Interroger les pratiques en géographie met en lumière ses spécificités et les difficultés rencontrées par les enseignants. Des écueils que seule la formation initiale et continue semble à même d’éviter.
Si l’enseignement de la géographie est identifié comme un moment de « respiration » dans la journée, laissant une large part au plaisir d’échanger, le temps qui lui est dédié est souvent minimal indique Thierry Philippot, maître de conférence en sciences de l’éducation. Car cette discipline reste considérée par les enseignants comme « difficile » à enseigner et à évaluer, d’où une tendance à privilégier l’approche de nomenclature (liste des fleuves et de leurs affluents, les plaines, les plateaux…) à une réflexion ou un questionnement scientifique (l’organisation d’un territoire par exemple).
En 2005, un rapport des Inspecteurs généraux (IG) ne recensait que 20% de séances de géographie reposant sur « une véritable démarche d’analyse documentaire ». Et si 80% des enseignants préparent leurs leçons à partir de manuels, comme le révèle l’enquête réalisée en 2010 par Philippe Charpentier, chercheur à l’Université de Reims, 40% des manuels sont antérieurs aux programmes de 1995 (rapport des IG). Ainsi, plus de la moitié des enseignants éprouvent des difficultés à préparer leurs cours, notamment par manque de documentation et de temps.
Des difficultés accrues par le manque de formation, comme le souligne Philippe Charpentier, dont l’enquête ne dénombre qu’1 enseignant sur 10 ayant participé à une formation en géographie... D’où la recommandation des IG de « renforcer la formation didactique » en publiant des repères et documents d’application des programmes. Mais pour Thierry Philippot, le risque d’un retour à « une géographie encyclopédique » ne peut être contourné par la seule prescription : « Il y a aussi un enjeu autour de la formation continue, par exemple à partir de dispositifs tels que les groupes de recherche et de formation, ce qui permettrait [aux enseignants] d’exercer pleinement leur liberté pédagogique. »