Éducation à la sexualité « C’est dans les programmes ! »
9 février 2010

« réinterroger les questions des élèves sans forcément donner de réponse »

Quels sont les mots que nous avons utilisés pour parler des organes génitaux lors de la dernière séance ? » demande Didier. « Le vagin, le pénis, euh, les deux boules, je me rappelle plus… » répond un élève. Pas de rire dans la classe, à peine un petit sourire, les doigts continuent à se lever pour donner les autres mots appris. C’est qu’en CM2 les élèves sont habitués à ces séances d’éducation sexuelle et affective co-animées par Didier Genty (voir ci-contre) et les enseignants de cycle 3 de l’école Paul Dottin, située dans le réseau ambition réussite de Bellefontaine de Toulouse : un travail sur 6 séances commencé cette année à partir d’un « brainstorming » sur le mot « aimer » et du dessin animé « Le bonheur de la vie ». Les règles sont précises : on ne se juge pas, on ne se moque pas, on ne personnalise pas, on respecte par la suite un principe de discrétion. Après ces rappels de la séance précédente, Didier présente l’activité de la journée, un autre pan de l’éducation à la sexualité, la prise de conscience des stéréotypes. Les élèves, en groupe, doivent indiquer si des expressions et des activités leur semblent plus correspondre aux filles, au garçons ou aux deux. Les discussions vont bon train et « faire la vaisselle » finit dans la colonne des filles même si les deux filles du groupe remarquent d’un air étonné que chez elles c’est leur père qui fait la vaisselle. Sur la coiffure, sur l’habillement, la discussion en grand groupe fait apparaître que ce qui « fait bizarre » ne renvoie en fait qu’aux habitudes d’ici et de maintenant. La séance se clôt sur le libre-arbitre de chacun.

Changement de décor dans le CM2 d’Alexis Broudo. Le schéma des organes de reproduction* est collé dans le cahier de sciences. Alexis insiste : « Ce sont des sciences, c’est dans le programme ». Cette année, il n’a pas organisé de réunion avec les familles et il « sent » des réticences. Pourtant les élèves décrivent sans souci les diverses manifestations de la puberté. Quelques demandes de précisions, par exemple sur l’âge d’apparition des spermatozoïdes, laissent apparaître des questionnements en cours ; une élève ayant évoqué l’épilation fait « marche arrière » et ne souhaite plus préciser sa question. Didier et Alexis distribuent la parole, essaient de faire préciser la pensée, reformulent, donnent l’information.

Deuxième temps de la séquence, un extrait de « Billy Elliot ». La première réflexion d’un élève lance le sujet : « mais ça n’a rien à voir avec la sexualité ! » C’est l’occasion pour les maîtres de refaire le point sur la sexualité, un « ensemble de choses » qui comprend bien sûr les rapports sexuels, comment on fait pour avoir un bébé, mais aussi l’amour, « ce que l’on ressent dans son coeur », les différences, le féminin et le masculin. Les questionnements tournent autour de l’attitude du père qui refuse que son fils fasse de la danse. les élèves semblent prendre fait et cause pour Billy et son « envie très forte ». Didier fait référence au hip hop, aux étoiles des ballets, au grand chorégraphe Sidi Larbi Cherkaoui, une référence tout sauf innocente dans ce quartier où la population est majoritairement d’origine maghrébine. D’ailleurs, Olivier Plateau, enseignant en grande section, à l’école Falcucci dans le même quartier, justifie avec Alexis l’importance d’aborder toutes ces questions en classe, à partir des témoignages des adolescents et des adolescentes en souffrance, des difficultés accrues pour emmener les filles à la piscine, de l’écart entre « la culture de l’école et celle de la maison ». Olivier a la chance de travailler dans une école « un peu en avance » qui a mis en place un Café des parents. Il intervient avec le médecin scolaire qui peut gérer individuellement la parole de certains petits quand c’est nécessaire et il a organisé plusieurs rencontres avec les parents. En évacuant au début tout ce qui tourne autour du « pipi caca », il permet aux élèves d’entrer sereinement dans les activités, puis il déroule les thèmes à partir d’un petit livre qu’il a confectionné : le corps, les sentiments, la famille, les bébés… Olivier, comme Alexis ont participé aux animations pédagogiques de la circonscription (2 fois 3 heures les années précédentes). Les jeux de rôle les ont préparés au côté déstabilisant, « ça secoue ! », et pour eux, il est important d’être en position de réinterroger les questions des élèves sans forcément donner de réponse. Ils ont tous bien conscience d’être un peu des précurseurs car l’éducation à la sexualité fait encore peur à l’éducation nationale.

Sciences expérimentales et technologie, CM cycle3, Hachette, 2003


Lire aussi :
- « une éducation sexuelle et affective “de base” pour éviter une éducation sexuelle “d’urgence” »
- En ligne : Education à la sexualité