Reportage
Aménagement de cour : la récré-action citoyenne
26 novembre 2012

La réfection de la cour de récréation de l’école Jules Verne à Lyon a fait l’objet d’un travail d’une année scolaire. Un projet qui a associé les élèves de CE2 et des spécialistes de l’urbanisme.

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À l’écart du terrain de foot, un espace de jeux plus calmes dans lequel les petits groupes s’organisent.

« Maintenant, on va faire des réunions pour de nouvelles règles. » annonce Baptiste qui se sent engagé dans le nouveau fonctionnement de la cour. Il faut dire que sa classe a joué un rôle important dans la transformation de cet espace emblématique de l’école. La qualité de vie, des jeux et des relations a été améliorée pendant les temps de récréation et il peut en mesurer avec fierté les progrès tant pour les élèves que pour les enseignants.

Une cour aménagée pour et par les usagers

« On a rapetissé le terrain de foot, avant il y avait toujours des télescopages » raconte Chloé qui vante aussi les mérites des tables en bois pour goûter. À l’école Jules Verne, la cour semble pouvoir répondre à toutes les attentes de ses usagers : très grande, elle offre surtout des possibilités importantes pour les activités des élèves, qu’ils soient petits ou grands, sportifs ou contemplatifs, isolés ou en groupes... S’il en est ainsi, c’est surtout parce que les enfants de l’école ont pu analyser l’usage qu’ils avaient de cet espace et participer à son évolution. « On a voulu laisser de la place libre parce qu’il y a des élèves qui veulent danser, chanter et faire des chorégraphies » ajoute Lucie. Sans parler des échiquiers au sol, des bancs autour des arbres, des pistes pour les relais ou du jardin potager en cours de réalisation. Si les élèves approuvent les transformations de leur cour, ils évoquent aussi avec plaisir le travail qu’ils ont effectué en classe pour obtenir ce résultat.

Des outils de professionnels au service d’une démarche citoyenne

Comme déjà quatre autres écoles de la ville de Lyon et six autres à venir, l’école Jules Verne a en effet bénéficié pour la réfection de la cour de récréation d’un partenariat original entre la ville, l’Éducation nationale et l’association « Robins de Villes ». « Connaître, partager pour transformer notre cadre de ville » est l’une des devises de l’association qui a pour objectif de remettre les habitants au centre du processus de construction de la ville. Dans ce projet ce sont les élèves qui ont été impliqués et qui sont passés de simples usagers à co-concepteurs de leur environnement. Alors que des travaux étaient prévus par la ville dans la cour de l’école, une classe de CE2 a été choisie comme classe relais. « Ce sont souvent les CE2 qui intègrent les projets pour des raisons de compétences requises (capacité d’abstraction, lecture de plans, passage de la 3D à la 2D...) et aussi pour leur permettre de voir la cour réalisée puisque les travaux ont lieu l’été suivant le travail en classe » nous explique Sylvain Manhes des « Robins des Villes ». La méthodologie est maintenant bien rodée et la collaboration entre les différents partenaires se concrétise au cours de dix ateliers tout au long d’une année scolaire. De l’analyse de l’existant à une phase d’utopie (la cour rêvée... avec piscine et toboggan géant !) pour aboutir progressivement à une phase de projet réaliste par l’introduction de la notion de contrainte, les élèves sont impliqués à tous les stades. Chloé reconnaît que « tout le monde a plein d’idées, quelquefois bizarres, et à la fin on n’en a gardé que quelques-unes ». Les outils de professionnels sont mis à la disposition des élèves : analyse descriptive et critique, photos références, plans, maquettes... et même concours pour sélectionner le meilleur projet. Toute cette matière est synthétisée et remise à la ville qui s’en empare pour la traduire en plan d’aménagement. L’été suivant, les travaux sont réalisés sous le contrôle des « Robins » qui s’assurent que le cahier des charges est bien compris et respecté par les entreprises. Bilan positif pour les élèves et pour les enseignants. Le directeur, Jean-Luc Girault apprécie lui aussi : « La cour est beaucoup plus facile à surveiller : il y a beaucoup moins de heurts, certaines zones sont plus calmes et demandent moins de vigilance. On constate aussi que la diversité des activités possibles a fait baisser le nombre de footballeurs acharnés ! »


« Des conflits d’usage réglés »

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Sylvain Manhes

3 questions à Sylvain Manhes, Géographe et animateur Coordonnateur du Pôle éducation des « Robins des villes »

- En quoi l’aménagement d’une cour école vous intéresse-t-il ?

