A Guédelon dans l’Yonne, des bâtisseurs passionnés édifient un château médiéval selon les techniques de construction du XIIIème siècle. Un projet hors du commun qui dynamise toute une région et un chantier ouvert au public d’une grande richesse notamment pour les jeunes visiteurs.
An de grâce 1246, à Vincennes, Louis IX, roi de France, se prépare pour la septième croisade et tente de mobiliser le royaume. A cinquante lieues de là, à Guédelon, le seigneur de Toucy est plongé depuis dix-sept ans dans un tout autre projet : la construction d’un château fort destiné à abriter ses proches et une dizaine de personnes attachées à son service.
Pas pour les 300 000 visiteurs dont 60 000 scolaires qui se sont déplacés cette année au coeur de la Puisaye, aux confins de l’Yonne et de la Nièvre et ont découvert un chantier bien réel plongé dans une activité bourdonnante. Depuis 1998, ce sont près de 70 personnes qui s’activent 8 mois sur 12 pour concrétiser un projet un peu fou et néanmoins bien ancré dans le grès rouge et la forêt ancestrale de ce coin de Bourgogne : la construction d’un château du XIIIe siècle utilisant les techniques et les matériaux de l’époque. Avec un souci constant de fidélité historique qui a poussé l’équipe à écrire un véritable scénario, jusqu’à faire revivre le petit seigneur local autorisé par son suzerain « à bastir chastel ».
Pour tout connaître de Guédelon, il faut écouter Maryline Martin qui porte le projet depuis sa création : « en 1997, j’étais à la tête d’une association de réinsertion par le travail, en recherche à la fois d’emplois et d’activités susceptibles de dynamiser une région en voie de désertification ». La rencontre avec Michel Guyot, passionné d’histoire et d’architecture fait le reste. Celui-ci, en restaurant le château tout proche de Saint Fargeau a découvert sous les fondations de la bâtisse du XVe siècle les restes d’un château fort « philippien » du XIIIe. Ces vestiges vont servir de référence et de point de départ à une expérience unique d’archéologie expérimentale, un chantier médiéval ouvert aux public. Maryline recueille les financements, s’entoure d’artisans, d’universitaires, de scientifiques et constitue des équipes où chaque ouvrier aura deux missions d’égale importance : bâtir et expliquer. Après 17 ans, Maryline livre un premier bilan avec une fierté légitime : « Guédelon est devenu un pôle territorial de coopération économique, auto-financé grâce aux visites et ceci malgré l’indifférence polie des responsables politiques. On a créé des emplois directs aux différents postes d’animation et indirects en grand nombre avec notamment la création d’une capacité d’accueil de groupes de 800 lits. Le chantier est aujourd’hui un véritable conservatoire des métiers traditionnels qui accueille, forme et essaime sur tout le territoire. Nous en sommes à notre 3e forgeron qui s’est installé à son compte. »
En visitant le chantier, au contact des « oeuvriers » bâtisseurs, l’aventure humaine collective apparaît comme le fil conducteur. Loulou le maçon est arrivé il y a 13 ans avec une maîtrise de sciences éco. Guide au départ, il pose aujourd’hui le carrelage dans le logis du seigneur en régalant le visiteur de sa science et de sa gouaille. « Je suis arrivé par hasard et resté par passion », clame-t-il. Janny, le « père Archi », chargé de la présentation générale du chantier est particulièrement à l’aise avec les groupes d’enfants et pour cause : « J’étais prof d’histoire à Dijon. J’ai démissionné par amour de ce chantier hors norme. » Même tonalité chez Virginie qui a découvert la taille de pierre à Guédelon et passe ses journées armée d’une chasse et d’un burin à sculpter des blocs de grès de 150 kg : « Je peux difficilement raconter l’émotion qui m’étreint quand je vois la pierre que j’ai travaillée hissée pour prendre sa place dans l’appareil d’une courtine. ».
Tous ces bâtisseurs coiffent immanquablement pendant les horaires de visite leur casquette de pédagogue. Car comme le précise Maryline, « l’accueil des scolaires, on l’a depuis le départ dans notre culture. Grâce aux enfants, on a réussi à mieux s’exprimer, à être plus précis. ». Par sa nature, le chantier a évidemment une formidable vocation pédagogique : leçon d’histoire, de science, de technologie à taille réelle et à ciel ouvert, mise en application de principes mathématiques et géométriques, prolongements dans les domaines littéraires, artistiques… La visite peut s’organiser autour de parcours pédagogiques, d’ateliers de découverte et de pratiques. Aujourd’hui, ce sont des élèves de CE1/CE2 venus de Balloy (77) qui écarquillent les yeux devant le métal rougeoyant frappé par le forgeron puis s’en vont actionner le levier qui torsade les brins de chanvre dans l’atelier du cordier. Plus loin, ils s’essaient à reconstituer une charpente en agençant les fermes et les chevrons d’une maquette. Evelyne Roudaire, leur enseignante, n’en est pas à sa première visite. « Je viens en début d’année pour exploiter les nombreux prolongements : comparer avec les châteaux de notre région comme Blanzy ou Provins, utiliser la corde à 13 noeuds pour la géométrie, voir le travail du potier pour savoir comment travailler l’argile qu’on trouve dans notre jardin, lire des contes médiévaux... » Ses élèves seront sans doute plus tard comme Maryline Martin, « incapables de regarder un château ou une cathédrale sans penser aux hommes qui les ont construits. »
RessourcesVidéo : Guédelon sur écran Ceux qui ne peuvent pas faire le déplacement jusqu’en Bourgogne peuvent toujours se plonger (avec leurs élèves) dans un documentaire passionnant produit par Arte : Guédelon ou la renaissance d’un château médiéval. Suivant, au fil des semaines, les étapes de la construction de la chapelle seigneuriale, d’un nouveau four à tuiles et d’un moulin hydraulique, le film met en perspective les interactions quotidiennes entre les scientifiques et les différents corps de métier engagés sur le chantier.
Le site de Guédelon permet de suivre quasi-quotidiennement en textes et en images l’actualité du château et l’avancée des travaux. Il donne également toutes les informations utiles pour visiter le chantier en proposant notamment des séjours et des solutions d’hébergement pour les groupes. Un important volet pédagogique permet de préparer le déplacement avec ses élèves avec possibilité de s’abonner à une newsletter à destination des enseignants
Maths : Les trésors de la corde à 13 nœuds La corde à treize noeuds, qui était déjà utilisée par les Egyptiens, est un des outils des bâtisseurs du Moyen Âge. A Guédelon, elle est utilisée comme instrument de mesure et de tracés sur le chantier. La corde permet de prendre, reporter ou vérifier des mesures, d’effectuer des tracés géométriques. Elle permet aussi de faire quelques calculs simples. Un outil idéal à utiliser en classe pour faire réfléchir les élèves et donner à voir les mathématiques dans ce qu’elles ont de plus concret.
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