Dossier : "Loi d’Orientation : le projet décrypté"
Présentation du dossier "Loi d’Orientation : le projet décrypté"
17 janvier 2013

La loi d’orientation et de programmation pour l’école sera présentée en conseil des ministres le 23 janvier. Décryptage d’un texte qui priorise le primaire mais laisse également des zones d’ombre.

Ça y est, c’est la dernière ligne droite. Après plusieurs mois d’une concertation débutée en juillet, la remise d’un rapport de synthèse au président de la République en octobre et l’élaboration d’un texte rendu public en décembre, le ministre de l’éducation nationale posera le 23 janvier sur la table du conseil des ministres le projet de loi d’orientation et de programmation pour l’école. Est-ce la Refondation tant annoncée par le gouvernement qui se profile enfin ? Les choses sont souvent plus complexes qu’il n’y paraît. Le texte comporte plus de 50 articles modifiant le code de l’éducation et il est accompagné d’un exposé des motifs et d’un rapport annexé. Fait rare, il comporte aussi une partie programmation qui engage des moyens sur les cinq années à venir. Fenêtres-sur-cours propose dans ce numéro de décrypter cette loi non pas de manière exhaustive, mais en s’attardant sur les aspects essentiels de ce texte pour le primaire, et ils sont déjà nombreux. Un coup de projecteur nécessaire alors que le débat public s’est jusqu’ici focalisé seulement sur les rythmes.

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Une chose est sûre, les objectifs ont été clairement énoncés. Il s’agit de « faire en sorte que tous les élèves maîtrisent les instruments fondamentaux de la connaissance à la fin de l’école élémentaire », de « réduire à moins de 10% l’écart de maîtrise des compétences en fin de CM2 entre les élèves de l’éducation prioritaire et les élèves hors éducation prioritaire », de « réduire par deux la proportion des élèves qui sortent du système scolaire sans qualification » et d’amener tous les élèves « à maîtriser le socle commun (…) à l’issue de la scolarité obligatoire ». L’intention est ambitieuse et porte en elle un espoir de changer l’école.

Un socle commun redéfini

Aussi, la sociologue Marie Duru-Bellat souligne-telle que « les lois n’ont pas un pouvoir magique et ne peuvent évidemment suffire à transformer l’école. Tout est dans l’exécution. La loi est là pour dresser un cadre, énoncer les priorités ». Autrement dit, pour réussir à transformer l’école, encore faut-il que les orientations soient suivies de mesures concrètes et cohérentes (lire l’entretien). C’est là tout un pan du travail qui restera à faire après l’adoption du texte par les parlementaires. Une phase durant laquelle le SNUipp souhaite que les enseignants soient écoutés et entendus. Premier aspect et nouveauté : la priorité au primaire. La loi définit en les « sanctuarisant » les moyens qui seront alloués au système éducatif sur cinq ans, soit 60 000 emplois. Ils serviront à mettre fin au non renouvellement d’un départ à la retraite sur deux, mais conduiront aussi à l’allocation de moyens dans les territoires en difficulté pour le « plus de maîtres que de classes », vieille revendication du SNUipp, et pour la scolarisation des moins de trois ans. Mais avec un cadre budgétaire restant contraint, ces mesures ne pourront pas être généralisées (lire l’article).

La loi prévoit de repenser le contenu d’un socle commun définit par la loi de 2005 en y intégrant la notion de culture et notamment l’enseignement artistique. Ce sera désormais le socle commun de connaissances, de compétences et de culture. Il s’agira « de préciser ce que l’école doit apprendre à ses élèves, et la façon dont elle peut permettre à tous cette acquisition » (lire l’article). La spécificité de l’école maternelle est réaffirmée de même que la nécessité de scolariser les moins de trois ans dans les zones concentrant le plus de difficultés (lire l’article). La formation sera de nouveau réformée, il était temps, avec la création des écoles supérieures de professorat et de l’éducation (Espé). Mais sur ces points comme sur bien d’autres demeurent des zones d’ombre. Par exemple comment assurer une égalité de moyens pour tous dans l’enseignement artistique et culturel compte tenu des écarts de ressources des collectivités. Ou encore concernant les Espé tout reste à faire pour ce qui concerne les contenus, l’organisation des formations, le rôle des maîtres formateurs (lire l’article).

Des sujets sensibles pas abordés

Parmi les éléments prometteurs du projet de loi figure la création d’un Conseil supérieur des programmes. C’est la possibilité de réhabiliter la recherche, la parole des experts pour apporter des garanties scientifiques, pédagogiques et de transparence. La structure similaire qui avait prévalu lors de l’écriture des programmes de 2002 était tombée aux oubliettes avec la loi Thélot (lire l’article). Le texte revoit aussi les modes d’évaluation des élèves et du système. Il fait une place conséquente au numérique, prévoyant de créer un service public de l’enseignement numérique dont le cahier des charges et la manière d’assurer une égalité de moyens aux communes restent à définir. Mais il faut dire aussi que certaines questions sensibles sont peu ou pas abordées dans le projet de loi. Si après la concertation le gouvernement a d’évidence mis l’accent sur les points qui pouvaient faire consensus, il a tourné le dos à des sujets plus épineux. L’éducation prioritaire a été zappée. Il est vrai que le chef de l’État dans son discours à la Sorbonne avait prôné la fin des labels (ZEP, RAR, ECLAIR) au profit d’une distribution de moyens supplémentaires aux établissements en fonctions de l’intensité des difficultés rencontrées. Cependant on peut regretter comme le fait Marc Douaire, président de l’OZP, que cela ait été fait « en faisant l’économie d’une analyse fine de ce qui a fonctionné ou pas » (lire l’entretien). Le collège unique, la carte scolaire, la scolarisation des enfants en situation de handicap… font partie des oubliés de la loi.

Ce texte, qui se voulait un outil pour « refonder » l’école, est aux yeux de Philippe Meirieu, professeur en sciences de l’éducation, davantage « réparateur » après des années de mauvais traitement infligé à l’école, que « refondateur » au sens propre du terme (lire l’article). Reste que les mesures annoncées devront faire l’objet de décrets ou de circulaires, autant de textes à rédiger avec ceux qui permettront de faire changer l’école, les enseignants. Il est grand temps que l’institution manifeste confiance et écoute à leur égard pour réussir la réforme.

L’ensemble du dossier :

- Présentation du dossier "Loi d’Orientation : le projet décrypté"
- Programmation des moyens : au nom de la loi
- Les objectifs de l’éducation
- Socle commun
- L’ambition du numérique
- La Maternelle
- Les relations école-collège
- Priorité au primaire
- Le contenu des enseignements scolaires
- Formation
- L’éducation artistique et culturelle
- Évaluations
- Handicap
- « Ne pas démobiliser les équipes »
- Enseignants | L’effectivité de la loi
- Les partenaires de l’école
- « Les lois n’ont pas un pouvoir magique »