Il était une fois... « On ne peut pas laisser les grandes questions anthropologiques aux mains des mangas et des Walt Disney. Tous les enfants se les posent. Si l’école les déserte et ne leur offre pas d’objets culturels, si elle n’est pas en résonance avec ces questions, elle laisse le champ libre à ceux qui l’exploitent dans un contexte marchand, mais avec une grande médiocrité. » Philippe Meirieu définit d’emblée une responsabilité de l’école : celle de transmettre les contes aux élèves. Mais si le directeur de l’IUFM de Lyon avance une telle affirmation, c’est moins par souci de lutter contre la « marchandisation », que par nécessité d’exploiter toutes les dimensions culturelles et éducatives véhiculées par les contes. Pour preuve, il a inscrit au programme de l’IUFM un module de formation basé sur ce sujet (lire).
Si des enseignants intègrent le conte dans leur projet c’est qu’il convient parfaitement à l’école et aux élèves. Il peut être ce matériau commun pour construire des apprentissages sur un support culturel reconnu par tous, toutes origines et milieux confondus. A Pierre Bénite, dans le Rhône, les enseignantes de l’école maternelle Henry Wallon ont travaillé avec les conteuses d’une association ardéchoise sur des acquisitions fondamentales : le développement de l’imaginaire, la prise de parole, le respect des autres, la découverte multiculturelle... (lire).
Au primaire on y ajoute des dimensions supplémentaires comme la « mécanique » de construction d’un récit, les formes littéraires. Cet usage didactique s’est beaucoup développé avec les recherches sur l’intertextualité, mettant en exergue les « passages entre oralité et écriture », comme l’explique Nadine Decourt maître de conférence à Lyon 2 (lire). . « C’est aussi une bonne formation à la littérature », ajoute-t-elle. Bref, le recours au conte est, pour les enseignants, l’assurance de disposer de contenus de qualité grâce à une matière qui ne s’épuise jamais, d’une grande diversité. Le registre des contes est très vaste, modulable, adaptable à tous les publics et sert de point de départ à de nombreuses activités en littérature ou arts plastiques par exemple. Les programmes de 2002 qui insistent sur la dimension culturelle et la transversalité des savoirs, trouvent ici leur application (lire).
Les contes constituent également une entrée propice au traitement de certaines formes de difficulté d’apprentissage : maîtrise de la langue, acquisition du vocabulaire, mémorisation, qualité de l’écoute. A ce stade, ils constituent une bonne médiation car ils permettent aux élèves concernés d’évoluer dans un cadre moins scolaire et de se construire des repères. Dans un autre registre, le conte possède une dimension réparatrice très structurante. « L’enfant est gagnant dans les contes » et c’est un formidable appui pour le travail en rééducation comme le montre Françoise Courvasier, rééducatrice dans le Calvados (lire).
Pour tous les enfants, les contes amènent des questions en liaison avec le développement psychique individuel. Ainsi en va-t-il des fantasmes archaïques de dévoration (l’ogre, le loup) ou d’abandon (le Petit Poucet). Le conte fait peur, mais il se finit généralement bien, sauf les contes dits d’avertissement à visée purement éducative (la chèvre de Monsieur Seguin). La répétition d’un conte précis, demandée par un enfant correspond le plus souvent à des besoins d’intégration de schémas nécessaires à la construction de sa personnalité. Et l’Ecole ne peut ignorer les conditions favorisant ce développement.
La dimension éducative des contes s’exprime encore dans « l’apprentissage du vivre ensemble » rappelle Bernadette Bricout, professeur de littérature à l’Université Paris VII (lire l’entretien). , rappelant les propos du conteur Henri Gougaud pour qui « le conte n’est pas un art du spectacle, c’est un art de la relation ». Ce n’est donc pas un hasard si, comme à, Pierre Bénite où l’école accueille 19 nationalités différentes, le travail sur le conte aide les élèves à comprendre les rituels des différentes cultures. Lien culturel d’une très grande richesse, le conte contribue à construire la culture commune scolaire indispensable à tous les élèves pour entrer dans les apprentissages et les former sur le plan affectif et intellectuel.