Strasbourg : une classe d’enfants autistes
10 octobre 2016

L’école maternelle Ariane-Icare de Strasbourg accueille depuis 2014 sept élèves atteints de Troubles du spectre de l’autisme (TSA). Ils suivent une scolarité très entourée dans une Unité d’enseignement en maternelle pour l’autisme.

Mohamed, Kilyan, Riadh, Cassandra, Omar, Yassine et Cinar, entament leur troisième et dernière année à la maternelle Ariane- Icare, située dans un quartier très défavorisé de Strasbourg. Leur classe n’est pas exactement comme celle des autres : ils ne sont que sept et c’est une UEMA (Unité d’enseignement en maternelle pour l’autisme). Guénaëlle Gaudré, professeur des écoles, entonne une petite chanson entre deux embrassades de bienvenue. « Pour les consignes et les différentes activités, on utilise des chansons et des pictogrammes. Les enfants de la classe sont très sensibles à la musique », explique-t-elle. « Kilyan n’est pas là ? » interroge Marjorie Bildstein, l’éducatrice spécialisée, en accrochant un manteau. « Non, il est chez l’orthophoniste avec Anna », répond Jean-Daniel Buhler, psychomotricien à mi-temps dans la classe. Anna Goldstein c’est la psychologue du développement, à plein temps dans la classe. Avec Guénaëlle, elle co-pilote le projet. Elles ont rédigé ensemble les objectifs pédagogiques et ceux propres à l’autisme.

Un projet personnalisé

Chaque enfant a un programme hebdomadaire adapté reposant sur un projet personnalisé, élaboré avec la famille et en équipe pluridisciplinaire qui fait le point toutes les semaines. Les activités s’enchaînent : séance de motricité collective, court regroupement, prise en charge individuelle en psychomotricité, ateliers. « Chaque adulte travaille avec tous les enfants afin que tous les connaissent mais aussi que la compétence acquise puisse être généralisée », explique Guénaëlle. Appariement image/ image, tri de couleur, jeux d’imitation, jeu d’échanges, puzzles, marionnettes... L’apprentissage suit l’approche ABA (Applied Behavior Analysis) qui vise à développer les compétences identifiées à l’autonomie : la communication, des comportements adaptés en société, l’autonomie dans les actes du quotidien. « Au départ, il y a une guidance totale sur la compétence car les enfants autistes formulent peu de demandes et n’apprennent pas par imitation. Les réussites sont valorisées par des renforçateurs, des récompenses », complète Anna. Une méthode comportementaliste, préconisée par la Haute autorité de santé, assez éloignée d’une tradition française plus clinique et tournée vers une pluralité des approches en matière de soins et d’éducation.

Dans la classe, seule Cassandra sait parler. Les autres élèves utilisent les pictogrammes de leur PECS, un classeur de communication, pour exprimer leurs désirs. Certains parviennent à répéter les noms après les adultes. « L’UEMA c’est une révolution dans la prise en charge. C’est intense. On part des centres d’intérêts de l’enfant. Les parents sont associés par le cahier de correspondance et les visites hebdomadaires que nous faisons au domicile », confie Marjorie. L’attention est souvent fugace. Difficile pour certains de rester assis. « On n’est pas tout le temps dans la contrainte », ajoute la psychologue. « L’UEMA s’inscrit dans une volonté d’inclusion progressive dans les autres classes de l’école et dans tous les espaces de socialisation. Les élèves, même s’ils sont parfois perturbés par le bruit, vont en récréation avec les autres enfants. Un petit film explicatif est présenté à chaque classe et il y a beaucoup d’entraide », souligne Patricia Heng, directrice de l’école. Chaque jour, en fonction de leurs compétences, les élèves sont inclus dans une classe ordinaire, accompagnés de leur référent. Une inclusion qui peut aller de 20 min à 1h15, comme pour Cassandra en CP à l’école élémentaire voisine. Tous ne seront cependant pas en capacité d’intégrer l’année prochaine un CP ordinaire avec AVS ou une Ulis-école et devront se tourner vers d’autres structures toujours trop peu nombreuses. 80 % des enfants autistes en France ne vivent pas une scolarité complète. « Il y a déjà deux UEMA dans le département, mais il en faudrait une par école », conclut Guénaëlle.

