Ecole-collège

Mis à jour le 12.05.23

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Une liaison compliquée

Alors que le statut est désormais similaire pour les personnels enseignants de l’école et du collège, la continuité et le suivi des élèves entre les deux degrés d’enseignement, inscrits dans les textes, tardent à s’installer.

Au commencement de la République étaient l’école, chargée d’une instruction publique minimale ouverte à tous et le lycée, pré carré des savoirs académiques, réservé à une élite. Suite au plan Langevin-Wallon de 1947, le débat autour de la scolarisation des 11-15 ans fait rage. Il est réglé par René Haby qui crée, en 1975, le collège unique inscrit dans la culture du secondaire avec une spécialisation disciplinaire et l’objectif sous-jacent de poursuite d’études. Un choix éducatif pas toujours compatible avec la volonté généreuse d’accueillir tous les élèves et qui génère les premières difficultés de continuité entre école et collège, renforcées par les parcours de formation différents des personnels qui y exercent. La création des IUFM et du statut de PE en 1989 initie une unification du corps des enseignantes et enseignants des deux degrés. Cette évolution se poursuit jusqu’à aujourd’hui avec des grilles de déroulement de carrière désormais quasi-identiques grâce à l’action des syndicats du premier degré dont la FSU-SNUipp en première ligne. 

Un passage délicat

Malgré cela, la constitution d’une culture commune est encore à construire. Car, du côté des élèves, le passage entre le CM2 et la sixième reste compliqué tant les changements d’organisation sont importants : éloignement de leur domicile, effectifs plus élevés, changements de classe et de professeur selon la discipline, présence d’adultes de statuts différents. 

Pour celles et ceux qui sont en difficulté scolaire ou en situation de handicap, le suivi n’est pas toujours au rendez-vous. Au plan pédagogique, les méthodes, les contenus, les dispositifs d’évaluation représentent également des nouveautés. Pour toutes ces raisons, la continuité école-collège est bien une question éducative centrale pour quiconque vise la réussite de toutes et tous. 

En 1977, le ministère incite pour la première fois à la concertation entre les personnels enseignants des deux degrés. Les commissions d’entrée en sixième apparaissent en 1979. En 2006, le socle commun de connaissances et de compétences et le livret personnel de compétences (LPC) proposent un cadre pédagogique commun. 

La loi de refondation de l’école de 2013 actuellement en vigueur conserve ce socle et préconise l’évaluation par matières et par compétences consignée dans un livret scolaire unique (LSU). Elle prévoit, par ailleurs, la tenue régulière d’un conseil école-collège qui réunit personnels des premier et second degrés, principal de collège et IEN. Il est chargé de déterminer un programme d’actions pour l’année scolaire (projets pédagogiques communs, échanges entre enseignants volontaires). En 2015, les parcours culturel, citoyen et d’éducation à la santé sont également mis en place et l’année suivante la sixième est intégrée au cycle 3 dit de consolidation qui débute en CM1.

Des freins qui perdurent

En dépit des projets qui se développent, ce cadre institutionnel peine à installer de façon durable et systématique une véritable continuité école-collège, comme le relevait en 2016 le dernier rapport de l’inspection générale sur la question. Si les IG pointent « des actions nombreuses », elles leur apparaissent « insuffisamment évaluées ». 

D’autres freins sont évoqués : la caractéristique des réseaux écoles/collèges (dispersion des écoles en milieu rural, classes à plusieurs niveaux, géographie des circonscriptions), la difficulté à faire vivre des instances (déplacement des personnels, programmation en fonction de leurs horaires de travail) qui souvent apparaissent vides de sens et enfin les obstacles liés « aux différentes cultures professionnelles » et « à une représentation partielle de la notion de continuité et de cycle ». Depuis ce rapport, rien n’indique que les choses aient véritablement évolué. Formations en commun, horaires spécifiques rémunérés pour les PE et budgets dédiés à la question sont toujours inexistants et la priorité du ministre actuel semble plutôt d’utiliser les PE pour des actions de soutien au collège.