  • L’association « Robins des Villes » est composée d’architectes, d’urbanistes, de géographes... Elle a pour objectif de remettre les habitants au centre du processus de fabrication de la ville. Pour mener à bien nos projets, nous nous inscrivons comme un acteur facilitateur qui oeuvre pour le processus de construction et pour l’intérêt général de l’ensemble des citoyens. Le cadre de la ville est bâti mais il est aussi sociologique et politique. Nous avons de ce fait toute notre place dans des projets concernant les élèves en tant que citoyens et usagers.

- En quoi ces réalisations modifient-elles le comportement des élèves ?

  • Si les usagers sont investis dans la construction d’un espace, celui-ci répond mieux à leurs besoins et à leurs souhaits. Les espaces identifiés par les enfants sont mieux respectés et les équipements vont durer plus longtemps. Quand ils ont été associés à leur conception, la manière dont ils s’approprient les espaces est différente et souvent très satisfaisante. Je pense à un billodrome qui fait fureur dans une cour, même les vendeurs de billes en sont contents ! Il en est de même pour des coins tables, des petits murets pour s’asseoir le long des plantations, des assises en bois.. qui répondent à de véritables besoins. Les usages sont analysés, toute la phase de diagnostic fait apparaître ce qui fonctionne, ce qui ne fonctionne pas et on peut réfléchir à ce qu’on va pouvoir améliorer. Suite au travail effectué avec les classes, un certain nombre de conflits d’usages est identifié et, en partie, réglé.

- La démarche que vous mettez en oeuvre engage aussi dans une citoyenneté plus active.

  • Dans les projets « cour d’école », les élèves sont initiés à l’élaboration et la mise en oeuvre d’un projet de la phase de conception à la réalisation. Les élèves vont saisir le jeu d’acteurs (qui décide quoi ? qui fait ?) et vont comprendre ce qu’est une démocratie représentative avec ses élus, les différents services, un budget... Ils se positionnent aussi dans une démarche participative de citoyens actifs qui vont donner leur avis : ils vont apprendre à s’écouter, à faire des concessions, à argumenter, à prendre en compte l’avis des autres.

en BREF

- Architecture | Un jeu d’enfant

  • Archimôme propose aux enfants, ainsi qu’au public en situation de handicap, de découvrir en ligne l’architecture à travers les collections de la Cité de l’architecture et du patrimoine à Paris. Grâce à des vidéos, des jeux interactifs et des activités manuelles à réaliser chez soi, le site propose une présentation du musée des monuments français et aborde les thèmes de l’architecture au Moyen Age, des décors peints et sculptés et de l’architecture moderne. _ www.archimome.fr

- Urbanisme | La ville en valise

  • La « Ville en valise » est l’aboutissement de près de six années de recherches et d’expérimentations sur la conception d’outils d’éducation du jeune public au cadre de ville. Partant du constat que 80 % de la population française vit en ville, l’éducation à l’environnement urbain est un défi, une condition essentielle au développement d’une relation épanouie et créative de l’habitant à son cadre de vie. Elaborée en lien avec des professionnels de l’urbain (architectes, urbanistes, paysagistes…) et des praticiens de la pédagogie, la « Ville en valise » permet de rassembler l’expérience des « Robins des villes » en vue d’une transmission au plus grand nombre.
    - _ www.villeenvalise.org

- Récréation | La récré côté cour