UEMA : FONCTIONNEMENT

Le plan autisme 2013-2017 a vu la création de 30 unités en 2014 et en prévoit une par département d’ici 2017, pour améliorer l’inclusion scolaire des enfants avec Troubles du spectre de l’autisme (TSA) ou autres Troubles envahissants du développement (TED). À Strasbourg, c’est l’association de parents AAPEI qui gère le projet, en partenariat avec le CRA (Centre de ressources de l’autisme). Cet important dispositif peut fonctionner grâce à un financement de l’Agence régionale de santé. Les équipes pluridisciplinaires sont composées de : un professeur des écoles (spécialisé mais pas toujours), deux AMP (aide médicopsychologique), un moniteur-éducateur, un éducateur spécialisé et du personnel paramédical dont une psychologue, un psychomotricien et un orthophoniste, parfois externalisé.


« Une prise en charge la plus précoce possible » : 3 questions à Agnès Gras-Vincendon, pédopsychiatre

Agnès Gras-Vincendon est pédospsychiatre, praticienne hospitalière au service de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent des hôpitaux universitaires de Strasbourg. Elle est médecin responsable de l’unité de psychopathologie de l’enfant et d’intégration scolaire (UPEIS).

Une prise en charge précoce des enfants atteints de TSA est-elle déterminante ?

Oui, les premiers signes d’un TSA peuvent être repérés avant 3 ans et un professionnel peut poser un diagnostic dès cet âge dans les cas les plus sévères. Généralement, le diagnostic est fait ou confirmé entre 3 et 6 ans. Une prise en charge spécialisée doit être la plus précoce possible pour permettre la diminution des troubles de la communication sociale et du comportement. Elle augmente les chances de l’enfant de mieux s’insérer dans la société et en particulier à l’école.

Quel rôle joue l’inclusion pour des enfants atteints de TSA ?

Elle leur permet d’observer et de s’approprier les codes sociaux (« être élève ») en plus des apprentissages scolaires. Ils s’habituent à vivre en groupe avec des enfants de leur âge, ce qui n’est pas si facile pour eux. Elle favorise aussi l’acceptation de la différence, du handicap, par les enfants et la société en général. Elle peut même faire du bien à des élèves de la classe qui ont des difficultés et qui découvrent que d’autres enfants ont aussi des problèmes et ont besoin d’aide.

Quels autres dispositifs, en dehors d’une classe maternelle ordinaire, pour des enfants atteints de TSA ?

L’inclusion en classe ordinaire doit être accompagnée pour être profitable à l’enfant et adaptée aux exigences d’une classe. En grandissant, certains enfants ont besoin d’une structure plus spécialisée avec une prise en charge en petit groupe. Cela peut être une ULIS, à l’école élémentaire ou dans le secondaire. Cela peut-être une classe dans un institut médico-éducatif comme à Strasbourg celle du SISES-autisme à l’IME Le Tremplin. Il y a aussi des dispositifs qui associent un hôpital de jour de pédopsychiatrie et une classe spécialisée type ULIS comme, dans mon service, les classes thérapeutiques. Nous avons aussi un dispositif innovant associant le service de pédopsychiatrie et une structure médico-sociale le « Dispositif d’accompagnement de soins coordonnés pour l’autisme » (DASCA), avec l’association Adèle de Glaubitz.


Ressources

CANAL AUTISME : Formations ouvertes à tous et gratuites

Le dispositif vise à faciliter l’inclusion des enfants autistes. Le site propose des formations gratuites pour les accompagnants (qu’ils soient parents, enseignants, AVS/AESH, paramédicaux et toute autre partie prenante) aux méthodes éducatives, comportementales, et de développement mais aussi de nombreuses ressources et conférences.
- Voir le site

CRA : ressources et diagnostics

Les Centres de ressources autisme (CRA), dont la mission s’exerce à l’égard des enfants, adolescents ou adultes concernés, n’assurent pas directement de soins, mais sont en articulation avec les dispositifs de soins, comme avec les dispositifs médico-sociaux concernés. Chaque CRA (il en existe 24) offre des informations, conseils et orientations aux personnes TED, à leurs familles, aux professionnels. Ils aident également enfants et adultes à la réalisation de diagnostics et d’évaluations. Chaque centre de ressources participe également à des travaux d’études et de recherche et à l’animation d’un réseau régional dans le domaine de l’autisme et des TED en association avec des équipes sanitaires de leur région.
- Voir le site des CRA

ASH67 : pour les enseignants et les AVS

Le site ASH67 de l’inspection académique du Bas-Rhin est une importante source de documents et d’informations pour les enseignants, spécialement ceux scolarisant des enfants autistes dans leur classe, et les AVS. On y trouve des ressources vidéo pour découvrir les différentes prises en charge possibles, pour parler de l’autisme aux élèves de l’école ou de la classe, des ressources par cycle pour des aménagements pédagogiques spécifiques, un guide présentant le syndrome d’Asperger, des diaporamas et des liens vers de nombreux sites.
- Voir le site ASH67