Les écoles bilingues ne sont plus « un phénomène marginal » en Bretagne. L’enthousiasme des enseignants et la satisfaction des parents réussiront-ils à pérenniser et développer ces structures ?
A Plomeur en Bretagne
Armelle Le Coz est directrice de l’école publique maternelle et classes bilingues de Plomeur dans le Finistère. Curieuse école de 7 classes rattachées à la direction maternelle (qui comprend aussi 2 classes non bilingues) alors qu’il existe une directrice pour l’élémentaire de 4 classes non bilingues. Dans la région, il existe autant de fonctionnements que d’écoles. Si la première classe bilingue a été créée en Bretagne en 1982, c’est en 93 qu’a ouvert la première classe bilingue de Plomeur pour une montée en puissance en douceur : aujourd’hui 120 enfants sont scolarisés en bilingue à Plomeur, dans 2 classes maternelles et 3 classes élémentaires. Il existe 121 enseignants bilingues pour 113,5 postes sur le département dont 8 PES en postes et 7 suppléants vacataires.
Des classes comme les autres Le reproche que l’on faisait à l’enseignement bilingue de s’adresser à des enfants de milieu favorisé n’a plus vraiment cours. S’il est vrai qu’au départ les enfants venaient plutôt de milieu « autorisé », concerné par l’usage de la langue régionale, ce n’est plus tout à fait le cas aujourd’hui, avec des familles « ordinaires » et des élèves en difficulté comme partout. Mais cela reste un choix pour les familles et ont peut imaginer qu’elles sont un peu plus attentives à certains aspects de l’éducation de leurs enfants. Quant aux effectifs des classes, il est le même dans le bilingue et dans le non bilingue.
Des compétences langagières en plus Les textes officiels imposent une parité horaire. Le bain de langage dès la maternelle permet aux enfants d’acquérir le bagage nécessaire aux apprentissages. L’écrit dans les 2 langues est présent dès le départ. L’apprentissage de la lecture se fait dans les 2 langues, celui du code est privilégié en français. L’anglais n’est souvent démarré qu’au CE2, les compétences langagières acquises font qu’en fin de CM2 (A1 du cadre européen CECRL) le niveau requis est atteint. Concernant le breton, les élèves quittent l’école primaire avec le niveau A2 et B1 en compréhension orale.
Des difficultés au collège Par contre on assiste à une déperdition importante au collège (un gâchis !). A un moment une politique de pôles avait été mise en place pour obtenir des cohortes d’élèves intéressantes. Tout devient plus compliqué au collège avec le manque de transport scolaire, le manque d’internat, ce qui amène les familles soit à abandonner soit à opter pour les écoles Diwan.
Un avenir incertain L’avenir s’assombrit à l’école primaire sur plusieurs plans malgré un discours de l’administration qui peut paraître bien intentionné. Il existe un souci de financement pour les élèves des communes voisines qui sont scolarisés à l’école bilingue ce qui occasionne des tensions entre municipalités. L’enseignement bilingue prend tout son intérêt avec un démarrage en maternelle en particulier avec des tout petits, or les critères d’ouverture se durcissent (15 élèves de + de 3 ans). Dans certains endroits les enseignants bilingues ont tout juste l’impression d’être tolérés et sont en proie à des tracasseries. A l’occasion de la réforme de la formation, les PES bilingues ont été en charge de classe dès la rentrée, contrairement à leurs collègues non bilingues ; le centre de formation d’enseignement bilingue de l’IUFM de Saint-Brieuc qui avait vocation à assurer la formation de tous les enseignants bilingues de Bretagne subit le sort de tous les IUFM...
« Et pourtant, ça marche ! » Pourtant, même s’il n’y a pas de miracle, « ça marche bien », les élèves manifestent une vraie ouverture d’esprit et c’est un plus pour l’école. Enseigner en breton n’est pas la même chose qu’enseigner le breton. Cela demande une vraie pédagogie de l’enseignement bilingue active, ouverte et riche.
Un rapport... Un rapport sur l’enseignement du et en breton vient d’être remis au recteur de Rennes par F. Broudic. Il émet des propositions pour « relancer et assurer la pérennité » de cet enseignement. Les membres du Conseil académique des langues régionales, dont la FSU, ont demandé la constitution d’un groupe de travail pour débattre des préconisations du rapport. Ils rappellent leur demande d’un engagement clair de l’éducation nationale pour un enseignement de proximité dans des cursus publics.