Harcèlement : un projet d'école

Mis à jour le 09.12.20

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Reportage à l’école René Rucklin de Belfort autour du harcèlement scolaire

À l’école René Rucklin de Belfort, les séances autour du harcèlement scolaire concernent toutes les classes en ce début d’année.

« Quelle est la situation de harcèlement qui est décrite dans cette saynète ? », interroge Anne-Lise Roussey, la coordonnatrice du réseau Rep auquel appartient l’école René Rucklin de Belfort (Territoire de Belfort). Quelques mots de discussion avec la classe de CM1 et CM2 pour se remettre l’histoire en tête avant de passer à la mise en voix. Il est question de Léa qui va harceler Samia. Samia ressent de la tristesse mais elle n’ose rien dire. « Pourquoi est-ce du harcèlement ? », poursuit l’enseignante. « Léa le fait tout le temps. Mais Samia s’en sort avec Gary et la maîtresse », répond Anis. « La maîtresse va lui donner un bon conseil », complète Thara. Une situation de harcèlement, une histoire vraie tirée du livre d’Emmanuelle Piquet, Le harcèlement scolaire, car « les mots peuvent blesser aussi fort que des couteaux », explique Anne-Lise. Ludovic Rihn le maître et la coordonnatrice précisent quelques éléments de travail aux élèves. Trois groupes de travail, distribution des rôles… en scène, comme une mise à distance.

reportage harcelement

Avec les parents

C’est un projet qui fédère, un cadre bienveillant que propose Sylvain Obholtz à l’équipe, mais aussi aux parents et aux élèves, quand il prend la direction de l’école en septembre 2013. « La couleur Rucklin » est un projet global pour reconstruire l’école et répondre à une problématique de climat scolaire dégradé avec un pilotage plus collectif », explique Géraldine Tapie, enseignante en CP dédoublé. « C’est aussi l’accueil de la parole des enfants et des parents ». S’ensuivent un stage d’école par l’OCCE, des stages sur la communication non violente et une harmonisation des pratiques.
Dans cette école de la cité Les Résidences, les « messages clairs » sont mis en place dès le CP. Ils permettent, quand le conflit n’est pas trop grave, que les élèves se rencontrent, verbalisent leurs émotions et réfléchissent ensemble à une réparation. « Depuis 2012, nous avons mis en place des débats philosophiques dans l’école », indique Charlotte Thiriat. « On a préparé des séquences, des progressions pour tous les niveaux ». Après « A-t-on le droit de tout dire ? », cette après-midi, ce sera « C’est quoi le respect ? » dans sa classe de CE2-CM2. « Nous avions des cohortes assez difficiles et l’idée a germé de faire venir les parents le plus souvent possible dans l’école », relate Noémie Richard, une autre enseignante de l’école. Lors des défis mathématiques ou français, mais aussi en récréation ou sur des temps de classes ouvertes, pour observer une séance et en parler. Des « discut-café » sur le harcèlement sont organisés pour recueillir l’avis des parents mais leur permettre aussi de faire la part des choses.

Projet clé en main

Anne-Lise Roussey et Laurine Petrequin pilotent le projet harcèlement 2020 pour les deux écoles élémentaires du réseau. Conseillées par Cathy Weber, la psychologue, elles ont conçu un projet clé en main par niveau. « L’action harcèlement est un des volets du projet « La couleur Rucklin » », commence-t-elle. « Le projet, renouvelé dans ses actions, a été validé en conseil des maîtres, ajoute Anne-Lise. Toute l’école participe à la journée de lutte contre le harcèlement. Après, nous travaillons avec les volontaires ». Pendant toute la semaine, par niveau, les élèves sont venus coller sur une grande silhouette dans la cour, leur mot en réponse à la question « Et si je te dis harcèlement, à quoi tu penses ? ». Cette première étape de réflexion sera suivie dans les semaines suivantes de propositions de travail. Sur le vocabulaire du harcèlement, des émotions à l’aide d’une petite vidéo « Le cartable harcelé » et avec production d’affiches pour le cycle 2. Identification de situations de harcèlement, travail autour d’une saynète pour une lecture interprétée ou jouée, pour le cycle 3.

Mise en place de médiateurs

« Le livre d’Emmanuelle Piquet propose des situations concrètes, mais aussi des phrases clés pour que les élèves harcelés puissent s’affirmer face à leur harceleur », analyse Anne-Lise. « Les harcèlements dans l’école se limitent souvent à un problème de goûter ou de rejet d’un élève. Nous n’avons pas observé de « décrochage scolaire » lié au harcèlement comme parfois en collège. Mais nous essayons de faire vivre l’action tout au long de l’année, d’actualiser les situations ». La carte mentale du harcèlement synthétise en trois pôles _ victime, harceleur, témoins _ ce qu’il faut faire ou ne pas faire. Pour Boban Ristovski, l’actuel directeur en charge d’une classe à mi-temps, la poursuite du projet se traduit par la mise en place de médiateurs capables de gérer les conflits simples entre élèves. Ils sont formés par l’OCCE à prendre la parole, à évaluer la gravité des conflits. Une implication profitable à tous les élèves, et particulièrement aux plus en difficulté. Des projets à adapter aux élèves, à remobiliser constamment car le climat scolaire n’est jamais définitivement acquis.

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Caroline Veltcheff est IA-IPR Établissements et vie scolaire. Experte nationale Canopé sur le climat scolaire.

C’est quoi le harcèlement à l’école ?

Il a été défini par un ensemble de recherches comme des micro-violences répétées, dont la plus quotidienne est la violence entre pairs. Pendant longtemps, on a considéré les violences paroxystiques, mais cette répétition, difficile à percevoir car à hauteur d’enfants, est une révolution dans la prise en compte des violences.

Où en est-on ?

Depuis 2011, des campagnes nationales de sensibilisation ont lieu tous les ans pour que tous prennent conscience du phénomène. Ont suivi la mise en place de toute la procédure de signalement et de traitement de situation, l’inscription de la notion de harcèlement dans le code de l’éducation, mais aussi comme indicateur dans les dialogues de gestion des académies. Un numéro vert a été créé, ainsi que des référents harcèlement et des formations mises en place. Le prix « NON au harcèlement » a quant à lui pour objectif d’impliquer les témoins qui représentent 90% des jeunes. Lors de la première enquête nationale de 2011, globalement 10 % d’enfants se disaient harcelés, ils sont 7 % dans la dernière.

Comment l’éviter ?

Après les enquêtes locales effectuées par les établissements, la difficulté est de construire un plan d’action cohérent qui permette d’agir sur le climat scolaire et d’accompagner les victimes, les harceleurs et les équipes. Le harcèlement se nourrit toujours d’un prétexte et les académies ont investi dans la médiation et dans un programme de prévention systémique qui s’appuie sur la coopération entre élèves, entre adultes, sur les attendus du vivre-ensemble et la co-éducation avec les familles. L’objectif est bien de lutter contre toutes les formes de violence ou de discrimination.

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