Uniforme : un marqueur idéologique fort

Mis à jour le 26.01.24

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Lors de son intervention télévisée du 16 janvier dernier, le Président Macron a annoncé la mise en place  du port de l’uniforme dans 100 établissements scolaires à la rentrée 2025, en vue d’une potentielle généralisation à la rentrée 2026. Depuis, une carte des communes volontaires a été publiée à la grande surprise parfois des parents et des enseignant·es concerné·es. Cette expérimentation permet de flatter les franges réactionnaires et conservatrices mais, comme l’a démontré largement la recherche, qui ne permettra pas de résorber les inégalités.

Une vision conservatrice, passéiste et mythifiée de l’école

Cette annonce, déjà formulée par Gabriel Attal lors de son passage éclair au Ministère, est un marronnier issu d’une certaine vision de l’école. Cette proposition, qui revient comme un mantra de la droite et de l’extrême droite, figurait déjà dans le programme de François Fillon, candidat des Républicains en 2017, mais également dans ceux du RN comme du FN avant lui… Les députés RN allant même jusqu’à proposer un projet de loi sur le port de l’uniforme, proposition rejetée en janvier 2023 par l’Assemblée Nationale.
A l’heure actuelle, il n’a cours que dans des établissements essentiellement privés qui sélectionnent leurs élèves (type collèges/lycées militaires) ou dans les Antilles ou en Guyane.
Le port de l’uniforme est revendiqué comme un élément permettant d’invisibiliser les inégalités sociales et de répondre à une volonté d’imposer l’ordre à l’école …
Alors que l’uniforme n’a jamais eu cours en France (en primaire, n’étaient portées que des blouses non identiques pour ne pas se tacher), cette volonté de “grand retour” montre une vision mythifiée de l’école d’autrefois.

Une non réponse aux inégalités

Pourtant, l’uniforme n’efface ni les inégalités sociales ni les inégalités scolaires.

Son effet sur les inégalités sociales est en effet inexistant. L'origine sociale s’exprime à “d’autres endroits” ( accessoires ou chaussures par exemple) mais aussi par les pratiques sportives ou culturelles en dehors de l’école. Par ailleurs, en France les inégalités n’existent pas seulement au sein des écoles mais aussi entre les écoles.
Dès lors le port de l’uniforme, loin de masquer les inégalités scolaires, pourrait au contraire les visibiliser entre territoires. Testé en 2018 dans cette optique dans la commune de Provins, en Seine-et-Marne, l’uniforme a ainsi été abandonné.
Quant aux effets sur les apprentissages des élèves, une étude à grande échelle a été menée par le sociologue américain David Brunsma sur sa mise en place aux USA. Ses conclusions sont sans appel : l’uniforme ne permet pas d’améliorer les apprentissages chez les élèves.

Par ailleurs, une expérimentation menée durant un an, alors que les effets d’une politique éducative doivent se mesurer sur le long terme, questionne, comme le rappelle Michel Tonnelier, sociologue spécialiste de cette question, qui confirme l’ineptie de ce choix. Mais Emmanuel Macron n’a-t-il pas déjà donné les conclusions de l’expérimentation en affirmant le soir de sa conférence de presse : “La tenue unique qui a donné lieu à tant de débats ces derniers mois dans notre pays et qui efface les inégalités entre les familles en même temps qu’elle crée les conditions du respect, sera expérimentée dès cette année dans une centaine d’établissements, tous volontaires.”

On est donc soit dans la croyance soit dans le symbole de la part de l’exécutif.C’est inquiétant ! Et cela ne saurait être une politique éducative digne de ce nom.

Les premiers concernés pas informés

Suite à la parution de la carte de l’expérimentation dans la presse, la plupart des équipes pédagogiques et des parents concernés ont découvert que leur école était concernée. Cela a provoqué des réactions de part et d'autre. Des questions légitimes se posent : comment la décision doit être prise ? Doit-il y avoir un vote en conseil d’école ? Que se passera-t-il si les parents ou les élèves refusent de porter l’uniforme ? Dans certains endroits, des mobilisations s’organisent, amenant certains maires à renoncer au projet.

Des moyens plutôt que des uniformes

Qu’elles soient scolaires ou sociales, pour la FSU-SNUipp il n’est pas question d’invisibiliser mais de combattre les inégalités. Alors que le coût de cette mesure se chiffrerait en milliards d’euros (12 millions d’élèves, avec un coût estimé à 200 euros par élève partagé entre État et collectivité), il est inacceptable que cet argent soit gaspillé de la sorte pour des effets d’annonce et de communication. Dans le débat actuel du financement des écoles, il apparaît plus que légitime que les fonds soient utilisés pour réellement faire fonctionner l’école publique et la réussite des élèves. C’est notamment le recrutement d’enseignant·es qui permettra de baisser les effectifs par classe et améliorera les conditions d’apprentissage des élèves. Il est clair qu’en parlant d’uniforme, on occulte le vrai débat d’une politique éducative ambitieuse. Cette annonce de l’expérimentation sonne bien comme une provocation pour les personnels de l’éducation.

A titre d’exemple , l’annulation des 650 postes dans le 1er degré coûterait bien moins cher et aurait, elle, un impact avéré sur la réussite des élèves !