Gers : une charte pour le maintien des écoles
26 février 2009

C’est en grande pompe qu’a été signée fin novembre 2008 « la charte pour l’école gersoise : l’école du XXIe siècle dans le Gers » , par le préfet, les présidents de l’association des maires du département et du Conseil général, ainsi que toutes les composantes du CDEN, parents d’élèves, associations complémentaires de l’éducation, représentants des personnels. Cette charte est le fruit d’un long travail (constat partagé, définition des besoins en équipement des écoles) destiné à servir d’outil pour réduire les inégalités territoriales entre les écoles publiques : elle liste les équipements généraux (bâtiments et fonctionnement), ceux qui sont nécessaires au bon fonctionnement des classes élémentaires et maternelles, ainsi que le matériel utile pour l’EPS. Alain Broseta, représentant des communautés de communes, détaille l’origine du projet, la demande et l’obtention d’un groupe de travail entre les élus et l’inspection académique pour obtenir et donner des informations sur la carte scolaire. Par la suite, les élus ont continué à se réunir pour aborder les problèmes concernant les écoles, au-delà des suppressions de postes et du ramassage scolaire. Comment en zone rurale éviter l’évasion des élèves vers les lieux où les parents travaillent ? Quelle réflexion sur les temps avant et après la classe ? Qui doit payer pour la mise aux normes de la cantine ? Pourquoi la commune qui accueille les enfants de maternelle serait-elle la seule à supporter les frais d’emploi d’une ATSEM ? Pour Alain Broseta, « la qualité et les conditions d’accueil et de travail sont une des solutions au maintien du réseau d’écoles dans le Gers et aujourd’hui l’égalité n’est pas respectée entre les communes. La péréquation, on en a beaucoup entendu parler mais on ne l’a jamais vue ! La charte aura un pouvoir incitatif, elle aura le mérite d’appuyer là où ça fait mal. Il faudra que le groupe de travail la fasse vivre pour qu’elle ne finisse pas dans un tiroir. »

Car pour l’instant les « autorités » jouent le jeu : lettre du préfet aux maires, lettre de l’inspecteur d’académie aux conseils d’école, impression de la charte par le Conseil général et diffusion réglée par l’association des maires. Betty Jean-Dit-Teyssier et Joël Rambeau sont à juste titre fiers de l’implication du SNUipp : impulsion des groupes de travail, envoi d’une enquête aux écoles (122 réponses sur 236 !), publication des résultats, campagne pour faire valoir la nécessité de mettre à niveau toutes les écoles. Pour Betty et Joël, « il n’est plus acceptable, que dans un même département, des petits gersois soient 5 fois plus égaux que d’autres en fonction des dotations communales, de la prise en charge ou pas de la maintenance du photocopieur, de l’équipement informatique mis à disposition, etc. » Alain Broseta confirme qu’il n’est pas toujours possible pour les communes de faire plus et mieux et qu’elles peuvent obtenir du préfet, qui s’y est engagé, des fonds exceptionnels. D’ailleurs, il compte demander que pour 2009 des équipements mentionnés dans la charte, autres que la construction et l’entretien des locaux, entrent dans la DGE (la dotation globale d’équipement).

Sur le terrain, Elsa Delignières et Maryse Gali, directrices respectivement à l’école de Ségoufielle et à la maternelle Pont National d’Auch, confirment. Elsa bénéficie d’extensions récentes et dispose d’un bureau et d’une armoire, ce qui n’était pas le cas dans l’école à 2 classes où elle assurait la direction il y a 5 ans. Mais elle n’a ni BCD, ni salle informatique (seulement 1 ordinateur par classe). Pour les activités physiques, c’est le foyer communal carrelé et un bout de pré aux beaux jours… Elle déplore « devoir tout le temps demander », et elle avoue se restreindre elle-même dans ses requêtes « un port USB, une deuxième imprimante, un rétroprojecteur… ». Maryse, elle, est dans un autre cas de figure. Elle se retrouve en ville, avec des moyens « corrects » (22€ par élève), des salles, du matériel, gymnase et piscine, et surtout des ATSEM à temps plein. Comme elle le dit, « ça n’a rien à voir et ça change la vie ! » Les constats de l’enquête menée dans le Gers montrent bien ces inégalités, une dotation par élève oscillant en 10 et 48€, des financements ou non pour les transports, les sorties, les classes transplantées, le fonds de la BCD, la maintenance et le papier du photocopieur, l’intervention des personnels municipaux (ATSEM, animateurs…)

Pour Betty et Joël, l’initiative du Gers doit devenir nationale, comme d’ailleurs le recommande la Cour des comptes. « Le financement de l’équipement et du fonctionnement des écoles ne peut plus seulement reposer sur les communes ou les communautés de communes et les enseignants ne peuvent pas devenir des semi-professionnels de l’organisation de lotos, kermesses, ventes diverses, afin de subvenir aux besoins des écoles. » Il s’agit d’une question d’égalité des chances, mais aussi d’aménagement du territoire. Car, comme le rappelle le président de l’association des maires du département, « les bonnes conditions d’accueil des enfants, telles qu’elles sont définies dans la charte, doivent faciliter la réussite scolaire des enfants et permettre le maintien des écoles ». De bonnes raisons pour « faire vivre la charte ».