Philippe Joutard, historien, propose une philosophie de ce qui pourrait guider l’élaboration des nouveaux programmes et leur appropriation par les enseignants des écoles.
Des programmes ambitieux pour le XXIème siècle devront intégrer la notion de globalité de l’instruction, et de la culture. La transversalité doit être remise en avant et les notions doivent être enseignées les unes en lien avec les autres. Ainsi la maîtrise de la langue ou le numérique peuvent être travaillés à travers la totalité des domaines. Il faut « tordre le cou » à l’idée qu’il y aurait des enseignements fondamentaux et d’autres qui le seraient moins.
Ces programmes devront se décliner par cycle et non avec des progressions annuelles qui annihile la notion même de cycle. Par ailleurs, la continuité école-collège pousse à ce que les programmes du dernier cycle soient en corrélation avec les programmes du début du collège.
Les deux commissions travaillant l’une sur le primaire, l’autre sur le collège devraient avoir un rapport étroit et le CSP pourrait l’inscrire dans son cahier des charges. L’élaboration des programmes peut se faire dans le temps en associant les enseignants comme cela avait été fait en 2002. Il semble très intéressant que dès la première mouture terminée, une grande consultation générale soit organisée. Cela permettrait que les enseignants pointent ce qui semble faisable ou infaisable (et le CSE prendrait en compte ces remontées avant de valider les programmes) mais aussi montrent dans les nouveautés ce qui leur semble intéressant mais difficile à mettre en place et nécessite une aide fournie par des documents d’accompagnement ou des actions de formation continue.
Un temps assez long est nécessaire entre la publication des programmes et la mise en pratique, avec une mise en route de manière progressive dans chaque début de cycle. Une année d’intervalle permettra que la formation continue aide à une appropriation complète des programmes par les enseignants. Enfin, une évaluation au bout d’un an ou deux pourra être intéressante pour envisager des aménagements ou des additifs si besoin.
En 2002 les programmes de l’école primaire ont été complétés par des documents d’application, qui, loin de mettre en cause la liberté pédagogique des enseignants, permettent cette liberté en rendant les programmes opérationnels. De tels documents donnent des pistes de mise en œuvre sans être pour autant un cadre contraignant le quotidien de la classe. Après 2008, ils ont pourtant été supprimés par le ministre qui y a substitué des progressions annuelles figées et ne correspondant pas aux réalités des classes. Le SNUipp-FSU avait maintenu la possibilité de les utiliser en les publiant sur son site. Avec succès ! Pour mettre en œuvre des programmes ambitieux, les équipes doivent disposer de documents de qualité et d’une réelle formation continue qui visent une véritable appropriation des contenus à enseigner par les enseignants. Ceux-ci doivent être associés aux côtés des « experts » à leur élaboration à tous les niveaux.