FsC 489 Ecole-collège ©MILLERAND-NAJA

3 QUESTIONS...

Virginie Volf VOL est docteure en sciences de l’éducation, chargée d’appui aux projets de recherches collaboratives (Réseau des LéA-IFÉ de l’ENS de Lyon)

FsC 489 Virginie Volf

Quels sont les enjeux éducatifs de la continuité école-collège ? 

Il s’agit de favoriser la réussite des élèves en les préparant aux changements d’organisation du collège tels que le nombre de classes, le changement d’enseignants et la spécialisation disciplinaire. Mais aussi assurer la transmission des informations utiles à leur scolarité : repérer ceux qui sont en difficulté et nécessitent un suivi spécifique. Plus largement pour le système éducatif, l’enjeu est d’échanger entre enseignants pour s’enrichir des différences et ainsi dépasser la distinction premier-second degré qui, si elle est marquée historiquement, l’est très peu dans les pratiques pédagogiques comme je l’ai constaté dans mes travaux.
(Virginie Volf est auteure d’une thèse sur les identités professionnelles et les cultures pédagogiques des professeurs des écoles et des collèges)

Quels sont les freins au bon fonctionnement des dispositifs actuels ?  

Il reste des difficultés de communication entre les deux degrés d’enseignement et malgré des dispositifs conçus comme paritaires, le collège a souvent la mainmise sur ceux-ci. Par exemple, le conseil école-collège se déroule dans les collèges et les prises de paroles y sont beaucoup plus nombreuses du côté du principal et des professeurs de collège que de celui de l’IEN et des PE. De plus, les conditions de la collaboration comme le temps de travail, la rémunération et l’organisation concrète des rencontres, ne sont pas suffisamment prises en compte.

Comment dépasser ces difficultés ? 

Il est important d’établir un dialogue constructif d’égal à égal entre PE et PLC. Le conseil école-collège pourrait être ponctuellement délocalisé dans les écoles, donner de fait un rôle plus important aux inspecteurs et aux PE. Cela passe aussi par une formation de tous les acteurs au rôle et aux modalités de cette collaboration. Il y a également un travail à faire pour sortir des représentations datées. Pour se comprendre, travailler ensemble, il faut se construire des récits communs, des expériences partagées. Sans surcharger le temps de travail, on pourrait favoriser les échanges entre enseignants volontaires, autoriser les PE à s’absenter pour observer, participer aux cours du collège, proposer davantage de formations communes inter degrés, des projets communs…

FsC 489 Ecole-collège ©MILLERAND-NAJA

ZOOM : Les PE au secours des collèges ?  

Dans un communiqué publié début janvier, le ministre Pap Ndiaye a formulé des vœux pour améliorer la transition entre école et collège qu’il qualifie de « brutale ». C’est une nouvelle 6ème que le ministre prétend construire « dans la continuité des actions engagées à l’école primaire » même si pour cela, il reprend les vieilles recettes de son prédécesseur sur l’indispensable « maîtrise des savoirs fondamentaux ». 

 À cette fin, le ministre compte organiser des interventions de PE en 6e et « une heure hebdomadaire de soutien ou d’approfondissement en mathématiques ou en français autour des compétences clé ». Pap N’Diaye invite également à « prendre en compte le jeune âge des élèves à l’entrée au collège » en sécurisant l’espace scolaire et en renforçant les activités culturelles et sportives. Aucune précision pour le moment sur l’organisation et le financement de la mise en œuvre de ces mesures prévues à la rentrée 2023. Elle s’annonce d’ores et déjà compliquée au regard du temps de travail des PE consacré à leurs propres élèves, au travail en équipe et des distances parfois significatives qui séparent écoles et collèges. La FSU dénonce « des mesures cosmétiques loin des urgences du système éducatif ».

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