« L’évaluation dans tous ses états » !

Mis à jour le 22.09.23

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À l’heure où les élèves de CP, CE1, CM1 sont soumis aux évaluations nationales déployées par le ministère, la FSU-SNUipp a tenu un colloque sur l’évaluation les 18 et 19 septembre 2023.
Deux journées denses et riches qui ont permis de croiser les résultats de la recherche, les apports des mouvements pédagogiques, et l’expérience de la profession sur cette question centrale.

Guislaine David, porte-parole et co-secrétaire générale, a introduit ces deux journées sur l’évaluation. Elle a rappelé la complexité de cette rentrée, avec un nouveau ministre et une équipe ministérielle complètement déconnectés de la réalité.
Un ministre qui ne communique pas sur les sujets attendus par l'École (effectifs, AESH, inclusion, formation…) mais multiplie les annonces et les coups de communication. Alors qu’au même moment l’OCDE confirme ce que porte le syndicat depuis des années.

Dans le cadre de sa campagne “Réinventer notre métier”, la FSU-SNUipp a choisi la thématique des évaluations. Un sujet au cœur de nos pratiques : les évaluations permettent d’identifier les acquis et les progrès des élèves. Mais les évolutions récentes, avec la généralisation et le développement d’évaluations nationales standardisées, nécessitent une nouvelle approche. Il était donc nécessaire d’interroger les pratiques évaluatives et leurs objectifs.

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À quelles conditions l’évaluation est-elle utile aux apprentissages ? La dernière conférence de consensus du CNESCO de novembre 2022, dont a rendu compte Jean-François Chesné, éclaire sur le rôle décisif de l’évaluation en classe, souvent informelle et conduite au plus près du processus d’apprentissage, dans les progrès des élèves.
Une table-ronde rassemblant Cécile Allard et Morgane Beaumanoir-Secq, respectivement didacticiennes en mathématiques et en français, Stéphane Bonnéry, sociologue des apprentissages et Agnès Dumand, maitresse spécialisée de RASED en Gironde a permis de faire le point sur les obstacles didactiques, psycho-affectifs, sociologiques et tributaires de la forme scolaire auxquels les enseignant·es doivent être attentifs dans l’acte même d’enseigner pour garantir l’effectivité des apprentissages.
Des ateliers animés par trois mouvements pédagogiques, le GFEN, ICEM-pédagogie Freinet et les CRAP, ont permis aux participant.es d’éprouver différentes manières de faire de l’évaluation au quotidien un outil d’étayage des élèves, de l’évaluation au fil des apprentissages à l’évaluation par les pairs.
Sébastien Goudeau a lui montré le poids des évaluations normatives sur les capacités attentionnelles des élèves dès le plus jeune âge, créant un véritable handicap pour celles et ceux qui appartiennent à des groupes sociaux réputés “moins compétents” que les autres : ou comment les évaluations peuvent être un redoutable facteur de tri social des élèves, malgré la bienveillance de leurs enseignant.es.

Les évaluations nationales du ministère répondent-elles au cahier des charges d’une évaluation au service des apprentissages ? Non. Loin s’en faut. Le chercheur Xavier Pons, dont les travaux portent sur les transformations des modes de gouvernance en éducation, les réformes des administrations scolaires et leurs influences sur les professionnalités des acteurs de l’éducation, a résumé « la politique du puzzle » à l’œuvre, dans laquelle l’évaluation imposée (des élèves mais aussi des écoles et établissements), est l’outil d’un pilotage qui dépossède les acteurs et actrices de terrain de leur pouvoir d’agir.

Les évaluations nationales sont par ailleurs un outil de pilotage s’intégrant parfaitement dans le processus de contractualisation des moyens décidé depuis longtemps au plus haut sommet de l’État.
Elles dépossèdent les acteurs et actrices de terrain de leur pouvoir d’agir, en instaurant “une bonne pratique” à l’opposé de la liberté pédagogique et niant la professionnalité des enseignant·es qui connaissent leurs élèves. Les comparaisons internationales invitent pourtant à d’autres choix. La Finlande illustre le fait qu’il est possible d’évaluer sans classer, et que la réussite du système éducatif, comme l’attractivité du métier, reposent aussi sur le respect d’une très forte professionnalité enseignante. Pendant ce temps, la France fait partie des pays les plus inégalitaires de l’OCDE en termes éducatifs, et s’enferme dans un renforcement des apprentissages dits « fondamentaux » en rupture avec les choix faits par d’autres pays plus égalitaires. Elle persiste depuis plus de 20 ans dans l’individualisation des parcours et des apprentissages, alors même que cette orientation creuse les inégalités. 

La FSU-SNUipp réitère sa demande d’abandon d’évaluations nationales, qui ne répondent pas aux difficultés d’apprentissage et qui ont pour conséquence une mise sous contrôle des pratiques enseignantes et la contractualisation des moyens.
Rien ne saurait se substituer à l’analyse par les enseignantes et enseignants des procédures de leurs élèves et à la mise en œuvre de situations d’apprentissage permettant de dénouer au fil des jours les obstacles à la construction d’une culture commune émancipatrice… Pour cela, il faut une formation solide et des pratiques collectives pour renforcer les compétences et la légitimité des PE, à l’opposé de la politique éducative actuelle.

Les Replay :

Jean-François Chesné, coordinateur exécutif du Centre national d'étude des systèmes scolaires (Cnesco), professeur agrégé de mathématiques et docteur en didactique des mathématiques est intervenu au sujet des évaluations en classe au service des apprentissages.

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Sébastien Goudeau, chercheur en psychologie sociale à l’Université de Poitiers a mis l’accent sur “Les évaluations normatives et la menace du stéréotype”. 

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Xavier Pons, professeur des universités en sciences de l’éducation, a fourni une analyse de la politique éducative actuelle qu’il décrit comme une politique du puzzle.

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