Prendre en charge, tous les soirs après la classe, 5 enfants de CP pour des activités conviviales autour de la lecture et de l’écriture, tel est le contrat du Coup de pouce clé. 10 000 élèves profitent de ce dispositif durant cette année scolaire.
Le Coup de pouce clé est un dispositif d’accompagnement à la scolarité destiné à des enfants de cours préparatoire jugés fragiles, issus de milieux « à faible capitaux scolaires ». Il a pour ambition de les plonger dans « un bain très intense de langage oral et de culture écrite », comme l’explique Yvan Pétrouchine, l’un des « ingénieurs » de l’Apféé, l’association pour favoriser l’égalité des chances à l’école. Il s’agit en effet des les aider « à garder la tête hors de l’eau » pendant ce moment crucial de l’apprentissage de la lecture et d’entrée dans la culture écrite, puis de les lâcher en fin d’année quand ils « nagent » car le dispositif ne dure qu’un an.
Yvan insiste d’emblée sur ce que le Coup de pouce clé n’est pas : « ni une méthode d’apprentissage de la lecture, ni un dispositif d’aides spécialisées ». Il opte plutôt pour l’image de la « grand-mère bienveillante et lettrée » qui aurait ritualisé un accueil après la classe. Rituel est d’ailleurs le mot exact sur plusieurs plans : les élèves sont engagés sur 4 séances hebdomadaires d’une heure et demie chacune, le contenu de chaque séance obéissant à un déroulé précis suivant un protocole unique. Cela demande également un engagement important des parents sur la participation effective de l’enfant, la fourniture d’un goûter pour ce moment, la présence à 3 séances complètes et aux cérémonies de début et de clôture, le fait de venir chercher l’enfant tous les soirs. L’objectif est d’amener ces parents, dont certains peuvent avoir une histoire difficile avec le système scolaire, vers un « intérêt quotidien à ce que fait leur enfant », et qu’ils deviennent, explique Yvan, des « supporteurs » et des « regardeurs ».
Un animateur prend en charge 5 enfants. Même s’il est enseignant ce n’est pas une séance d’enseignement mais une fréquentation ludique et conviviale du langage et de l’écrit. Le premier temps, de détente et de goûter, permet à chaque enfant de prendre la parole, d’être confronté à la langue claire et aux reformulations de l’adulte. Pour le travail de lecture qui suit l’animateur a l’obligation de mettre chaque enfant en situation de réussite. Puis des activités brèves et ludiques portant sur la lecture et l’écriture sont proposées aux enfants, par exemple des lectures surprise, des productions collectives d’écrits, des jeux sur les sons, des jeux de société... l’animateur utilise ce temps pour une activité particulière avec un des enfants. La séance se termine par la lecture d’une belle histoire.
Depuis 17 ans, plus de 70 000 enfants, dans 280 villes, ont bénéficié des Coups de pouce clé. Les dispositifs sont sous la responsabilité conjointe des mairies et des inspections académiques et mis en place par les « ingénieurs » de l’Apféé. Le financement des animateurs est assuré par les mairies, sur les crédits de la politique de la ville, plus rarement par les inspections académiques au titre de l’accompagnement éducatif. Le pilotage du dispositif est effectif, que ce soit au moment du choix des enfants, de la présentation générale, pour la formation aux techniques d’animation comme pour les temps de régulations. La présence d’un coordinateur dans l’école est indispensable pour garantir la bonne qualité des relations avec les familles et avec les institutions ainsi que le bon fonctionnement du dispositif.
Fin mai, un rapport intermédiaire et une étude qualitative pour le Fonds d’expérimentation pour la jeunesse (FEJ) ont émis des avis contradictoires. Si l’étude détaille les effets positifs des Coups de pouce, le rapport estime que si le dispositif « réalise son objectif premier qui est de donner aux enfants le goût de la lecture », il ne montre pas d’évolution particulière des apprentissages « dans le temps limité de l’année de CP ». Pour les auteurs, « l’introduction de Coup de pouce clé ne permet pas d’améliorer les compétences en lecture des bénéficiaires davantage que les formes mises en oeuvre par l’éducation nationale sur les élèves faibles ciblés par les CPC ». En d’autres termes, l’aide personnalisée et les dispositifs spécialisés internes aboutiraient à un résultat identique. Ce rapport a aussitôt été contesté par 3 chercheurs membres du Conseil scientifique de l’Apféé, Anne-Marie Chartier, Dominique Glasman et Françoise Lorcerie. Pour ces derniers l’étude précédente ne bénéficie pas de garanties scientifiques suffisantes, tire des conclusions hasardeuses, contredit toutes les évaluations antérieures et les observations des personnels. Ils réaffirment la convergence et la récurrence des évaluations quant à l’effet très favorable du CPC pour permettre à une bonne partie de leurs élèves de sortir de la zone dangereuse ».