu’il a ressenti de l’empathie, cela change tout pour lui.”

Comment aborder le sujet au primaire ?

L’éducation sexuelle et l’éducation au consentement se font au collège car à l’école primaire, les enfants ont très peu d’éléments pour comprendre ces notions. Mais, ils sont en capacité de comprendre et de repérer ce qu’est une violence. Souvent les adultes agresseurs vont masquer la violence en mettant en scène des jeux. L’enfant est confronté à une situation paradoxale où l’adulte semble rire. Mais l’enfant ressent un malaise, voire de la terreur. Ses sentiments sont contredits par ce que fait l’adulte. Les enseignants doivent donc travailler sur ce que ressent l’enfant, les impressions, la mise en scène. Certaines campagnes de prévention sont axées sur le consentement « ton corps t’appartient », « tu peux dire non ». Dans le cadre de violences, ça ne marche pas. Car l’enfant va être sidéré et n’aura aucune possibilité de dire non ou de se défendre physiquement. Et s’il ne dit pas non, on lui fait porter une responsabilité qu’il n’a pas à porter.

Les PE ont le droit de recueillir la parole d’un enfant ?

Oui. C’est de la responsabilité de chacun. Un PE est un citoyen, il doit recueillir la parole d’un enfant qui a été violenté. Rien ne le lui interdit. C’est parfois le seul moment où cet enfant va exprimer les choses. Car dès que la machine judiciaire se met en marche, l’enfant va être interrogé, de plus en plus sollicité et impressionné. Le PE a un lien privilégié avec l’enfant, il doit juste noter le plus précisément possible ce que dit l’enfant.
Il faut savoir que 69 % des enfants mettent plus de 12 ans avant de pouvoir parler. Dans 75 % des cas, ils ne sont pas entendus car aucune trace écrite n’a été gardée. 74 % des plaintes sont classées sans suite en France. Or si l’enfant a été entendu par quelqu’un et qu’il a ressenti de l’empathie, cela change tout pour lui.

Quel doit être le juste positionnement pour un PE ?

Lorsqu’on repère un problème, il faut prendre des notes car il y a souvent une déperdition des informations. Il faut renvoyer à l’enfant que son comportement traduit une souffrance. On peut lui demander si quelque chose le fait souffrir, le rend malheureux. Et inciter alors l’enfant à dessiner, mimer, montrer, écrire. L’enfant dissocié a des doutes et un sentiment d’irréalité. Il faut lui montrer qu’il n’est pas seul. L’enseignant doit rester naturel. Il n’y a pas de protocole mais il faudra faire un signalement.

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