Catherine Brissaud est professeure de sciences du langage à l’université Joseph Fourier de Grenoble. Elle est membre du Laboratoire Linguistique et Didactique des Langues Etrangères et Maternelles (LIDILEM). Ses travaux de recherche portent sur l’acquisition et l’enseignement du français écrit.
Elle a été clairement mise en évidence à la fois par une étude de la DEPP qui porte sur la période 1987-2007 et par les travaux de Manesse et Cogis parus à la même époque. C’est surtout le domaine grammatical qui pose problème, notamment tout ce qui est accords et homophonies verbales. Il faut donc accepter cette baisse de niveau. La responsabilité de l’école si elle est engagée doit être partagée. On lui demande toujours plus de choses en moins de temps et il ne faut pas oublier que l’école accueille aujourd’hui tous les élèves, ce qui n’était pas le cas il y a 50 ans. C’est donc à la société dans son ensemble d’assumer ce problème en considérant le prix à payer pour faire acquérir aux élèves une orthographe qui est l’une des plus complexes au monde. Les enseignants doivent accepter
l’idée qu’ils ont à relever
un véritable défi sur la
durée. Car les recherches
ont également montré
qu’il fallait au moins 10
ans pour acquérir l’orthographe. Les élèves continuent à apprendre l’orthographe jusqu’à la fin du collège et on ne peut exiger que les difficultés soient réglées à l’entrée en sixième.
L’objectif pourrait être d’apprendre progressivement aux élèves à contrôler l’orthographe dans leurs propres textes. Apprendre à repérer les contextes qui, à coup sûr vont provoquer des erreurs, apprendre à se questionner sur ses propres choix graphiques concernant l’accord sujet-verbe, l’homophonie verbale... Un certain nombre de choses qui ont été assez bien pointées dans les nouveaux programmes. Le travail de production d’écrit, en lien avec la lecture, doit être initié dès le CP, et préparé en maternelle. L’attitude de vigilance et de questionnement peut être mise en place dans les activités d’encodage dès le CP.
Le politique ne doit pas nous empêcher de penser le didactique. La dictée peut être un outil pour apprendre si elle ne se résume pas à une simple évaluation. Il y a de nombreuses déclinaisons didactiques qui permettent de faire de la dictée un vrai moment d’apprentissage et les enseignants sont en la matière très inventifs. Oui à une dictée qui soit un moment de réflexion individuelle et de partage collectif et qui ne donne pas mal au ventre aux élèves ! La phrase dictée du jour est un bon exemple pour aller chercher les conceptions des élèves qui font obstacle aux apprentissages. L’enseignant choisit une phrase en fonction des difficultés de ses élèves. Chacun d’entre eux est invité à l’écrire individuellement. On recueille ensuite au tableau toutes les graphies produites. L’enseignant sélectionne un certain nombre d’entre elles et invite les élèves à justifier les écritures produites, l’objectif étant d’éliminer les graphies erronées. Il existe de nom breuses activités de ce type, dont des outils sur ordinateur [CD rom dictées codées CRDP de Grenoble], l’idée en fait, c’est de varier les plaisirs.
Ça peut être un moment et une étape dans l’apprentissage mais ça ne suffit pas. Lorsqu’on demande à un élève de choisir entre deux réponses, il a une chance sur deux de réussir et n’est pas obligé de se mobiliser plus que ça. S’agissant d’un apprentissage complexe comme l’orthographe, il faut en permanence se demander comment obliger les élèves à se poser des questions.
Les enseignants ont besoin de temps pour dépasser un certain nombre de représentations liées à leur propre parcours scolaire mais aussi à l’image de l’orthographe dans la société. Le temps court de la formation initiale, hier comme aujourd’hui, ne suffit pas. Il me semble donc que la formation continue devrait prendre le relais de la formation initiale afin que les enseignants puissent faire leur chemin en étant accompagnés. Il y a aussi un travail important à engager au niveau de l’école. L’enseignant ne peut travailler isolé sur ces questions. Un travail collectif, au niveau de l’équipe d’enseignants, est bénéfique avec notamment une réflexion sur la progression et l’évaluation.
L’ensemble du dossier
Présentation du dossier
Pédagogie : Remettre à niveau
« Pas juste dire : ‘c’est comme ça ’ » - 3 questions à Jean-Pierre Jaffré, linguiste
Dictées flash en équipe : À Lucenay, des séances bien négociées
Chaillac (36) : Inventer l’orthographe en grande section
« Un véritable défi sur la durée » - Entretien avec Catherine Brissaud, professeure de sciences du langage