Entrer dans les apprentissages par des thématiques ou des espaces ? Pascal Clerc, maître de conférences en géographie à l’IUFM de Lyon, livre son point de vue.
Ce programme traite presque seulement de la France. Il ne peut répondre à des questions qui se posent à toutes les échelles et pour tous les espaces. Il ne peut pas prendre en compte le fait que nous vivons dans un monde connecté. Il ne participe pas d’une nécessaire construction citoyenne plurielle : aux échelles nationale, européenne et mondiale.
Ce programme n’a pas de cohérence, de fil directeur. Les sous-parties ne correspondent pas toujours aux titres des parties (par exemple une étude des grands traits du relief de la planète dans la partie « La France dans le monde »). Les thèmes se succèdent sans que l’on y trouve une logique lisible. Diverses conceptions de la géographie sont en jeu (du très classique avec par exemple « Les principaux caractères du relief » au plus actuel autour des verbes « se déplacer » ou « produire ») sans que cela ne soit justifié.
Ce programme n’explicite rien de son projet et laisse les enseignants démunis quant à ses attendus et aux propositions de mise en œuvre. Certes un texte programmatique doit être court mais cela n’exclut pas quelques explications surtout dans une discipline que les enseignants du primaire ont souvent du mal à enseigner de manière actualisée.
La première question est de savoir si l’entrée dans le programme se fait par des thématiques ou par des espaces (même si finalement, on aborde ces deux aspects indissociables) ; autrement dit si on étudie l’Afrique en traitant au passage de la question du développement ou si à l’intérieur d’un thème sur le développement, on prend comme exemple l’Afrique. Je plaide résolument pour une entrée thématique, la seule à même de donner de l’autonomie aux élèves : étudier l’Afrique ne permet pas d’étudier l’Asie, tandis qu’étudier le concept de développement permet de le mobiliser pour étudier des situations spatialisées différentes.
Un texte qui, sans être trop long, énonce un projet d’ensemble. Il faudrait ensuite pour chaque sujet d’étude : un titre, le court exposé d’une problématique, quelques questions pour orienter le travail et quelques pistes pour les enseignants.
Un programme ancré dans le monde contemporain qui traite, en mobilisant des connaissances et des concepts géographiques, de questions vives, de questions d’actualité, d’enjeux essentiels.
Un programme qui privilégie la compréhension et la réflexion à la description ; la description et les connaissances factuelles dans leur ensemble sont absolument indispensables, mais elles ne sont pas la finalité de l’enseignement ; elles sont au service du sens, de la compréhension, même à l’école primaire. Il faut connaître les grandes lignes du relief de la France pour comprendre par exemple les contraintes de circulation mais ce n’est pas un but en soi.
Parmi d’autres possibles, on peut imaginer trois entrées, trois actions des sociétés dans leurs espaces : Habiter, exploiter, (se) déplacer. Pour chaque entrée, on peut envisager quelques thèmes problématisés. Par exemple, pour « (se) déplacer » : Comment se déplacer en ville ? L’automobile a-t-elle un avenir ? Le rail ou la route pour transporter les marchandises ? Quel intérêt pour le transport par container ? Enfin pour chaque thème, différents espaces peuvent être étudiés (au choix ou non des enseignants mais toujours en faisant des propositions). Pour prolonger l’exemple donné ci-dessus : une ville européenne, le milieu local, le réseau routier et ferroviaire français pour les marchandises, le transport maritime (et ses prolongements terrestres) dans le monde. Rien n’interdit à ce niveau d’accorder plus de place à la France et à l’Europe qu’à d’autres régions du monde.
Pascal CLERC (septembre 2013)
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