3 questions à Jean-Pierre Jaffré, linguiste
Il y a eu des travaux de recherche (INRP, la Revue Pratiques, rapports...) sur les activités orthographiques... mais beaucoup restent dans les cartons, ce qui n’est pas le cas dans d’autres pays. En France, l’apport de la recherche est minoré par des réticences institutionnelles de technocrates peu informés et aussi par un certain conservatisme qui qualifie les chercheurs de pédagogistes. Le débat complexe, comme pour la lecture, s’est radicalisé avec le poids de
l’idéologie et le retour au B.A BA a trouvé un écho chez les parents d’élèves et dans le milieu enseignant, pas toujours progressiste. L’orthographe c’est un vrai travail où il faut coordonner l’écrit et l’enseignement de l’orthographe.
Une étude du CNRS d’il y a deux ans et des études anglaises prouvent qu’il n’y a pas de relation entre production de sms et erreurs orthographiques. C’est une autre écriture, de la relation privée, de la connivence, qui a ses codes, son orthographe propre. Avec internet, on est dans une situation de polygraphie avec des registres différents. La seule limite c’est la compréhension. Il faut accepter que les gens qui écrivent vite, sans se relire fassent des erreurs. De la norme à la forme la plus délétère les différentes graphies sont toutes de la communication et une certaine population sociale, décomplexée par rapport à l’orthographe, revendique ses erreurs.
L’orthographe est prise entre sa fonction d’outil de communication et sa dimension culturelle. C’est un des rares lieux culturels où il y a cette confusion des genres. Les tentatives de réforme se sont mieux passées en Belgique, en Suisse. En France, la norme orthographique est le pré carré des médias alors que la nouvelle rectification orthographique est une tentative pour faciliter la tâche de tous les gens qui écrivent. Il y a aussi un fort enjeu scolaire et éducatif centré sur l’enfant. Les nouveaux programmes prennent en compte ces rectifications ... mais il aura fallu 25 ans ! Il est important qu’elles offrent aux enseignants la possibilité d’expliquer pourquoi cela fonctionne comme ça et pas juste de dire « c’est comme ça ».
L’ensemble du dossier
Présentation du dossier
Pédagogie : Remettre à niveau
« Pas juste dire : ‘c’est comme ça ’ » - 3 questions à Jean-Pierre Jaffré, linguiste
Dictées flash en équipe : À Lucenay, des séances bien négociées
Chaillac (36) : Inventer l’orthographe en grande section
« Un véritable défi sur la durée » - Entretien avec Catherine Brissaud, professeure de sciences du langage